• Chapitre XI

     

      La jeune femme s’approcha d’Émilie qui ne put s’empêcher de serrer sa sœur dans ses bras une fois celle-ci assez proche pour le faire. La jeune fille avait une flopée d’émotions qui tourbillonnaient dans sa tête, elle était ravie de retrouver sa sœur mais également inquiète de la voir dans cet état-là, ce conflit sentimental ne put s’exprimer que par des larmes qui coulèrent sur les joues d’Émilie. Elle n’était pas la seule à pleurer, la jeune fille remarqua que sa sœur avait également les larmes aux yeux, toutes deux partageaient leurs sentiments en silence, comme si une connexion psychique se faisait entre elle et qu’elles se rassuraient l’une l’autre sans le savoir. Elles relâchèrent leur étreinte en même temps et Émilie se décala afin de laisser sa sœur s’asseoir tout en séchant ses larmes, Steve tenta d’apaiser l’ambiance en déclarant avec le sourire :
    « J’en déduis que vous êtes contente de vous retrouver… ou que vous aviez froid 
    -Mais tais-toi, toi ! On a bien compris que t’étais jaloux ! »
    La réponse d’Émilie avait réussi à faire rire un peu Mathilde, celle-ci observa sa jeune sœur et lui demanda :
    « Alors comme cela, tu fais comme ton frère a toujours prendre des risques ? »
    Émilie fut abasourdie par la faiblesse de la voix de sa sœur, comme si cette dernière avait subi une extinction de voix récemment et qu’elle était forcée de chuchoter, néanmoins Émilie fit son possible pour ne pas laisser paraître sa stupéfaction afin de ne pas vexer sa sœur. Pour autant, elle ignorait quoi répondre, ne sachant pas si sa sœur lui faisait un reproche ou si elle lui posait une simple question, elle finit par déclarer :
    « J’essaie de l’éviter, mais je crois que j’ai ça dans le sang. »
    Pendant quelques secondes elle avait cru voir Steve faire des gestes avec ses mains, mais celui-ci s’était arrêté au moment où sa femme se retourna pour l’observer, Mathilde se tourna de nouveau vers Émilie, cette dernière avait la sensation que sa sœur se retenait de pleurer, de plus, la jeune fille remarqua que désormais sa sœur lui portait un regard plus sombre comme si elle était en colère contre elle. Mathilde ferma les yeux et serra le poing, comme si elle tentait de se contrôler avant de répondre d’un ton amer :
    « Ça… c’est sûr que tu ne dois pas avoir le même sang que ta sœur, tu n’es pas stupide comme elle, à rester en sécurité bien tranquille pour finir par être abandonnée de tout le monde. 
    -Ma chérie tu…
    -Fermes là ! Je suis venue pour parler avec ma sœur, non ? Alors laisse-moi parler avec ma sœur et n’intervient pas. »
    Steve avait tenté de calmer Mathilde, mais s’était fait taire sèchement, Émilie se sentait très mal à l’aise, il fallait qu’elle s’explique, ce qu’elle fit en gardant un ton calme :
    « Je ne t’ai pas abandonnée, ce n’est pas comme ça que je l’envisageais, je n’ai jamais voulu…
    -Tu n’as jamais voulu quoi ? Tu n’as jamais voulu me faire de mal ? Tu n’as jamais… voulu m’abandonner ? Regarde-moi dans les yeux et ose me dire que tu ne rêvais pas de partir depuis longtemps déjà.
    -Bon Mathilde maintenant ça…
    -Steve s’il-te-plait, sors.
    -Quoi ? »
    Bien que Mathilde ait formulé sa demande de manière polie, sa façon de le dire sonnait plus comme un ordre, celle-ci se répéta :
    « J’aimerais que tu sortes et que tu nous laisses, moi et ma sœur, discuter entre nous deux sans devoir subir tes interventions régulières.
    -Vous ne discutez pas, tu ne fais que l’engueuler et lui balancer des reproches à la figure, Émilie n’a jamais voulu t’abandonner, elle voulait juste vivre libre plutôt que de vivre enfermée et elle n’est pas responsable des conséquences qui ont coulé sur toi. »
    Mathilde semblait ne pas avoir écouté, elle se leva et fit face à Steve avant de lui proposer d’un ton malsain :
    « Faut-il que je balance notre petit secret à tes collègues ou alors tu vas sortir gentiment ? »
    Émilie fut scandalisé, ce n’était pas dans les habitudes de sa sœur de faire du chantage, surtout pas de cette manière. Steve s’offensa tout autant déclarant :
    « Tu oserais aller jusque-là, vraiment ? T’as perdu les pédales ma vieille, il faut vraiment aller consulter…
    -C’est ça, insultes-moi, ça me convint beaucoup.
    -Tu sais quoi tu peux aller te…
    -STEVE ! »
    Émilie était intervenue avant que cela ne parte plus loin, elle ne voulait pas attirer de problèmes à Steve et lui indiqua :
    « C’est bon, tu ne peux nous laisser à deux, ça va aller, ne t’en fais pas.
    -Tu vois, elle, elle prend ses responsabilités au moins, aller du vent. »
    Steve, bien qu’énervé, finit par sortir en claquant la porte, Mathilde revint s’asseoir sur le lit, Émilie prit la parole avant que sa sœur ne puisse le faire :
    « Néanmoins, il a raison, je n’ai jamais voulu tout ça Mathilde, crois-moi, je le regrette mais… je n’en pouvais plus d’être enfermée dans cet hôpital, il fallait que j’en sorte, je t’en supplie, pardonne-moi.
    -Et tu crois que ça m’a plu à moi ? De rester enfermée dans la même pièce nuit et jour, d’être interrogé telle la pire des criminels toutes les heures, tu crois que ça m’a plu ? Que l’on m’empêche de voir mon propre fils plus de dix minutes par jour, tu crois que ça m’a plu ? Tu crois que ÇA M’A PLU À MOI ? 
    -Je suis désolée, Mathilde, je n’ai pas vou…
    -Regarde ce que tu m’as fait Émilie, regarde ce que je suis devenu, tu crois que moi je l’ai voulu ? TU CROIS QUE J’AI VOULU DEVENIR COMME ÇA ? REGARDE CE QUE TU M’AS FAIT !! POURQUOI T’AS FAIT ÇA ? POURQUOI ? »
    Émilie n’avait pas pu retenir ses larmes se disant que Mathilde avait entièrement raison, tout cela était de sa faute, si elle n’était pas partie sa sœur n’aurait jamais subi cela. Elle était responsable de l’état dans lequel se trouvait Mathilde. C’est alors que la voix de Steve se fit entendre, demandant inquiet :
    « Qu’est-ce que t’as fait Mathilde ? »
    Cette dernière s’était retournée vers le jeune homme avant d’observer sa sœur, en la voyant dans quel état celle-ci était, la jeune femme sembla prendre conscience de ce qu’elle venait de faire et se mit à pleurer à son tour en s’excusant :
    « Pardon Émilie, je ne voulais pas… pardon. »
    Mathilde s’était approchée de sa sœur pour la rassurer, mais Steve l’en empêcha lui proposant :
    « Je pense que l’on est mieux à la laisser seule pour l’instant ma chérie, tu t’excuseras la prochaine fois, je suis sûr qu’elle ne t’en veux pas. On va rentrer, s’occuper de Thomas et se reposer d’accord ? »
    Mathilde hocha la tête tout en continuant de pleurer, Steve l’accompagna jusqu’à la porte, avant de sortir la jeune femme jeta un dernier coup d’œil :
    « Pardon…
    -Ne t’en fais pas mon cœur, je vais lui parler un peu, attends-moi dans le camion. »
    Steve retourna auprès d’Émilie qui pleurait encore, celle-ci déclara :
    « C’est de ma faute si elle est comme ça…
    -Mais non ma puce, tu n’y es pour rien, c’est pas toi la responsable, ce sont ceux qui lui ont fait subir ça et ils ont payé.
    -Elle… Elle a…
    -Elle a craqué, je sais… Ne t’en fais pas, elle s’est bien rendu compte de ce qu’elle a fait, elle va sûrement s’en vouloir toute la soirée. Je pense que malheureusement te revoir lui a fait remonter plein de remords à la surface et il fallait que cela explose pour qu’elle passe à autre chose. T’en fais pas, je suis sûr qu’elle ne t’en veut pas… ça va aller ? »
    Émilie hocha la tête, tandis que Steve lui passait la main dans les cheveux pour la rassurer, il l’embrassa sur le front avant de lui dire :
    « Aller va, reposes-toi, ne penses plus à tout cela, ça ira mieux demain, j’essayerai de passer. »
    Steve se leva et sortit de la chambre laissant Émilie seule. La jeune fille resta allongée à réfléchir tout en fixant le plafond, elle se sentait toujours autant responsable de ce qui était arrivé à sa sœur peu importe ce que disait Steve, pour elle, si elle n’était pas partie, Mathilde serait resté la même. Pour autant, Émilie se souvint qu’avant même qu’elle s’en aille, sa sœur maigrissait déjà à vue d’œil et était constamment fatiguée, elle se demanda alors si Mathilde ne sombrait pas depuis longtemps déjà et que, sans le vouloir, Émilie avait accéléré sa chute.

