• La vieille dame solitaire

    La vieille dame solitaire

    Bien des histoires racontaient la sienne, bien des légendes ternissaient son portrait. Lorsqu’on demandait aux habitants du village de Winboraw de nous parler de la vieille dame vivant au Manoir Wenbinson, du nom de famille de la résidente, on avait le droit à plusieurs versions. Certains prétendaient qu’elle était morte depuis longtemps mais que son corps continuait de bouger par lui-même, d’autres la jugeaient folle, disant que la solitude l’avait malmené et que le temps l’avait fait sombrer dans un état déplorable, d’autres encore déclaraient simplement que c’était une sorcière et qu’il valait mieux ne pas l’approcher. Ce qui me surprenaient, ces qu’aucun habitant, bien que profanant des rumeurs, ne l’avaient vu, beaucoup n’osant pas s’approcher de sa demeure vue ce que l’on entendait sur la propriétaire. De plus aucun d’entre eux ne savait concrètement d’où venaient ces histoires qui passaient de bouche à oreille depuis plusieurs années, comme ci l’origine et la nature de ces dires étaient nés d’eux-mêmes. Bien qu’on m’ait plus d’une fois averti de ne pas aller à sa rencontre, les autres personnes à l’avoir fait ayant disparu sans prévenir, je décidai malgré tout d’aller à la rencontre de Miss Wenbinson. Après tout, lorsqu’on entend de telles histoires à propos d’une personne qui vit pourtant à plus d’une cinquantaine de kilomètres de chez soi, il y a de quoi s’interroger et s’intéresser à cela.
    Par un bel après-midi ensoleillé où la température était douce et agréable, je me rendis jusqu’au Manoir Wenbinson, bien entendu personne n’avait osé m’accompagner. Je donnai trois coups à l’aide du heurtoir de porte en bronze, celui-ci représenté la tête d’un aigle, j’attendis quelques instants sur le perron en bois. La vieille femme vint m’ouvrir au bout de quelques minutes et je pus voir son visage, je me souvins alors que personne ne me l’avait décrite physiquement. Naturellement lorsqu’on entend de telle histoire sur une personne, on l’imagine généralement assez laide, grimaçante, des séquelles de l’âge clairement visible, comme une femme voutée ou marchant avec une canne. Ainsi quelle ne fut pas ma stupéfaction lorsque ce fut une vieille dame au visage sympathique et bien conservé bien que les années passées avaient laissé leur marque, elle avait plus des airs de gouvernante que de sorcière. Je décidai de me méfier malgré tout, même le plus mignon des chats peut vous griffer si l’envie lui prend, pas que je jugeais cette vieille dame dangereuse mais la prudence est toujours bonne à avoir. Je la saluai ainsi :
    « Bonjour Miss Wenbinson, je me présente John Penningham, j’aimerais discuter avec vous quelques instants si vous le permettez.
    « Entrez donc, jeune homme »
    Elle m’avait répondu avec le sourire et je la suivis dans le grand couloir au plafond haut, je reconnaissais bien là le style des très vieilles maisons bourgeoises. Le plafond était rempli de toiles d’araignée, je comprenais bien qu’à son âge la propriétaire n’avait plus la force de monter si haut pour faire du ménage. Elle m’invita d’ailleurs à aller m’asseoir dans un des fauteuils du salon et me proposa un thé, expliquant qu’elle venait de s’en préparer un peu, j’acceptai par politesse. Tandis qu’elle partit chercher le thé, je me demandai comment une dame visiblement gentille et sympathique pourrait être l’origine d’autant de mauvaises rumeurs et surtout comment j’allais aborder le sujet. Elle revint avec un plateau qu’elle posa sur la petite table du salon, je me proposai de servir le thé, décidant de ménager la vieille dame avant de parler des raisons qui m’avaient fait venir ici. Une fois servi, elle but une gorgée, elle me demanda avec un sourire :
    « Alors qu’elle est la raison de votre visite Monsieur Penningham ? »
    En analysant son regard et au ton qu’elle avait prononcé la question, j’avais la sensation qu’elle connaissait déjà la réponse, ainsi je décidai de jouer la carte de l’honnêteté :
    « Je suis venue car, vous devez le savoir sans doute, beaucoup de rumeurs existent sur votre personne et j’aimerai découvrir pourquoi elle existe. »
