• Chapitre X

     

    Dans les jours qui suivirent, Mathilde et Steve étaient toujours enclin à se disputer, évitant de se croiser ou de s’hurler dessus l’un l’autre. Jordan ne savait pas  comment agir dans tout cela, s’il essayait de parler avec sa sœur Steve lui en voulait et quand il parlait à ce dernier c’est sa sœur qui se montrait offensée.  La plupart du temps il se contenta donc de rester avec Émilie à s‘occuper du petit Résistant ou à allait se promener dehors, du moins quand il avait le courage d’affronter les vents glaciaux de la saison. Un jour où la tension semblait retombée, Steve accepta d’accompagner Jordan pour aller chercher de l’eau après le repas du midi, ils se vêtirent chaudement et partirent en direction de la vieille chaumière. Sur le trajet, Steve ne cessait de râler sur le fait que Mathilde était trop protectrice et chiffe-molle selon lui, bien que Jordan pensât à peu près la même chose, il préféra ne pas répondre laissant son cousin râler seul. Ce dernier finit par déclarer :
    « Elle tient à te parler quand on rentrera »
    Jordan mis quelques secondes à réagir et répondit quelque peu surpris :
    « Me parler de quoi ? »

    Steve ne lui répondit pas préférant avancer, Jordan savait à l’avance que cela ne lui plairait pas, il se prépara mentalement à l’improbable, qu’est-ce que sa sœur allait encore pouvoir lui reprocher. Tandis que Jordan s’imaginait différentes possibilité de disputes, lui et Steve arrivèrent non loin de la chaumière, ils entendirent alors une voix d’homme :
    « T’en fais pas va ! T’aura de la compagnie, voilà les restants de la déchiqueteuse, sois heureux de ne pas y être passé. »
    Tandis qu’un bruit indiquant que l’on faisait tomber plein d’objet se faisait entendre, Jordan remarqua qu’il reconnaissait la voix. C’était celle du Vautour qui avait tué son collègue sans remords l’autre jour, Jordan et Steve décidèrent de s’approcher discrètement en se cachant derrière les buissons, leur fusil prêt à faire feu. Il s’agissait bien du même homme, il semblait avoir vidé un sac dans le trou de la cave et s’amusait de ce qu’il voyait à l’intérieur. Une voix se fit entendre provenant de cette même cave :
    « Tu vas pas me laisser Joe ! Je t’ai dit que je suis désolé, fais-moi remonter !
    -Et moi je t’ai dit qu’il ne fallait pas me contredire, je reviendrai te voir dans cinq jours, si t’es encore en vie peut-être que je t’accorderai une seconde chance.
    - Nan Joe ne fait pas le con ! Reviens Joe ! Bordel ! »
    Mais le dénommé Joe partit comme s’il n’entendait rien, il fit le tour de la chaumière disparaissant de la vue des deux garçons, le bruit d’un moteur se fit entendre avant de s’éloigner, indiquant qu’il était parti en voiture. L’homme dans la cave avait cessé d’hurler, mais du bruit indiquait qu’il cherchait à sortir de l’endroit.  Jordan demanda en chuchotant à Steve :
    « Tu penses qu’on devrait aller voir ?
    - Je ne sais pas… Je n’ai pas envie de laisser ce mec là-dedans vu l’horreur que c’est mais qu’est-ce qu’on fait une fois qu’on l’aura sorti ?
    -On l’obligera à nous dire qui il est, pour être sur de savoir si il est dangereux ou pas. S’il est, on a nos fusils.
    -Ok allons-y. »