    Ses pensées finirent par se mélanger tandis qu’Émilie s’endormait doucement, plus par ennui que par fatigue. La jeune fille rêva que son frère Jordan passait la porte et s’approchait d’elle pour la serrer dans ses bras, elle était heureuse de le revoir, il n’avait pas changé d’un pouce. Le jeune homme lui demanda :
    « Comment vas-tu sœurette ?
    -Ça ne va pas très bien… »
    La jeune fille avait répondu en baissant les yeux et lorsqu’elle les releva pour voir son frère, celui-ci avait disparu. Ce n’était pas le seul changement, il faisait plus sombre qu’auparavant et le plancher craquait comme si quelqu’un marchait dessus sans qu’Émilie puisse le voir. D’un coup sa sœur se tenait au-dessus d’elle, ces yeux étaient vides et son visage était figé sans aucune expression. Sans prévenir sa sœur l’étrangla en hurlant d’une voix fantomatique :
    « REGARDE CE QUE TU M’AS FAIT ! REGARDE-MOI ! REGARDE-MOI ! »
    Émilie tentait de se débattre tandis qu’elle suffoquait, elle frappait la créature, celle-ci avait désormais la bouche ouverte comme si la mâchoire s’était cassé montrant un vide béant qui semblait vouloir avaler la jeune fille. Celle-ci parvint à se défaire de ce monstre qui avait pris le visage de sa sœur, elle reprit son souffle tout en continuant de se débattre pour se libérer et finit par hurler :
    « LACHES-MOI ! »
    La créature avait disparu laissant la jeune fille tranquille mais Émilie vue de nouveau sa sœur, cette fois-ci debout à côté du lit. Elle avait toujours les yeux sombres, mais cette fois-ci des larmes noires en coulait, désormais, elle parlait avec sa voix habituelle, expliquant calmement :
    « Tu m’as tué Émilie.
    -Non, c’est faux !
    « Tu m’as tué.
    -NON »
    Mathilde cessa de parler et tomba sur le sol sans vie, Émilie observa le corps de sa sœur et tout en pleurant lui supplia :
    « Non, non soit pas morte, je ne t’ai pas tué, tu n’es pas MORTE ! »
    C’est alors que Steve s’était approché du corps pour y déposer un bouquet de fleurs, Émilie ne voyait pas ses yeux cachés par une longue mèche, celui-ci lui demanda :
    « Pourquoi t’as fait ça Émilie ? Pourquoi ?
    -C’est pas moi, je…
    -C’est une honte de faire ça à sa propre sœur. »
    Tom était apparu aux côtés de Steve et avait reproché cela avec colère, il baissa la tête vers le sol, observant le corps. Émilie n’eut pas le temps de répondre que Jordan apparu à son tour, agenouillé auprès de Mathilde, il questionna à son tour :
    « Pourquoi Émilie ? Pourquoi ? Tu n’es plus ma sœur… 
    -Pitié… Jordan je… »
    Les trois garçons étaient désormais debout face au lit d’Émilie et l’observaient, la jeune fille se rendit compte qu’à la place de leurs yeux, ils avaient une sorte de grande lumière blanche qui l’aveuglait, ils demandèrent tous trois d’un même écho :
    « Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? »
    Émilie tenta de s’expliquer bien qu’elle pleurer toujours mais leur écho fût de plus en plus fort finissant par couvrir sa voix, elle dut se cacher sous son oreiller, leurs cris devenant assourdissant. Le silence tomba subitement, lorsque la jeune fille sortit de sa cachette elle s’aperçut que les trois fantômes des garçons avaient disparu et que la pièce avait repris une luminosité plus naturelle. Elle s’allongea en séchant ses larmes, elle remarqua soudainement que Camille était allongé à côté d’elle, lui souriant. Avant qu’Émilie ne puisse lui demander quoi que ce soit, Camille posa son doigt sur sa bouche comme pour l’inciter à garder le silence puis elle passa sa main dans les cheveux de la jeune fille tout en la conseillant d’une voix rassurante :
    « Calme-toi, c’est terminé. »
    Camille passa son bras autour de la taille d’Émilie qui lui rendit la chose, la jeune fille se sentait effectivement mieux, elle ne troubla pas le silence, se contentant d’observer son amie lui sourire. Le fait d’être allongée en compagnie de Camille dans son lit fut la dernière partie du rêve dont se souvint Émilie lorsqu’elle se réveilla.

    La jeune fille remarqua qu’étrangement Camille se trouvait bien dans la pièce, celle-ci s’était endormie sur une chaise à côté de la petite table de chevet sur laquelle un bol de soupe se trouvait, sans doute, ramené par la jeune demoiselle.  Émilie trempa son doigt dans la soupe, comme elle s’en était douté, celle-ci était froide, c’était une soupe de carotte, mais froide ce n’était pas fort appétissant. La jeune fille conclut que si son amie lui avait déjà rapporté le dîner depuis un bon moment. Devinant qu’il n’allait pas tarder à faire nuit, elle décida donc de réveiller Camille avant qu’elle ne passe la sienne sur la chaise. Émilie observa son amie, même endormie, elle restait jolie et avait un visage amical, afin de ne pas la brusquer, elle prit une voix douce tout en bousculant légèrement la belle endormie :
    « Ohé, Camille… réveille-toi, Camille…
    -Hein… pardon quoi ? »
    La jeune adolescente se réveilla tout en baillant et en étirant ses bras, elle passa sa main dans ses longs cheveux bouclés pour les remettre légèrement en état tout en expliquant amusé :
    « Dire que j’étais venue pour veiller sur toi, c’est un peu raté
    -Pas grave… »
    Émilie pensa amusée que celle-ci l’avait fait dans son rêve, mais elle n’osa pas le dire. Camille se redressa et observa le bol de soupe, elle déplora :
    « Mince c’est froid maintenant…
    -Ce n’est pas grave, je n’ai pas faim, laisse-le là.
    -Comme tu veux, alors ça va toi ? »
    Émilie ne savait pas trop quoi répondre, elle n’avait pas envie de lui parler de ce qui s’était passé en début d’après-midi ou de son rêve, mais elle se disait que Camille avait été si honnête avec elle que ce ne serait pas juste de lui mentir ouvertement, d’autant plus que se confier pourrait sans doute la soulager. Camille, gênée, avoua timidement :
    « Je ne vais pas te le cacher, on entendait facilement que ça a crié ici cet après-midi, même si on ne comprenait pas ce qui s’est dit, c’était assez fort pour qu’on le remarque. De plus on a vu la femme repartir en larmes, donc, on se doute qu’il s’est passé quelque chose. Je ne dis pas ça pour te forcer la main, je comprendrais tout à fait que tu ne désires pas parler de ce qui s’est passé, saches juste que plusieurs personnes ont conscience qu’il s’est passé quelque chose… »
    Émilie comprit que son amie souhaitait la mettre en garde, car on lui poserait régulièrement la question pour savoir ce qui s’était passé dans la journée. Elle décida de remercier la jeune adolescente et de se confier auprès d’elle en espérant ne pas le regretter par la suite. Émilie lui expliqua rapidement qu’auparavant elle se trouvait dans l’ancien hôpital qui servait désormais d’accueil, mais que, ne supportant plus d’être enfermé, elle s’était enfuie en douce et que Daniel l’avait suivie bien qu’elle ne le voulait pas. Elle raconta alors ce qui était arrivée à sa sœur due à cela, comment elle avait été interrogée et maltraitée et que c’est ce que sa sœur lui avait reproché aujourd’hui de manière agressive. Pour terminer elle lui décrit le cauchemar qu’elle avait fait, du moins la partie avec sa sœur, Émilie préféra ne pas raconter à son amie le moment où elle avait rêvé d’elle. La jeune fille avait de nouveau les larmes aux yeux en racontant tout cela, elle ajouta :
    « Mais moi je n’ai jamais voulu cela pour ma sœur, tout ce que je voulais, c’était… »
    Elle s’était arrêtée, surprise par Camille qui s’était approché subitement pour la serrer dans ses bras. Celle-ci chuchota à l’oreille d’Émilie :
    « T’en fais pas, tu n’as pas à te justifier, j’ai très bien compris tes raisons. Ce n’est pas toi la responsable dans cette histoire, ce n’est pas toi qui as fait tout ça à ta sœur. Elle s’en rendra compte et elle finira par te pardonner, j’en suis persuadée…
    -Je l’espère… aussi… 
    -Ça va aller ne t’inquiètes pas »
    Émilie resserra quelque peu son étreinte tout en posant sa tête sur l’épaule de la jeune adolescente, elle se sentait légère et ses problèmes semblaient s’évaporer d’eux-mêmes. Elle ferma les yeux profitant pleinement de ce moment de douceur qui lui donnait l’illusion que le temps venait de s’arrêter. C’était comme avoir une peluche dans ses bras, sauf que là, elle était vivante et elle vous comprenez parfaitement, pendant une flopée de secondes, Émilie voulu l’embrassait, mais elle ouvrit les yeux et se rappela que ce n’était pas une peluche mais Camille qu’elle tenait dans ses bras, elle chassa immédiatement cette envie et relâcha directement son étreinte. Camille relâcha également son étreinte, se releva et prit le bol de soupe froide dans ses mains tout en indiquant :
    « Il va commencer à se faire tard, je vais te laisser, on reparlera demain si tu veux. Essaye de dormir et ne pense plus à tout ça, bonne nuit. »
    La jeune adolescente sortit de la pièce et referma la porte, Émilie remarqua qu’elle était partie de manière précipitée comme si quelque chose l’avait bousculée, la jeune fille espéra ne pas avoir gêné son amie avec ce long câlin.
    Émilie n’arriva pas à s’endormir tout de suite, elle espéra qu’elle pourrait bientôt sortir de ce lit, il n’y avait rien à faire, même pas un livre à lire ou de quoi dessiner, elle restait là à s’ennuyer en attendant que le temps passe. Cet ennui eut raison d’elle et elle finit par dormir n’ayant pas d’autre choix d’activités. La jeune fille ne fit aucun cauchemar durant la nuit, elle se réveilla au matin sans même se souvenir de ses rêves. Ayant envie d’aller aux toilettes, elle décida d’y aller par elle-même plutôt qu’attendre Camille afin de se faire accompagner pour marcher. Elle se leva, c’était toujours aussi déstabilisant de marcher au début après être resté longtemps allongé, elle mit ses chaussures ainsi que sa veste et sortit à l’extérieur. Il faisait très froid avec un léger brouillard, le ciel était encore fort sombre, il devait sans doute être encore tôt, c’était une chance pour la jeune fille qui n’avait pas trop envie de croiser du monde. Elle ne croisa effectivement personne sur l’aller, dans un bâillement, elle pria pour avoir la même chose au retour. Tout en marchant, elle vit quelqu’un au loin dans les jardins travaillant avec une pelle, il semblait s’agir de Christophe. Émilie fit tout pour ne pas se faire remarquer et arriva à rentrer dans sa chambre de fortune sans être vue. Elle retourna rapidement sous sa couette, la jeune fille tremblait avec ce froid et ce fut un bonheur de pouvoir retourner au chaud. Malheureusement, elle ne savait de nouveau pas quoi faire, même une fenêtre aurait été suffisante, elle aurait pu au moins observer ce qui se passait dans le camp.  Bien qu’à l’intérieur, elle entendît encore les coups de pelle que donnait Christophe dans la terre jusqu’à ce qu’elle se rendormît pour quelques heures.