    Elle ne me répondit pas, se contentant de sourire avant de boire une nouvelle gorgée de thé. Je n’avais pas encore touché à ma tasse et j’avoue que ce silence qui se laisser entendre, tandis que j’attendais qu’elle me réponde, m’inquiéta légèrement. Elle posa sa tasse qu’elle avait rapidement vidée, et me répondit enfin :
    « Oui je suis consciente de ces nombreuses rumeurs à mon sujet, dites-moi, qu’elle est celle que vous croyez le plus ? »
    J’étais quelque peu inquiet, bien que cette question fût d’apparence anodine, elle résonnait quelque peu comme une invitation à rentrer dans un jeu sordide. Je finis par déclarer tout en balbutiant un peu :
    « Je…Je n’en crois aucune Miss, n’allez pas penser que j’ai accordé une quelconque valeur à ses jugements hâtifs. »
    Elle sourit, cette voici d’un air moqueur en rétorquant :
    « Eh pourtant vous semblez bien effrayé d’être en ma présence, personnellement j’apprécie beaucoup celle déclarante que je suis une sorcière. Ça me permettrait de faire le ménage d’un coup de baguette. »
    Avait-elle dit cela après avoir remarqué que j’avais observé les toiles d’araignées au plafond, je n’aurai jamais la réponse à cette question. En revanche, elle m’en posa une qui semblait n’avoir aucun rapport avec notre discussion :
    « Quelle est la plus grande tristesse qu’une vieille dame puisse avoir d’après-vous ? »
    Je n’eus pas besoin de réfléchir longtemps avant de répondre :
    « J’imagine que c’est la solitude… »
    Elle se dirigea vers la fenêtre quelque peu crasseuse qui laissait malgré tout passer la lumière du soleil, elle répondit pensivement :
    « La solitude, c’est exact. Quelques enfants ont trouvés amusant de lancer des rumeurs sur cette vieille dame solitaire qui vit dans le grand manoir, n’allez pas croire que je leur en veux, à leur âge ont a pas forcément conscience des répercussions que cela peut avoir. Pourtant ces premières rumeurs ont quelque peu créé une frayeur parmi les habitants, surtout à partir du moment où un petit garçon eut disparu en pleine nuit, non que cela ait un quelconque rapport avec moi mais disons que cela a donné du poids aux rumeurs. »
    Je préférai ne pas la couper dans ses explications, elle continua pensivement :
    « C’est lorsque pendant une nuit trois jeunes enfants son rentrés chez moi que j’ai eu une idée, si ces rumeurs avaient provoqué une crainte à l’idée de venir me voir, elles avaient aussi provoqué une certaines fascination. Par exemple c’est grâce à elles que cette après-midi je bois le thé avec un charmant jeune homme venue me rendre visite alors qu’il ne me connaît même pas. »
    Elle se tourna vers moi avec le sourire, bien que j’aie compris d’où venaient les rumeurs à présent je préférai avoir sa confirmation :
    « Donc c’est vous qui avez créé ces rumeurs. »
    Elle hocha la tête afin d’approuver mes dires. Ainsi l’origine des rumeurs en était la source même. Je partis de chez la vieille dame qui me fit promettre de garder le secret et m’encouragea même à propager les rumeurs à mon tour. Ainsi je pris un autre chemin pour partir afin de ne pas me faire repéré par les villageois de Winboraw et rentrai chez moi en ayant appris une bonne leçon. Si l’apparence d’un ange peut cacher un monstre, la vision d’un monstre peut se révéler être un ange.

    Une note accompagne cette ultime page du journal de John Penningham, il semblerait que celle-ci fut écrite trois jours après sa visite au village de Winboraw. Il n’y a plus de trace écrite de John après celle-ci, c’est sa dernière trace dans l’histoire.

    Je m’étais trompé sur le compte de la vieille Wenbinson, elle m’a bien eu. Je ne suis pas sûr d’être encore en sécurité, elle m’a menti pour taire ma prudence. Méfiez-vous d’elle, elle cache un horrible secret, n’allez jamais la voir, vous vous mettriez en danger. J’espère que quelqu’un lira ce message et le fera partager vu que je risque de ne plus avoir d’occasion de le faire, je le sais, si vous lisez ce message, dites à tout le monde de ne jamais s’approcher de la vieille dame solitaire de Winboraw.


    Only Human.

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