    Les deux garçons s’approchèrent en marchant prudemment, l’homme qui semblait avoir entendu les pas commença à demander :
    « Il y a quelqu’un ? S’il a quelqu’un venait m’aider ! »
    Jordan finit par voir l’homme qui était coincé dans la cave, Il le jugea un peu plus âgé que lui-même, très maigre. Lorsque l’homme aperçut Steve et Jordan armés d’un fusil, il supplia :
    « Aidez-moi ! Je ne vous veux pas de mal, je ne suis même pas armé, faites-moi sortir de là. »
    Ce fût Steve qui demanda :
    « Qui es-tu ?
    -Je m’appelle Maxime, allez faites-moi sortir. »
    Jordan questionna :
    « Relanceur ou Résistant ? »
    L’homme mis du temps avant de répondre :
    « Je suis neutre »
    Jordan savait que l’homme mentait, il déclara à voix haute :
    « Il n’y a plus personne de neutre, visiblement tu cherches à nous mentir donc on va te laisser là.
    -Non non ! C’est bon, je suis Relanceur mais je ne partage pas leurs idées. Je suis forcé d’être avec eux, je n’ai pas le choix. »
    Steve s’offensa :
    « On a toujours le choix, le choix de se battre pour sa liberté ou le choix de se laisser malmener. Vu que tu as choisi cette seconde option, on va la respecter et te laisser là.
    -Non je ne…
    -Ça suffit, on n’a pas que ça à faire. »
    Maxime vit les deux garçons s’éloignaient, l’abandonnant à son sort, jusqu’à ce que quelques secondes plus tard, ils revinrent. Jordan déclarant :
    « Ça c’est de la façon dont agissent les Relanceurs, en abandonnant ou tuant ceux qu’ils ne leur plaisent pas, nous, nous sommes des Résistants, ceux qui savent faire preuve de pitié. »
    Steve aida Maxime à remonter, une fois sorti de la cave, ce dernier les remercia d’un sourire :
    « Je vous suis reconnaissant les gars, j’ai bien crû que vous alliez me laisser pourrir avec ces restants de la déchiqueteuse, bon bah…j’ai plus qu’à rentrer chez moi »
    Mais Jordan lui retint le bras tout en précisant :
    « Nous sommes gentils mais pas idiots, rien ne nous assure que tu n’iras pas avertir qu’il y a des résistants dans les environs, tu restes avec nous, désolé. »
    Menacé du fusil des deux garçons, il n’osa pas broncher. Jordan rempli la marmite d’eau et ils rentrèrent, lui la portait tandis que Steve pointait son fusil sur Maxime, leur prisonnier désormais.

    « Qu’est-ce que… Je sens que ça ne va pas me plaire. »
    Ce fut la réaction de Mathilde lorsqu’elle vit les deux garçons rentrer avec leur prisonnier. Steve tenta d’expliquer :
    « Écoute on n’avait pas le choix, on a…
    -Pas le choix ?! Ah bah ça non, tu n’as jamais le choix de toute façon ! 
    -Tu veux bien écouter ce que j’ai à te dire ?!
    -NON ! Non, j’en ai marre de tes excuses que tu n’arrêtes pas de me sortir, t’as des excuses pour tout, t’arriverai même à trouver une excuse sur le fait que tu dois t’excuser. »
    Jordan tenta de calmer le jeu :
    « Mathilde, laisse nous t’expliquer au moins…
    -Non ! Tu sais quoi ! Je ne veux même rien savoir là-dessus, débrouillez-vous, ce n’est pas mon problème ! »
    Elle partit s’isoler dans la cafétéria comme elle le faisait souvent, Steve hurla en espérant qu’elle l’entende :
    « Qu’est-ce qu’elle est soûlante ! »
    Il s’éloigna également de son coté afin de se calmer, Jordan posa la marmite et visa Maxime de son fusil afin d’être sûr que ce dernier ne profiterait pas de la situation pour s’échapper. Ce dernier se tourna vers Jordan et déclara :
    « Désolé, je ne voulais pas être la cause d’une dispute de couple…
    -De couple ? Ils ne sont pas en couple, ils sont cous… »