    Lorsqu’elle se réveilla, deux personnes se trouvaient devant son lit, Benoît et Camille étaient venus lui rendre une visite matinale, ils étaient occupés de discuter entre eux n’ayant pas remarqués qu’Émilie était réveillée. Benoît était occupé d’expliquer :
    « J’ai surtout peur que l’on commence à se soupçonner entre nous alors que ça peut être quelqu’un de l’extérieur.
    -Oui, je suis d’accord, surtout que ce n’est pas très surveillé, cela devait arriver un jour. Mais heureusement, ce n’est pas très grave, ça aurait pu être bien pire…
    -Christophe ne le prends pas de manière aussi légère que toi. Il…
    -De quoi vous parlez, vous deux ? »
    Émilie avait interrompu la conversation de ses amis qui s’étaient tournés vers elle, la jeune fille remarqua brusquement que Camille n’était pas comme hier soir, elle semblait moins pétillante et souriante que la veille, beaucoup plus en retrait. Benoît quant à lui était comme d’habitude, souriant sans être rempli de joie de vivre, il scrutait Émilie des yeux comme s’il cherchait à mettre le doigt sur un détail particulier, lorsqu’il s’aperçut que la jeune fille avait remarqué sa façon de l’observer, il se justifia :
    « Oh Euh… Je veux juste voir si t’es en pleine forme et visiblement oui, tant mieux !
    -Euh… ben oui… pourquoi tu te demandes ça ? »
    Émilie espéra que Camille n’avait pas raconté à Benoît tout ce qu’elle lui avait avoué la veille pour qu’il l’observe à ce point. Ce dernier répondit de manière ironique :
    « Peut-être parce que t’es dans un lit depuis plusieurs jours dû à ton évanouissement… ça peut avoir un rapport avec mon inquiétude. »
    La jeune fille se sentit un peu stupide, il était vrai que cela était une raison valable. Benoît remarqua que Camille n’avait pas encore parlé et qu’elle gardait le regard quelque peu baissé comme si elle était perdue dans ses pensées, sentant qu’il y avait un malaise, il annonça :
    « Bon, je vais vous laisser, j’ai… plusieurs trucs à faire. On se voit plus tard. »

    Au moment où il sortit de la pièce, Camille sembla se réveiller, elle redressa la tête et déclara avec son sourire angélique :
    « Désolé pour cette mise en scène, je voulais venir te parler seule, mais il a voulu m’accompagner. Heureusement, je sais que le silence le gêne, voilà pourquoi j’agis comme une morte depuis tout à l’heure, mais ne t’en fais pas, je suis bel et bien vivante !
    -J’admets que c’était très perturbant, je même cru que tu m’en voulais pendant un moment…
    -Bah non pourquoi, je t’en voudrais ?
    -Je ne sais pas… c’est idiot, je sais »
    Émilie eut un petit rire forcé, mais en vérité elle fut ravie de voir qu’il n’y avait aucun soucis avec Camille, celle-ci tremblait de froid et demanda :
    « Ça ne t’ennuie pas de me faire une petite place sous ta couverture, je ne sais pas ce que j’ai, depuis ce matin, j’ai horriblement froid.
    -Non, non, tu peux venir. »
    Émilie se décala laissant Camille s’allonger à côté d’elle, la jeune fille pensa avec amusement que c’était presque comme dans son rêve de l’autre nuit à quelques détails près. La jeune fille questionna :
    « Alors de quoi vous parliez toi et Ben ?
    -Des légumes ont été volés dans le jardin cette nuit, Christophe s’inquiète car il n’a aucune idée de qui ça peut être. Depuis ce matin, il essaye de récupérer le maximum des légumes déjà comestibles.
    -C’est pour ça que Ben disait qu’il avait peur que cela commence à se soupçonner entre nous.
    -Oui, il est fort probable que ce soit quelqu’un de l’extérieur, mais on sait toutes les deux que la peur engendre facilement la paranoïa. »
    Les deux filles continuèrent à discuter du camp, de la guerre, de ce qu’elles aimeraient faire par la suite. Émilie apprit que Camille aimerait pouvoir voyager par la suite, tout comme elle-même le souhaitait. La jeune fille n’aurait pas su faire la liste de tous les sujets de leur conversation, ni de comment elles en étaient arrivées là. Tout ce qu’Émilie savait, c’est qu’en cet instant, elle et Camille étaient seules sur terre, que la guerre et ses problèmes avait disparu, que le temps ne se comptait plus et qu’elle se sentait plus vivante que jamais. Elle et Camille étaient occupés de s’embrasser.

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  • Chapitre XII

     

    « Désolé, je ne sais pas ce qui m’a pris.

    -Moi non plus, je… »
    Émilie et Camille venaient de s’écarter brusquement, prenant conscience du geste qu’elles venaient de faire. Elles semblaient aussi gênées l’une que l’autre, Émilie baissait le regard et sembla observer ses mains avec insistance tandis que Camille touchait une mèche de ses cheveux de manière angoissée. Cette dernière finit par déclarer :
    « Tu sais, je crois que c’est un peu normal, le fait qu’on soit de très bonnes amies, la peur constante de la guerre, le fait qu’on a peu de personnes à qui se confier toutes les deux. On est très proche et je pense que notre cerveau s’est un peu embrouillé entre amitié et amour pendant quelques secondes.
    -Oui, c’est possible… »
    Bien qu’Émilie trouvât l’explication quelque peu logique, elle ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il y avait peut-être un petit quelque chose en plus, pas forcément de l’amour mais quelque chose au-dessus de l’amitié. Elle demanda timidement à Camille qui continuait de jouer avec ses cheveux :
    « Tu n’es pas plus convaincu que moi par ton explication ?
    -Non… »
    Camille se laissa tomber sur l’oreiller du lit de manière désespéré, Émilie se rallongea également observant le plafond dans un silence royal. Les deux filles restèrent, un long moment, allongées l’une à côté de l’autre dans un grand silence, Émilie ne ressentait plus cette sensation de gêne, désormais elle se sentait plus calme même si elle savait que le sujet du baiser allait revenir. Camille se frotta lentement le visage avec ses mains comme pour se réveiller avant de se tourner vers Émilie et de lui demandait :
    « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? »
    Le calme d’Émilie refit place au stress, elle se tourna vers Camille et lui demanda :
    « Je ne sais pas… est-ce que… tu… m’aimes ? Dans le sens qu’on l’entend... »

    Tandis qu’elle avait posé cette question, le cœur d’Émilie s’était chamboulé. Elle ignorait comment elle allait réagir face à la réponse de Camille, qu’elle soit positive ou négative, cela resterait perturbant. Émilie imagina une centaine de scénarios possibles en quelques secondes, c’était comme si son cerveau fonctionnait en accélération extrême, la réponse vint calmer toutes ces pensées :
    « Je ne sais pas…et toi ? »

    Bien qu’elle ignorât pourquoi, mais cette réponse soulagea quelque peu Émilie, cependant c’était désormais à elle de répondre. Elle ne savait si ce qu’elle ressentait était de l’amour, mais c’était plus que de l’amitié, sur ce point, elle en était certaine. Elle finit par déclarer :
    « Je ne sais pas non plus… »
    Camille lâcha un grand souffle, Émilie ignora si c’était par soupir ou par soulagement, la jeune adolescente indiqua quelque peu découragée :
    « Ne nous voilà pas plus avancées… »
    Un nouveau silence pris place avant que Camille le brisât tout en se levant :
    « Je vais devoir y aller pour aider en cuisine. Écoutes on a qu’à… faire comme s’il ne c’était rien passé…
    -T’es sûre que c’est une bonne solution ?
    -C’est la seule que l’on a, non ?
    -Oui… pas faux. »
    Camille jeta un dernier regard vers Émilie comme si elle n’allait plus jamais la revoir avant de sortir de la chambre. Émilie resta seule avec ses pensées, elle n’arriva pas à se décider si elle aimait ou non Camille, tout comme elle ne savait pas si elle regrettait le baiser qui avait eu lieu. Ce baiser avait été magique mais maintenant elle et Camille semblait en payer les conséquences, perturber par leurs gestes. Émilie espéra que cela n’ira pas les séparer et que Camille serait d’accord pour qu’elles se voient encore. La jeune fille se tourna et retourna dans son lit de la même manière que ses pensées se mélanger dans tous les sens, Émilie était troublée, se demandant si elle aimait les filles ou non. Elle se souvint qu’elle était amoureuse de Tom auparavant, donc, elle aimait les garçons pas les filles, dans ce cas, pourquoi était-elle comme attirée par Camille, cela n’avait pas de sens. La jeune fille cessa de se torturer l’esprit lorsqu’une jeune femme entra dans la chambre après avoir toqué.

    Il s’agissait d’Emma, l’infirmière, qui était sans doute venu voir l’état d’Émilie, cette dernière demanda de son ton amical et avec bonne humeur :
    « Salut, alors ça va mieux ? »
    La jeune infirmière avait une apparence aussi soignée que la dernière fois, elle alla s’asseoir sur le bord du lit tandis qu’Émilie lui répondait :
    « Ça va mieux oui, à part que je m’ennuie…
    -Ah ça… on va voir comment est ton bras, mais j’ai de bons espoirs que tu puisses quitter cette chambre aujourd’hui.
    -D’accord »
    La jeune femme retira délicatement le bandage, la cicatrice qu’avait laissée le coup de couteau était encore rouge vif et enflé, mais en bonne voie de guérison. Émilie ne put s’empêcher de trouver cette trace, qui parcourait la longueur de son avant-bras, impressionnante, c’était comme un symbole de sa détermination à survivre. La jeune femme lui indiqua alors :
    « Je vais appuyer dessus, tu me dis si cela te fait mal d’accord. »
    Emma pressa son pouce sur la plaie et Émilie ressentit comme un petit coup électrique ce qu’elle indiqua, l’infirmière en conclut :
    « Ça va alors, il suffira de laisser à l’air pour que ça guérît bien, par contre ça va te démanger, mais je te déconseille de te gratter. Donc, tu vas pouvoir sortir, bonne nouvelle non ?

    -Oui…merci. »
    Émilie n’avait pas répondu avec autant d’enthousiasme que l’avait faite l’infirmière, celle-ci le remarqua et lui demanda :
    « Quelque chose te tracasses ? »
    Émilie hésita à se confier, elle n’avait pas envie de parler de ça à quelqu’un, encore moins une personne qu’elle connaît peu. Cependant, la dénommé Emma ajouta :
    « Même si on est plus obligé de le faire à notre époque, je continue de respecter le secret médical. Si tu as besoin de parler de quelque chose, tu peux m’en parler, cela restera entre nous et je ferai mon possible pour t’aider et te conseiller. »
    Émilie y réfléchit quelques secondes pour trouver comment en parler sans trop en dévoiler, elle finit par expliquer :
    « J’ai une… amie qui… qui ressent quelque chose de fort pour une de ses amies… à elle, elle pense que c’est plus que de l’amitié mais elle ne pense pas que c’est de l’amour, car elle aime les garçons, elle a été amoureuse d’un garçon pendant un long moment. Le truc, c’est… que mon amie a fait quelque chose qu’on ne fait que quand on est amoureux avec l’autre fille… et l’autre fille non plus ne sait pas expliquer ce qu’elle ressent pour… mon amie. Du coup mon amie et très perturbé et euh… moi-même, je n’arrive pas à comprendre ce qui se passe avec cette amie. »
    Émilie n’était pas sûre que son explication, elle se demandât si la jeune femme avait tout compris. Celle-ci semblait réfléchir longuement, elle finit néanmoins par répondre :
    « Il faut que tu saches qu’il existe des garçons qui aiment les garçons et des filles qui aiment les filles…
    -Oui, ça je sais.
    -Bien… parfois aussi il y a des garçons qui aiment les filles et les garçons et réciproquement.
    -D’accord.
    -Seulement, tout le monde ne réagit pas de la même manière lorsqu’ils se découvrent cette attirance. Certaines personnes le découvrent très tard, d’autres très tôt. Il y a des personnes qui vont l’assumer plus facilement que d’autres, certaine même vont chercher à renier cette attirance. Je pense que… ton amie… se pose ce genre de questions, car elle n’a peut-être pas encore tout à fait conscience de cette attirance, que ce soit pour les filles ou pour filles et garçons. Peut-être même que ton amie cherche à se convaincre qu’elle n’a pas cette attirance, une troisième possibilité est que cette expérience était passagère, que c’était « pour essayer ». Malheureusement, il n’y a que le temps qui pourra répondre aux questions que t… que se pose ton amie, quoiqu’il arrive, elle ne doit pas se sentir anormale, elle est tout ce qu’il y a de plus normal, il faut bien insister sur ça d’accord ?
    -D’accord je… je lui dirais »
    La jeune femme se releva et avant de sortir la pièce, elle indiqua :
    « Bon ben, je vais te laisser, tu peux sortir dès que tu le souhaites, peut-être à une prochaine fois en espérant que ce soit dans de meilleures conditions. Ne t’inquiètes pas pour ton… amie, le temps arrange toujours les choses »
    Elle avait accompagné sa dernière phrase d’un clin d’œil avant de refermer la porte derrière elle.

    Émilie s’empressa de se lever et de s’habiller chaudement afin de sortir, une fois dehors, elle inspira un grand coup profitant de nouveau de sa liberté. Le temps restait frais et il y avait encore un peu de brume, le ciel était gris bien qu’éclairci par endroits. Avant de rejoindre la cantine ou les dortoirs, Émilie décida d’aller se balader un peu seul entre les jardins, elle n’était pas encore prête à voir tout le monde. Cependant, elle croisa rapidement Christophe qui bêchait afin de remplir une caisse de pommes de terre, lorsqu’il s’aperçut de la présence de la jeune fille, il s’arrêta de travailler et essuya la sueur de son front d’un geste de la main. Il accueillit la jeune fille d’un sourire tout en exprimant joyeusement :
    « Ça fait plaisir de te voir debout ! Belle cicatrice, c’est que je pourrai en être jaloux
    -T’as encore une belle avance quand même avec ta jambe
    -Ah ça… »
    Émilie était contente d’avoir réussi à le faire rire, il semblait épuisé, celle-ci lui déclara :
    « On m’a dit que des légumes ont été volés durant la nuit…
    -Oui, pas grand-chose mais je préfère m’assurer que cela ne recommencera pas. Si ce sont des gens dans le besoin, je ne suis pas contre leur offrir de la nourriture, mais je préfère qu’ils viennent me le demander plutôt que de nous voler.
    -Ce qui est également inquiétant c’est que quelqu’un à réussis a rentré dans le camp sans qu’on le remarque. Là c’était pour nous prendre de la nourriture, mais cela aurait pu être pire…
    -Effectivement, on va devoir renforcer la sécurité et faire plusieurs tours de garde durant les nuits avec plus de monde.
    -Je me porte volontaire ! »

    Christophe avait été surpris par la réaction de la jeune fille, il exprima sa gêne :
    « Non, voyons, je ne vais pas te demander cela alors que tu es à peine remis de tes blessures…
    -J’insiste !
    -Hmm… Non, non ce ne serait pas raisonnable.
    -Je me sens bien et je veux me porter volontaire ! Tu ne peux pas refuser !
    -Bon… d’accord… dans ce cas. Je t’en remercie beaucoup.
    -Il n’y a pas de quoi, je vais continuer ma promenade, à plus tard
    -Oui, à tout à l’heure »
    Émilie continua de marcher à travers les jardins profitant de la fraîcheur de l’air, elle réfléchissait à cette histoire de vol et pensa qu’il fallait se méfier. Elle avait décidé de participer aux tours de garde dans l’espoir d’en découvrir plus sur cette histoire, elle espérait au plus profond d’elle-même qu’il ne s’agissait pas de quelqu’un du camp.

    Au bout d’une vingtaine de minutes de marche à travers les jardins, Émilie décida d’aller aux dortoirs voir qui s’y trouvait. Lorsqu’elle y entra, elle aperçut Daniel et Maxime qui jouait avec des cartes sur un lit et Benoit qui les observés, quelqu’un venait de sortir de manière précipitée sans qu’Émilie eut le temps de voir de qui il s’agissait. Cependant, la réaction de Benoit, qui venait d’entendre la porte claquer, donna un indice à la jeune fille sur l’identité du fuyard ou plutôt de la fuyarde :
    « Mais qu’est-ce qu’elle a d’un coup ? »
    Émilie préféra ne pas commenter la fuite de Camille, elle s’approcha des garçons, Daniel lui sauta au cou pour la serrer dans ses bras, s’exclamant de joie :
    « Tu vas mieux ! Je suis trop content !
    -Moi aussi je suis contente, pour autant je ne suis toujours pas un perchoir.
    -Oups pardon »
    Daniel lâcha la jeune fille qui put se redresser. Maxime souhaita également un bon retour à Émilie avec le sourire, tout en restant concentré sur son jeu de cartes. Émilie annonça amuser :
    « Ce n’est pas comme si j’étais parti non plus. »
    La porte du bout s’ouvrit, ce fut Jonathan qui entra de manière décidée en demandant d’un ton sévère :
    « Qu’est-ce qui se passe ici ? »
    Il observa la pièce comme s’il cherchait quelque chose, apercevant Émilie, il fronça les sourcils quelques secondes avant de déclarer de manière plus calme mais sobre :
    « je vois que t’es de nouveau en forme. »
    Il repartit sans un mot de plus en refermant la porte, Émilie, désormais habitué au caractère particulier du jeune homme, soupira :
    « Toujours aussi amical…
    -Fais pas attention à lui, on ne le changera pas de toute façon… Belle cicatrice en tout cas ! »
    Benoît avait énoncé cela joyeusement comme si Émilie venait de lui montrer une nouvelle coiffure, elle commenta avec le sourire :
    « Pourquoi j’ai le sentiment que je vais entendre ce commentaire plusieurs fois dans la journée ?
    -Si tu préfères, je peux dire que c’est horrible et que t’as l’air estropié.
    -Nan mais eh ! Mon bras est tout à fait en fonction de te frapper s’il le faut ! »
    Tandis que Benoît et Émilie plaisantaient entre eux et que les jeunes garçons continuaient leur partie de bataille, Tom entra dans le dortoir de manière précipité, analysant les lieux à la recherche de quelqu’un. Il demanda à Benoît :
    « Dis mec, tu n’as pas vu Camille, je la cherche partout ?
    -Euh… bonjour Tom »
    Émilie, qui n’avait pas apprécié que Tom ne la remarque pas, avait prononcé ces mots de manière agacée, le jeune ado la voyant s’excusa gêné :
    « Désolé Émilie, j’avais la tête ailleurs, content de te voir de nouveau en forme. Alors Ben ?
    -Tu l’as loupé de peu, il y a quelques minutes qu’elle est sortie en flèche de la pièce, je crois qu’elle a su que t’arrivait.
    -Ah… elle m’énerve ! Je ne sais pas ce qu’elle a, elle était censée nous aider en cuisine et impossible de lui mettre la main dessus depuis ce matin.
    -A mon avis, elle doit être malade, elle est restée allongée sur le lit la tête dans l’oreiller et même ce matin quand on est allé voir Émilie, elle ne parlait presque pas…
    -Ce serait bien qu’elle nous prévienne au moins, qu’on ne l’attende pas pour rien. Émilie, est-ce qu’elle a… ses trucs ? »
    Émilie, qui était perdues dans ses pensées se demandant ce qui se passait avec Camille, bien qu’elle en eût une idée, demanda troublé par la question de Tom :
    « Pardon ? De quoi, qu’est-ce qu’il y a ?
    -Je te demandais si Camille a ses… trucs de fille ?
    -Mais… je ne sais pas ! Tu crois vraiment qu’on parle de ça entre nous ?
    -Ben… Euh… Je ne sais pas moi je demande… Bon je vais essayer de la trouver »
    Tom ressortit, Émilie était encore déroutée par la question de ce dernier, elle interrogea Benoit ironiquement :
    « Rassures-moi, il ne t’a jamais demandé quand t’allais aux toilettes ?
    -Euh non pas encore…Il risque de le faire, tu crois ? »