    D’un coup Jordan avait un doute, il est vrai que ces derniers temps, le comportement entre Steve et Mathilde était celui d’un couple qui se disputait, de plus Mathilde voulait lui parler. Se pourrait-il vraiment que…non ça ne se pouvait pas, pas entre cousins. Il devait en avoir le cœur net et décida d’aller voir Mathilde tandis qu’il confia la garde de Maxime à Steve. Il rentra dans la cafétéria, Mathilde était assis à la table et observait le sol afin d’éviter de croiser le regard de son frère. Jordan demanda avec appréhension :
    « Steve m’a dit que tu souhaitais me parler… »
    Elle leva la tête et le regarda noir avant de regarder à travers la vitre tout en proclamant à haute voix :
    « Ça y est, il a enfin décidé que ce serait le bon moment pour avouer… 
    -Il…non ne me dit pas que v…
    -Si Jordan, je suppose que tu t’en doutais et je le confirme, moi et Steve sommes en couple. »
    Il fallut quelques secondes à Jordan pour réaliser la chose avant de rétorquer :
    « Mais…entre cousin et cousine.
    -Nous nous aimons Jordan…
    -Steve, notre cousin…
    -Je l’aime Jordan
    -Notre…Cousin !
    -Oh je t’en prie ! »
    Elle se leva et indiqua énerver :
    « Tu crois vraiment qu’à notre époque cela a encore de l’importance ? En  dehors d’être notre cousin c’est avant tout un homme et un homme que j’aime et qui est là quand j’ai besoin de lui. Si tu n’es pas capable de supporter cela, j’en suis désolé mais je ne lâcherai pas l’homme que j’aime pour toi. »
    Elle se rassit tandis que Jordan réfléchissait, il trouvait cela malsain mais d’un coté, si sa sœur était heureuse comme cela peut-être devrait-il l’accepter. Bien qu’il ne voulait pas savoir la réponse il ne put s’empêcher de demander :
    « Vous l’avez déjà fait ? »
    Des larmes commençaient à couler sur les joues de Mathilde, il sentait qu’elle regrettait quelque chose, elle dit en fondant en larmes :
    « Ça fait deux mois que… que je ne les ai plus… 
    -Que tu n’as plus quoi ? »
    Il comprit lorsque sa sœur tâta son ventre, la jeune fille supplia son frère :
    « S’il te plaît ne nous en veux pas… Je veux le garder… On est désolé mais ne nous en veux pas. »
    Jordan resta silencieux, perturbé dans ces pensées, et Mathilde implora son frère :
    « Dit quelque chose Jordan… Crie-moi dessus si tu veux mais ne restes pas silencieux »
    Jordan alla serrer sa sœur dans ses bras et déclara avec le sourire :
    « Je ne vous en veux pas non, au contraire je trouve ça formidable qu’il y ai encore des gens qui s’aiment et n’ont pas peur de fonder une famille. Jamais je ne pourrai être en colère contre toi parce que tu veux vivre voyons, c’est génial que tu as cette envie. Tu vas être maman ! »
    Mathilde sembla ravie de voir que son frère acceptait cela, elle le serra dans ses bras et le remercia. Jordan demanda :
    « Tu penses qu’on peut l’annoncer à Émilie ?
    -Elle le sait déjà, je lui en ai parlé tout à l’heure.
    -Bien… Par contre faudrait trouver quelqu’un qui pourra t’aider le moment venu.
    -Il nous reste sept mois pour ça, ne t’en fais pas. »

    Avec cette bonne nouvelle à l’esprit, Jordan mit un peu de temps à se rappeler qui était le jeune homme que Steve pointait avec son arme. Les deux garçons l’emmenèrent dans la cafétéria et le firent s’asseoir sur l’une des chaises avant de lui attacher une de ses mains avec de la ficelle de fortune. Maxime déclara avec un rire inquiet :
    « Vous allez pas me faire subir un interrogatoire quand même ? »
    Ce à quoi Jordan répondit :
    « On veut juste savoir ce qu’est ce village composé uniquement de Vautours ? C’est l’un de vos camps ?
    -Croyez-le ou non, je suis neutre du moins je l’étais. Tout comme la plupart des villageois, je n’ai pas choisi de devenir un Relanceur.
    -Alors pourquoi es-tu devenu Relanceur plutôt que de résister ? »
    Steve avait demandé ça avec une certaine rancœur, comme s’il reprochait à Maxime d’avoir lâché aussi facilement mais ce dernier se justifia :
    « Pour pouvoir nourrir ma fille de deux ans, la seule nourriture qu’on puisse obtenir vient d’eux et même sans ça, si on refuse de se rallier à leur cause on meurs et notre famille se fait envoyer à la déchiqueteuse, je ne veux pas que ma fille ait à subir ça à cause d’un choix que j’aurai pris. Déjà qu’elle a perdu sa mère… »
    Un silence prit place avant que Jordan demande avec une légère appréhension :
    « Qu’est-ce que la déchiqueteuse ? »
    Maxime observa Jordan comme si ce dernier lui avait demandé de lui décrire l’enfer, cependant il répondit avec amertume :
    « C’est une grande fosse, où se trouvent une dizaine de chiens que les Relanceurs affament afin qu’ils se jettent sur les personnes qu’il font descendre dedans pour les punir. C’est de là que viennent les os de la cave que vous avez vu. »
    Mathilde qui avait assisté à la discussion des hommes depuis le début demanda alors :
    « Des os dans une cave ? Mais de quoi parle-t-il ? 
    -Crois-moi, ma chérie, vaut mieux pas que tu saches. »
    Bien qu’il ait accepté que sa sœur soit en couple avec Steve, Jordan vu assez gêné d’entendre Steve parler de la sorte à Mathilde. Il le fut encore un peu plus quand cette dernière alla serre le bras de Steve, la question de Maxime en rajouta une couche :
    « Je croyais qu’ils n’étaient pas en couple ? »