    Bien que discuter avec Benoit durant le reste de la matinée ait permis à Émilie de distraire un peu ses pensées vis-à-vis de Camille, celle-ci continuait de s’inquiéter pour son amie. Lorsque vu arriver le moment d’aller déjeuner, Émilie indiqua à Benoit qu’elle avait quelque chose à faire auparavant et elle resta assise seule sur le lit tandis que les garçons partirent manger. La jeune fille resta un petit moment à réfléchir à ce qu’elle dirait une fois face à Camille, mais elle n’arriva pas à se décider d’une manière correcte de le faire, pensant que quoiqu’il arrive, cela allait être déroutant et stressant.  Elle se demanda alors où pourrait se cacher son amie et partit à sa rechercher, elle avait envie d’être à ses côtés autant qu’elle redoutait sa présence, elle avait hâte de la retrouvait tout en craignant ce moment. La jeune fille était allée voir dans la cabane à outils, mais Camille ne s’y trouvait pas. Émilie n’arrivait pas à décrire ce qu’elle ressentait, c’était une sensation perturbante entre le bien-être et l’envie de vomir, plusieurs fois elle se surprit à inspirer et à souffler à grands coups comme si elle venait de courir un marathon alors qu’elle marchait tranquillement. Son cœur battait à pleine puissance, la jeune fille en avait des sueurs froides, elle avait envie de crier et de sauter pour relâcher toute cette tension qui se créait en elle, mais se retenu marchant vers la cabane qui lui avait servit de chambre ces derniers jours.

    Lorsqu’elle entra dans la pièce, son cœur se calma brusquement, ses pensées s’étaient stoppées et sa respiration devint subitement plus lente, donnant à la jeune fille un mal de tête et de ventre qui furent aussi rapide que violent. Camille était assise sur le lit, tenant dans ses mains le poignard d’Émilie qu’elle avait laissé derrière la table de chevet. La jeune adolescente remarqua la présence d’Émilie et posa le poignard sur la table de chevet s’excusant :
    « Désolé, je voulais pas y toucher, mais je l’ai vu quand je me suis allongé, je suppose que c’est le tien.
    -Oui, c’est un souvenir de mon frère.
    -Oh… désolé.
    -Il n’y a pas de mal »

    Camille continuait de fixer le sol, ses cheveux cachant son visage, Émilie ne savait pas quoi faire où dire, elle resta près de la porte. Camille redressa la tête pour observer Émilie, en indiquant :
    « Je ne sais pas comment expliquer ça, je suis… je suis contente que tu sois là mais en même temps…
    -Je suis la dernière personne que t’ai envie de voir… »
    Camille confirma d’un geste de la tête, Émilie ressentait la même chose que son amie, elle avait envie de rester tout en hésitant à s’enfuir en courant. Un long silence envahit la pièce, seul le bruit de respirations des deux filles se faisait entendre. Camille observait de nouveau le sol, tandis qu’Émilie observait un coin vide de la pièce. Émilie finit par inspirer un grand coup afin de relâcher son stress et s’approcha de Camille, elle angoissait sans raison, s’imaginant que Camille risquerait de mal réagir et de l’attaquer. Un nombre surprenant d’idées farfelues représentant des échecs traversèrent son esprit tandis qu’elle avançait jusqu’au lit, finalement, elle s’y assit et il n’eu aucun drame. Émilie prit le poignard de son frère et le serra dans sa main comme pour se donner du courage avant de le poser sur la table de chevet. Puis elle observa son amie, qui continuait d’observer le sol et avec une certaine appréhension, elle prit la main de la jeune fille dans la sienne pour la rassurer sur sa présence, Camille redressa sa tête, dévoilant un visage humide sur lequel coulaient des larmes, elle confessa d’une voix tremblotante et inquiète :
    « Je… t’aime »
    Émilie la serra dans ses bras, pleurant à son tour, elle ferma les yeux, inspira un grand coup afin de trouver le courage de parler et annonça à son tour :
    « Je… t’aime aussi »
    C’était des larmes de joie qui coulaient sur les joues de la jeune fille, un nouveau baiser fut partagé comme pour célébrer ces heureuses révélations. Les deux filles restèrent collées l’une à l’autre durant un long moment, heureuses de leur bonheur commun. 

    Ce moment d’amour commun laissa place à la discussion avec Camille qui demanda :
    « J’imagine que ça fait de nous… un… couple…
    -Je… Je crois oui…
    -Le truc, c’est qu’il faut qu’on sache si l’on décide de le révéler ou de la cacher aux autres. »
    Émilie y réfléchit quelques secondes, même si elle savait que plusieurs personnes du camp n’allaient pas les juger, elle ne voulait pas pour autant subir des regards ou des remarques du reste du groupe, de plus elle avait envie que cela reste un peu entre elle et Camille, afin de profiter de leur intimité le plus possible. La jeune fille conclut :
    « Je préfère garder ça pour nous, du moins pour l’instant.
    -Je préfère aussi, ça sera un peu comme un amour interdit
    -Oui, ce n’est pas bête »
    Camille passa sa main dans les cheveux d’Émilie replaçant quelques mèches derrière son oreille et lui proposa :
    « Bon, on va manger ? De plus je dois aller présenter mes excuses à Véronique…
    -À Tom aussi, d’ailleurs ça me fait penser, est-ce que tu as tes... ragnagnas ?
    -Hein… Euh… mais non, pourquoi tu me demandes ça ?
    -Je  ne sais pas, c’est Tom, il avait l’air intéressé de le savoir et il pensait que je m’étais informé sur le sujet, alors maintenant je le fais au cas où…
    -Il n’est pas bien lui…
    -Pendant un moment j’ai cru qu’il était amoureux de toi…
    -Si c’est le cas, il risque d’être déçu… »
    Les deux jeunes filles sourirent de bon cœur et s’embrassèrent une dernière fois avant de quitter la pièce. Une fois à l’extérieur, elles marchèrent l’une à côté de l’autre en direction de la cantine, bien qu’elle ne lui tînt pas la main, de peur d’être vue, Émilie était plus heureuse que jamais d’avoir la présence de Camille à ses côtés, heureuse de partager ses sentiments avec la belle jeune fille, heureuse de partager son cœur avec son aimée, heureuse de sentir enfin vivante.

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  • Chapitre XIII

     

    Tandis qu’elle approchait de la cantine en compagnie de Camille, Émilie se rendit compte qu’elle tenait son bras droit, comme pour l’empêcher de saisir la main de sa copine. Elle relâcha son bras, mais se rendit compte que c’était encore pire, il restait pendu dans le vide, à attendre d’agir ou que l’on se serve de lui. Elle hésita alors entre le tenir et le laisser pendouiller librement et trouva un compromis en mettant sa main dans sa poche, son bras lui semblait désormais bien placé. Avant d’ouvrir la porte, Camille pensa à voix haute :
    « Pourquoi je suis aussi stressé ? »
    Émilie comprenait parfaitement ce que ressentait Camille, elle-même ne savait pas trop comment elle devait se comporter en compagnie de sa copine en public. Elle demanda à Camille :
    « Il nous suffit de faire comme si on était amies tout simplement… alors, pourquoi ça me paraît super-compliqué ?
    -Je ne sais pas… c’est comme si… J’ai l’impression que dès que je vais entrer, je vais être jugé comme si j’étais dans un tribunal, c’est parfaitement ridicule.
    -C’est ça…
    -Bon… prête à rentrer ? »
    Camille avait interrogé sa compagne avec un regard inquiet, Émilie hocha cependant la tête pour indiquer son accord, elle savait qu’elle ne pouvait pas rester infiniment devant la porte même si une partie d’elle-même en avait profondément envie. Camille poussa la porte et les deux filles entrèrent de la cantine, Émilie s’était attendue à ce que tous les regards se tournent vers elles, mais ce n’était pas le cas, chacun était occupé de manger ou de discuter sans prêter d’attention particulière à leur présence. La jeune fille lâcha un soupir de soulagement, se sentant parfaitement idiote d’avoir cru qu’elle aurait fait face à une sorte d’interrogatoire visuelle. Seule Véronique avait lancé un regard mauvais à Camille, cette dernière déclara à Émilie, toujours avec un léger ton inquiet :
    « Je vais aller m’excuser tout de suite, ce sera plus polie, je te rejoins après.
    -D’accord »


    Émilie observa quelques secondes Camille s’éloigner avant d’aller se servir un bol de soupe. Elle observa les tables, il ne restait plus qu’une place à celle de Benoît, Daniel et Maxime ayant pris deux autres chaises, habituellement Émilie aurait été les rejoindre. La jeune fille se demanda alors s’il fallait agir comme d’habitude afin de ne pas éveiller les soupçons ou si elle devait aller s’asseoir en compagnie de Tom, qui mangeait seul, afin que Camille puisse la rejoindre. Elle ne dû pas réfléchir longtemps, Jonathan venait de se lever de sa table et l’avait approché, Émilie remarqua qu’il semblait contrarié de devoir lui parler, tout en se réservant de la soupe, il chuchota, comme s’il espérait qu’on ne remarque pas la conversation :
    « Assis-toi à ma table, pour quelques minutes, je dois te parler. »
    Le jeune homme avait parlé avec un ton qui se voulait gentil, mais cela sonnait faux donnant un ton très étrange, comme s’il tentait de conserver sa colère. Émilie, comprenant que cela devait être important s’assit donc à la table de Jonathan. Ce dernier s’assit face à elle, la jeune fille remarqua que l’homme ne lui lançait pas le regard noir qu’il lui lançait habituellement quand ils se croiser, cette fois-ci c’était plus un regard de défi, il semblait analyser la valeur de la jeune fille comme pour savoir de quoi elle était capable, Émilie eut même l’impression qu’il avait eu un sourire en coin lorsqu’il avait posé les yeux sur sa cicatrice au bras. Cependant, le ton ne changea pas lorsqu’il expliqua :
    « Christophe m’a dit que tu t’étais portée volontaire pour les tours de garde cette nuit, ce qui signifie que tu auras une arme sur toi et que…
    -Je sais que tu ne fais pas confiance… »
    Émilie avait répondu cela comme étant une simple évidence, mais Jonathan sembla le prendre comme un reproche, il rétorqua :
    « Il faut que je me fasse à l’idée que d’autres le font, mais là n’est pas la question, évite de m’interrompre histoire que l’on en finisse rapidement et qu’on retourne chacun dans notre coin. Comme je le disais, tu seras armé, avec ton fusil afin de te protéger et non d’attaquer. Je serai ton superviseur pour les rondes, il fau…
    -Ce n’est pas Christophe qui s’occupe de gérer les tours de garde ? »
    Jonathan se frotta les yeux tout en inspirant comme si la question d’Émilie était une insulte qu’il tentait de ne pas prendre mal. La jeune fille ressentait un certain plaisir à le contrarier, bien qu’elle n’ait su expliquer pourquoi. Le jeune homme observa de nouveau la jeune fille quelque seconde, droit dans les yeux comme s’il tentait de lire dans ses pensées, néanmoins il reprit son explication toujours en tentant de garder une voix calme :
    « Non, c’est moi qui m’en occupe, Christophe est résistant, certes, mais il en fait déjà bien assez la journée alors la nuit, il se repose et je prends la direction à sa place comme c’est convenu entre lui et moi, maintenant je te remercierai de ne plus poser de questions. Il faudra donc te rendre près de la tour de surveillance à l’entrée ce soir, où je distribuerai les armes ainsi que le matériel et donnerait les indications à toi et aux autres volontaires.  J’espère que l’on est bien d’accord, maintenant tu peux aller rejoindre une autre table.
    -Qui sont les autres volontaires ? »
    Jonathan ne répondit pas, portant son bol à sa bouche et buvant longuement sa soupe faisant comprendre qu’il ne répondrait pas. Émilie se leva et s’aperçut avec satisfaction que Daniel et Maxime avaient quittés la table de Benoît et que Camille s’y était installé, elle les rejoignit et s’empressa de s’asseoir à en face de Camille, la voyant arriver Benoît remarqua avec amusement :
    « T’as pu t’asseoir à la table de mon frère, qu’as-tu fait pour mériter un tel honneur ? »
    Émilie jeta un rapide regard à Jonathan qui lui tournait le dos sans bouger et déclara :
    « Je l’ai contrarié un peu plus que d’habitude, je pense. »

    Émilie, Camille et Benoît discutaient tranquillement pendant que les deux filles mangeaient leur soupe, Benoît ayant déjà terminé la sienne. Émilie fut soulagée de voir qu’il était facile d’être avec Camille sans laisser deviner que les deux filles étaient plus qu’amies, même si elle avait envie de lui tenir la main et qu’elle dut résister à ce désir.  Plusieurs fois la jeune fille sentit le pied de sa copine venir toucher le sien comme s’il le caressait, cela ne durait que quelques secondes, la première fois Émilie avait observé Camille afin de savoir si cela avait été volontaire ou non, mais cette dernière avait continué de discuter avec Benoît, l’air de rien, jouant parfaitement l’innocente. Tandis que Camille discutait avec Benoit d’une fois où une taupe avait fait des ravages dans les jardins, Émilie regarda par-dessus l’épaule de Camille, depuis le fond de la pièce, Tom lui faisait face. Ses cheveux noirs ébouriffés commençaient à lui descendre jusqu’aux yeux, ces derniers lançaient des regards mauvais en direction de la table d’Émilie. Il restait immobile, la tête poser sur ses deux mains jointes, son bol étant posé devant lui, sans doute vide depuis un moment. Émilie comprit que cela devait faire plusieurs minutes qu’ils les observaient ainsi, Camille qui avait remarqué la réaction de sa copine se retourna et observa Tom à son tour, ce dernier semblait avoir bougé légèrement les yeux pour observer davantage cette dernière. Camille expliqua soudainement avec un peu de gêne :
    « Mince, c’est vrai que je me suis excusé auprès de Véronique mais pas auprès de Tom, je reviens tout de suite. »
    Tandis qu’Émilie observait Camille s’éloigner, ses cheveux châtains se balançant magnifiquement, elle remarqua à voix haute :
    « Ces derniers temps je trouve Tom très distant à mon égard. »
    Bien qu’elle ait dit cela avant tout pour elle-même, Benoît se permis d’ajouter :
    « Si ça peut te rassurer, il semble distant un peu avec tout le monde ces derniers temps, du coup, certains on vite fait de le soupçonner pour le vol des légumes.
    -Je vois, je connais Tom, il est honnête, je ne pense pas qu’il pourrait faire ça…
    -Je ne le pense pas non plus, pour moi c’est clairement quelqu’un de l’extérieur, mais que veux-tu, certains préfèreraient que ce soit plus simple… »
    Camille était revenue à leur table et indiqua quelque peu dépitée :
    « Il n’est pas très causant, je ne suis même pas sûr qu’il m’en voulait en fait, il à eu l’air surpris quand je me suis excusé… »
    Émilie observa le jeune homme qui s’était levé après avoir débarrassé son bol et qui quittait la pièce sans un mot, elle se demanda ce qui pouvait bien le rendre comme cela mais elle ne put y réfléchir plus longtemps lorsque Camille demanda d’un ton joyeux :
    « Alors qu’allons-nous faire cette après-midi ? »

    Ils passèrent leurs débuts d’après-midi à jouer aux cartes tout en discutant, Daniel et Maxime étant partis s’amuser dehors, laissant le jeu libre. Le comportement de Tom devint l’un des sujets de la discussion et cela fit de nouveau réfléchir Émilie sur les raisons qui pourraient amener son ami à adopter un tel comportement. Elle s’imagina que Tom était peut-être jaloux que Camille ne fût plus aussi proche de lui qu’auparavant, mais cette idée lui parut stupide et elle l’oublia tout de suite. Bien qu’ils étaient à trois à étudier la question, aucune réponse convenable un tant soit peu logique ne fut trouvée ce qu’ils leur donnèrent la conclusion que Tom devait cacher quelque chose qui le rongeait. Tandis qu’ils discutaient de cette nouvelle possibilité, quelqu’un toqua à la porte et lorsque Émilie, faisant dos à l’entrée, se retourna, elle aperçut son cousin dans l’entrebâillement qui l’observait avec un sourire. Émilie s’approcha se demandant ce qu’il voulait et Steve sembla avoir lu dans ses pensées lorsqu’il demanda :
    « Prête à lui accorder une deuxième chance ? »
    La jeune fille remarqua que son cousin, malgré son sourire, avait laissé entendre une certaine inquiétude dans le ton de sa voix. Elle se retourna vers Benoit et Camille, surtout Camille, et vit cette dernière hocher la tête comme pour approuver la décision qu’Émilie allait prendre. Elle prit une grande inspiration et indiqua à son cousin :
    « Je te suis. »

    Ils marchèrent tous les deux vers la chambre de fortune qui avait appartenu à Émilie, la jeune fille se demanda pourquoi cette pièce n’avait pas encore été débarrassée, de nouveau Steve sembla avoir lu dans ses pensées lorsqu’il indiqua :
    « Christophe m’a indiqué qu’il comptait garder cette chambre à part, au cas où il y aurait de nouveau quelqu’un de blessé ou même malade, ce qu’on ne souhaite pas bien entendu, mais il vaut mieux être préparé quand cela arrive.
    -C’est une bonne décision
    -Je trouve aussi, en parlant de décision, j’ai appris que tu t’étais porté volontaire pour les rondes de nuit suite au vol. »
    Émilie ressentie de l’approbation et même de la fierté dans le ton de son cousin, elle ne savait pas trop quoi répondre à cela, mais Steve ajouta :
    « Je participe aussi, du coup, on se reverra ce soir.
    -Oh super ! Tu sais qui il y aura d’autres ?
    -Mon collègue, Mehdi, celui que tu as déjà vu
    -L’homme noir ?
    -C’est cela, mais ne l’appelle pas comme ça devant lui, cela l’énerverait. S’il y a encore d’autres personnes, j’ignore qui elles sont.
    -Vous n’êtes que deux ? »
    Émilie fut quelque peu scandalisée de voir qu’uniquement deux personnes étaient prévues pour surveiller les jardins, mais Steve lui expliqua avec amertume :
    « Je le sais bien, pour notre supérieur, un simple vol n’est pas un danger nécessitant que l’on envoie des troupes. Alors que, pourtant, cet endroit sert à nourrir une bonne partie de nos troupes comme il dit ainsi que le centre d’accueil.  Mais bon, qui c’est, avec un peu de chance, vous êtes pillés par des relanceurs et là mon supérieur sera ravi d’envoyer des troupes ! 
    -Il a l’air très sympathique ton patron.
    -Oh… tu n’as pas idée… »