    Ce soir-là, un invité était présent lors du diner habituel de la famille. Jordan, Steve et Mathilde s’étaient mis d’accord sur le fait qu’il ne pouvait relâcher Maxime avant d’avoir réellement confiance en lui. Si ces trois derniers lui avaient parlé facilement, ce n’était pas le cas d’Émilie qui semblait très mal à l’aise rien que le regarder. Lors du diner, elle semblait soudainement très intéressée par son assiette dès que la voix de Maxime se faisait entendre. Jordan décida d’aller lui parler après le diner pour savoir ce qu’elle pensait de la situation. Il l’a trouva occupée de jouer avec son lapin qui allait mieux depuis quelque temps. Il s’assit à ses cotés et demanda :
    « Résistant va bien ?
    -Oui, je crois que sa blessure à sa patte commence à bien guérir.
    -C’est une bonne nouvelle, et toi comment vas-tu ? »
    La jeune fille observa son frère comme si ce dernier lui avait demandé quelque chose de surprenant, elle répondit timidement :
    « Oui je vais bien.
    -Tu es sûre ? Tu sembles assez inquiète depuis que Maxime est parmi nous. »
    Elle prit son lapin dans les bras et la caressa avant de déclarer :
    « C’est un de nos ennemis alors je me méfie de lui c’est tout. »
    Jordan chercha ses mots avec soin avant d’ajouter :
    « Tu as raison de te méfier de lui mais en dehors d’être un relanceur c’est aussi un être humain tout comme nous, j’ai appris aujourd’hui qu’avant d’être quelqu’un désigné par un nom ou un lien, on est surtout un être humain. Aucun être humain doit être inconsidéré, peu importe ce qu’il est, sinon c’est nous qui perdons notre humanité, tu comprends où je veux en venir ?
    -Tu veux que j’arrête de faire comme si notre prisonnier n’existait pas ?
    -Exactement, commence par l’appeler Maxime comme il se doit et essaye de parler un peu avec lui, après tout peut-être est-il plus gentil et sympa que l’idée qu’on se fait de lui pour l’instant. C’est là où c’est difficile, il faut se méfier sans pour autant retirer toute confiance en une personne, il faut trouver un juste milieu pour savoir si oui ou non quelqu’un mérite notre confiance. Quoiqu’il arrive ne reste jamais fermé sur toi-même, ce serait plus dangereux que de tenter de faire confiance à quelqu’un.
    -Je te le promets »
    Voyant sa jeune sœur sourire, il se leva et ajouta avec le sourire en lui caressant les cheveux :
    « En plus toi aussi t’as un petit prisonnier »
    Émilie lui fit une grimace tandis que le jeune homme s’éloigna.

    Durant les quelques jours qui suivirent, Émilie avait suivi le conseil de son frère et n’hésitait plus à discuter avec Maxime. Jordan commençait à apprécier ce dernier, il paraissait évident qu’il n’avait pas mauvais fond. D’ailleurs il passait le plus de temps possible avec le jeune homme, évitant ainsi de voir Steve et sa sœur agir comme un couple, ce qu’il avait encore un peu de difficulté à accepter. Pourtant lors d’un repas au midi, Jordan décida de reparler de la grossesse de Mathilde en signalant :
    -Mathilde, si tu veux garder ton enfant, il faudra qu’on trouve au minimum une personne capable de t’aider pour l’accouchement et plus tôt on s’y prendra mieux ce sera, si on trouve un endroit où ce sera plus sécurisé, ce serait encore mieux.
    -J’en ai bien conscience Jordan, le mieux serait de trouver une mère digne de confiance, qui à elle-même dû accoucher dans cette situation. Maxime, vous ne seriez pas si dans votre village, une telle personne qui accepterait cela existe ? »
    Maxime réfléchit quelques instants avant de répondre :
    « Non je connais pas de jeunes mères mais si vous devez accoucher, il me semble que l’hôpital de la  ville portuaire du nord est au mains des Résistants et qu’il y a des médecins parmi eux. D’ailleurs le contrôle de la ville est partagé entre les Relanceurs et les Résistants.
    -C’est bien beau mais je ne vois pas comment on pourra aller jusqu’à la ville, nous n‘avons aucun véhicule et y aller à pied serait beaucoup trop risqué. »
    Jordan était d’accord avec ce que venais de dire Steve mais Maxime ajouta avec espoir :
    « Ils vous suffirait de prendre le train. »

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