    Ils étaient arrivés devant la chambre de soin, Steve toqua à la porte pour indiquer sa présence et entra. Émilie lui emboîta le pas et vu sa grande sœur assise sur le lit, elle était toujours aussi rachitique, ses cheveux étaient également restés emmêlés et ses yeux cernés, cependant elle semblait avoir repris un peu de couleurs, Émilie la trouva beaucoup moins pâle que la dernière fois. Elle avait échangé sa robe par un chemisier jaune et un jean, ce qui donnait bien moins l’apparence d’une patiente d’hôpital contrairement à la dernière fois.  Mathilde souriait en observant Steve, elle paraissait pensive et semblait ne pas avoir remarqué la présence d’Émilie, malheureusement lorsque le regard des deux filles se croisa, Mathilde reprit conscience de la réalité et comme si on venait de lui annoncer une terrible nouvelle, elle se mit à pleurer. Émilie voulut approcher de sa sœur qui se tenait le visage dans les mains tout en pleurant, mais Steve la retenue par l’épaule, une expression effrayée sur son visage, Mathilde parvint à déclarer parmi ses pleurs, avec une voix tremblotante :
    « Désolée…désolée É…Émilie »
    La jeune fille retira la main de Steve de son épaule et alla s’asseoir auprès de sa sœur puis la serra par la taille en indiquant calmement :
    « Ne t’en fais pas, j’aurai également hurlé et déversé ma colère après tout ce qui t’ai arrivé, c’est normal »
    Bien qu’elle ait parlé de manière assurée, Émilie eut du mal à retenir ses larmes, voir sa sœur dans cet état resté difficile même s’il y avait eu une amélioration. Émilie relâcha sa sœur et celle-ci redressa la tête, ses larmes s’étaient calmées, elle demanda timidement :
    « Tu… Tu ne m’en veux pas ? 
    -Bien sûr que non, voyons, Mathilde… tu es ma sœur. S’il te plaît, sèche tes larmes»
    Mathilde observa sa sœur quelques secondes comme pour s’assurer que c’était bien réel et sans prévenir ce fut elle qui serra Émilie dans ses bras, celle-ci lui rendit son étreinte et aperçut par-dessus l’épaule de Mathilde, Steve qui levait le pouce tout en faisant un clin d’œil pour approuver leur comportement. Une fois l’étreinte achevée, Mathilde sembla plus apte à discuter, pendant quelques minutes, Émilie oublia l’apparence qu’avait Mathilde en ce moment et retrouva sa sœur d’antan. C’est alors que cette dernière demanda :
    « Et donc… qu’as-tu vécu depuis ta disparition ? »
    Bien que la question ait été posée simplement sans aucun reproche et sans un ton réprobateur, Émilie s’inquiéta sur comment y répondre et la réaction qu’aurait sa sœur après cela. Finalement, elle se força à répondre en prenant bien soin d’expliquer à quel point elle avait pris des précautions de sécurité et s’était montrée prudente. Elle prit également la peine de ne pas parler de certains événements, comme le combat avec Tom lors de leur rencontre, du fait qu’elle avait appris ce que sa sœur subissait ou, événement auquel Émilie n’avait plus pensé depuis longtemps et qui lui redonna un sentiment de dégoût, puis de haine, l’agression qu’elle avait subis par l’homme dans une chambre. Ce mauvais souvenir qui avait ressurgi sans qu’Émilie le souhaite l’avait bloqué quelques secondes durant son récit, plusieurs secondes durant lesquelles elle dut fermer les yeux et les poings pour contrôler sa rage et ne pas hurler à son tour, même si sur le moment elle n’avait qu’une envie, c’était de frapper au visage le premier homme mauvais à sa portée jusqu’à lui détruire le visage. Elle pensa alors au moment présent et le visage de Camille, le baiser qu’elle avait échangé avec elle lui vint en tête et Émilie se sentit un peu plus légère, ce qui lui permit de reprendre son récit. Par chance, Mathilde ne sembla pas avoir remarqué sa réaction, qui avait sans doute dû durer que quelques secondes bien que pour Émilie, cela avait semblé être une lutte de plusieurs minutes. Alors que la jeune fille arrivait au moment où elle était arrivée au camp, ce fut Steve qui acheva son histoire en expliquant :
    « Et c’est donc ici que je l’ai trouvé, peu après qu’elle fut tombée sur un grillage en s’ouvrant le bras. »
    Émilie échangea un regard complice avec son cousin, visiblement elle n’était pas la seule à cacher certaines vérités. Mathilde observa alors le bras de sa sœur et particulièrement sa cicatrice qui parcourait pratiquement la distance entre son coude et son poignet, pour tout commentaire la jeune femme se contenta de dire :
    « Tu as dû souffrir… »
    Émilie ressenti le doute dans le ton de sa sœur, c’était désormais confirmé, la Mathilde inquiète et prude qu’elle avait toujours connue était bel et bien de retour. Les deux sœurs discutèrent encore durant une quinzaine de minutes, ce fut surtout Mathilde qui interrogeait Émilie sûr comment se déroulait la vie au camp, Émilie lui cacha le vol qu’il y avait eu récemment afin de ne pas mettre sa sœur en alerte. Steve indiqua à Mathilde qu’il était temps de rentrer, expliquant à Émilie que les médecins ne préféraient pas laisser sortir la jeune femme trop longtemps son état de santé étant encore un peu faible et que, de plus, leur enfant avait besoin de sa mère. Émilie salua alors sa sœur avec une nouvelle étreinte et l’accompagna jusqu’à la sortie du camp, Mathilde se retourna vers sa cadette et lui dit avec un sourire bienveillant :
    « Je suis contente que tu sois ici à l’abri plutôt que de vagabonder partout et si tu te sens mieux ici qu’à l’hôpital alors cela me rend encore plus heureuse, au moins, on pourra continuer de se voir et toi de t’épanouir comme tu en as envie, c’est ce que je veux par-dessus tout.
    -Merci… je… »
    Émilie ne savait pas quoi répondre, mais elle comprit à l’expression de joie de sa sœur qu’elle n’avait pas besoin de le faire, elle observa celle-ci s’éloignait en camionnette avec Steve, heureuse d’avoir renoué le lien familial.

    Le soir venu, Émilie rejoignit la tour de surveillance de Jonathan comme c’était prévu, elle avait pris soin de prendre son poignard avec elle, même si un fusil lui serait donné. Steve et son collègue étaient déjà présents et armés, ils discutaient entre eux. Une table avait été sortie, dessus il y avait une caisse en plastique fermé par un couvercle, elle semblait contenir des objets noirs, mais Émilie ignora ce que cela pouvait être. Mehdi s’aperçut de l’approche d’Émilie et fit un signe de la main pour indiquer à Steve qu’elle s’approchait, la jeune fille resalua son cousin qui fit les présentations :
    « Émilie voici Mehdi, Mehdi voici Émilie »
    Le jeune homme, bien qu’ayant le crâne rasé, semblait avoir moins de la trentaine, il était assez musclé et se tenait bien droit. L’homme avait tendu sa main au moment où Steve avait fait les présentations, Émilie, la serra et il annonça d’une voix ferme, mais avec un ton amicale :
    « Ravi de faire la connaissance de la belle-sœur de notre Steve, j’ai entendu dire que tu savais bien te défendre
    -De même merci, oui je peux m’en sortir, mais j’espère ne pas avoir à le faire ce soir
    -Notre priorité n’est pas de nous battre, mais d’arrêter les vols et d’intercepter les responsables pour parler avec eux et voir ce qu’ils veulent. »
    Jonathan venait d’arriver dans le dos d’Émilie sans qu’elle l’entende, au point qu’elle avait eu un léger sursaut lorsqu’il s’était mis à parler. Il avait plusieurs fusils en bandoulière autour de l’épaule ainsi qu’un rouleau plastifié, il posa le tout sur la table et alla prendre le sien qu’il avait laissé dans la tour de surveillance. Pour toute indication, il se contenta de dire :
    « Je vais attendre que tout le monde soit là pour redescendre et vous expliquer comment on va procéder. »
    Mehdi et Steve retournèrent à leur conversation tandis qu’Émilie guetta l’arrivée d’autres personnes. Au bout de cinq minutes, ce fut Tom qui arriva, il se posta cependant dans un coin, s’isolant du reste du groupe, sans saluer qui que ce soit. Il resta là à observer le sol et semblait perdu dans ses pensées, Émilie préféra le laisser tranquille, se disant qu’il avait ses raisons. La jeune fille remarqua, en les comptant, qu’il y avait quatre fusils sur la table, ce qui sous-entendait que deux autres personnes devaient encore arriver. Elle eut sa réponse quelques minutes plus tard lorsqu’elle aperçut Benoît et Camille arrivés tout en discutant, ils se dirigèrent vers Émilie tout en saluant Steve et Mehdi. Émilie se sentit légèrement mal à l’aise en voyant Camille sans pouvoir lui tenir la main et encore moins pouvoir l’embrasser, elle garda se sentiment en elle lorsque Jonathan descendit l’échelle de la tour. Il observa tour à tour Benoît, Camille et Tom en indiquant sèchement :
    « Si l’on doit recommencer demain, j’apprécierai que vous arriviez plus tôt, merci. »
    Il se dirigea vers la table et déroula le morceau de plastique, il s’agissait d’une carte dessinée du camp, il expliqua tout en pointant du doigt différents endroit sur la carte :
    « Steve, tu prends ces deux parcelles là, Mehdi les deux autres à côté qui font la longueur du camp, ensuite… »
    Chacun avait sa zone de garde, Émilie fut ravie de savoir qu’elle allait faire son tour de garde à côté de celui de Camille, avec de la chance les deux amoureuses pourraient échanger un baiser discrètement. Après avoir donné les explications, Jonathan ouvrit la caisse en plastique révélant les lampes torches qu’elle contenait, tout en les distribuant il conseilla :
    « Il est difficile de trouver des torches de nos jours, alors je vous serais très reconnaissant d’éviter de les casser. »
    Puis il donna également un fusil à chacun, lorsqu’il en donna un à Émilie, celle-ci aperçut son regard meurtrier qui en disait long sur ce qu’il ressentait en lui offrant une arme.


    Émilie alla rejoindre sa zone de garde tandis que les autres firent de même, s’éloignant les uns des autres. La nuit tomba rapidement tout comme le froid, Émilie avançait tranquillement en effectuant sa ronde, éclairant son chemin avec la torche. Aux alentours, elle voyait les rayons des torches des autres qui se promenaient dans l’obscurité tels des fantômes errant sans but. Bien qu’elle n’eût pas peur du noir, se promener dans un si grand espace sans voir ce qui se passait aux alentours tout en sachant qu’il y avait un danger qui rôdait rendait Émilie stressée, à tel point qu’elle faillit hurler lorsque Camille s’était approchée d’elle avec sa torche éteinte. Elle s’approcha calmement d’Émilie en remarquant le sursaut qu’avait eu cette dernière et lui demanda en chuchotant :
    « Éteins ta torche quelques minutes afin qu’on ne puisse pas nous voir. »
    À peine Émilie avait effectué le geste demandé que Camille l’approcha pour la serrer dans ses bras tout en l’embrassant avec passion, Émilie lui rendit la chose avec tout autant d’amour. Elle sentait les doux cheveux de sa copine se balader entre ses doigts, ainsi que la chaleur de ses lèvres posées sur les siennes, la langue des deux jeunes filles se croisèrent telle une valse entre deux amoureux. Émilie ressentit une chaleur et une joie intense et insensée monter en elle, elle ne se souciait plus du danger alentour, du moins jusqu’à ce qu’elle entendît un bruit étrange à plusieurs mètres. Cela ramena Émilie à la réalité qui dû mettre fin au baiser, bien qu’elle n’en eût pas du tout envie. Elle reprit son arme et sa torche qu’elle avait laissée à terre. Camille ayant observé la réaction de sa chérie, lui demanda inquiète, toujours en chuchotant :
    « Qu’il y a-t-il ? 
    -J’ai entendu un bruit bizarre, viens, on va aller voir. »
    Camille reprit également sa torche et son arme, Émilie ouvrit la marche, se dirigeant vers la zone d’où était provenu le bruit. L’obscurité ne permettant pas de voir à peine plus loin que le rayon de la torche, Émilie redoubla de vigilance, éclairant tantôt à droite puis à gauche afin de prévoir tout éventuelle attaque. Camille la suivait dans son mouvement de prudence, parfois elle éclairait derrière elle afin de s’assurer que personne ne les suivait. Lorsque Émilie crut apercevoir une silhouette se détachait de l’obscurité un peu plus loin, elle éteignit sa torche et demanda à Camille d’éclairer à l’avant, tandis qu’elle pointait son fusil. Cependant, Émilie avait quelque peu baissé son arme lorsque la silhouette fut révélée, elle ne pouvait y croire et pourtant, il était là debout, son fusil à terre avec du sang sur lui et une pelle dans ses mains, Tom semblait aussi effrayer que les deux filles qui l’avaient surpris.

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  • Chapitre XIV


    Les pensées d’Émilie s’entrechoquaient entre elles cherchant à déterminer, si oui, ou non Tom était celui qui voler des légumes, cela lui semblait absurde, mais dans ce cas que faisait ce dernier avec une pelle dans ses mains. Elle observa plus attentivement les alentours, elle fit cela en quelques secondes bien qu’elle ait eu l’impression de s’attarder sur chaque détail durant de longues minutes. Elle remarqua alors une forme sombre sur le sol qu’elle n’avait pas remarqué jusque-là, elle était dans l’obscurité, à un ou deux mètres derrière Tom, la jeune fille observa de nouveau le sang dont était couvert ce dernier et cru comprendre. Elle s’avança alors tout en remettant son fusil en bandoulière, elle alluma ensuite sa lampe torche qui révéla le corps inanimé d’un garçon d’une dizaine d’années, il avait le visage ensanglanté et abîmé à plusieurs endroits, Émilie demanda effrayée :
    « Tom qu’as-tu fait ? »
    Elle s’agenouilla près du corps de l’enfant essayant de déterminer si celui-ci était encore en vie ou non. Tom n’avait encore rien dit depuis que les filles l’avaient découvert, il s’était contenté d’observer le sol afin de ne pas faire face aux deux filles, cependant lorsqu’il entendit la question d’Émilie, il posa la pelle à terre et se retourna vers la jeune fille tandis que Camille continuait de les éclairer. Émilie continua d’observer le visage mutilé du jeune garçon, de toute évidence il était mort dû à ses multiples blessures, Tom s’agenouilla à côté d’Émilie et lui avoua d’un ton faible :
    « Émilie, il faut que tu compre…
    -Tu as tué ce garçon. »
    La jeune fille avait stoppé sèchement l’adolescent dans ses explications, elle n’en voulait pas, elle ne voulait pas entendre de justification face à un meurtre aussi horrible. Camille intervenue et indiqua d’une voix inquiète comme si elle redoutait la réaction de sa copine :
    « Peut-être qu’il s’est juste défendu… »
    Émilie observa le visage de Camille qui semblait au bord des larmes, bien qu’elle ne désirât pas s’énerver contre elle, Émilie ne put s’empêcher de répondre froidement :
    « Ce garçon n’est pas armé alors que Tom oui, il ne s’est pas contenté de le tuer, il s’est acharné dessus, regarde l’état de son visage ! Comment as-tu… »
    Émilie n’arrivait même pas à finir sa phrase, une telle violence lui était inconcevable. Tom s’était relevé et se tourna vers Camille, il confessa :
    « Elle a raison, ce n’était pas pour me défendre, mais pour me venger. »
    Émilie qui continuait d’observer l’enfant avec rancœur répliqua furieusement :
    « Te venger ? Ce n’est plus de la vengeance là, c’est de la boucherie !
    -C’est un survivaliste ! C’est lui qui a tué ma mère ! »
    Tom s’était mis à crier de rage, il semblait tout aussi furieux qu’Émilie. Il questionna :
    « Qu’aurais-tu fait à ma place ? Tu l’aurais laissé repartir, risquant qu’il tue d’autres personnes ?
    -Je l’aurai arrêté, mais sûrement pas en m’acharnant comme tu la fais ?
    -Tu es sûr ? Comment aurais-tu agis s’il avait tué ta sœur ? Ou même ton frère ?
    -je t’interdis de parler de mon frère ! »
    Sans qu’elle s’en soit rendu compte, Émilie s’était relevée et avait sorti son poignard de sa poche prête à le planter dans le ventre de Jordan. En quelques mots, il avait fait ressurgir toute la haine que lui avait procuré la guerre, la haine d’avoir perdu son frère, la haine d’avoir été agressée, celle d’avoir appris la torture de sa sœur, celle d’avoir failli mourir, toute cette colère venait de ressurgir en elle tandis que sa main serrer son poignard avec une force qui dépassait ses pensées. Tom se trouvait des excuses pour justifier son comportement mais avait-il connu toute la souffrance qu’elle avait endurée depuis tout ce temps et il osait encore lui reprochée tout cela. Elle n’avait qu’une idée en tête, c’était de frapper le jeune homme, le frappé et le frappé encore, qu’il souffre comme elle avait pu souffrir par le passé, elle serrait de plus en plus son poignard, sentant sa main qui tremblait. Tom semblait satisfait de ce qu’il avait provoqué, il expliqua avec un sourire narquois bien qu’un peu effrayé dans le ton de sa voix :
    « Tu vois, tu es comme moi, dès que l’on touche une corde sensible, tu perds tes moyens, prête à bondir et à faire payer le responsable. »
    Émilie n’entendait plus, peu importe ce que disait Tom, elle était décidée à l’attaquer afin qu’il comprenne et paye pour ce qu’il avait…
    « Émilie ! »
    Le cri de détresse de Camille était parvenu jusqu’à la jeune fille qui observa celle qu’elle aimait verser des larmes. Toute la colère qu’elle avait en elle venait de disparaître de manière soudaine en voyant les larmes de sa copine. Émilie repensa alors au bon moment qu’elle avait passé avec Camille mais pas seulement, elle repensa également aux instants de joie qu’elle avait eu avec Benoît, ceux avec Daniel et enfin les moments qu’elle avait eus avec sa famille quand Jordan était encore parmi eux. Tous ces bons souvenirs lui donnèrent un sentiment de légèreté qui s’évapora vite lorsque la réalité la rattrapa brusquement. Émilie se rendit compte de ce qu’elle s’était apprêté à faire, elle observa sa main qui tenait toujours son poignard bien qu’elle ait relâché le poing, elle le remit à sa ceinture et alla serrer Camille dans ses bras. Il n’y avait pas besoin de mot, Camille comprit que la fille qu’elle aimait était redevenue elle-même, Émilie essuya les larmes du visage de la brunette et l’embrassa tendrement comme pour la remercier d’être là. La vision du baiser et de l’amour que partageaient les deux filles sembla impactée Tom qui reprit également conscience des choses, il s’agenouilla près du corps de l’enfant mort et des larmes coulèrent sur son visage. Steve et les autres arrivèrent quelques secondes après, probablement alertés par le cri qu’avait poussé Camille, Steve remarqua les deux filles main dans la main qui observaient Tom, ce dernier pleurant silencieusement près du corps mutilé du garçon, le jeune homme se contenta de fixer la scène sans oser troubler le lourd silence qui s’était installé autour d’eux.

    Tom fut mis en isolation dans la petite cabane aménagée tandis qu’Émilie et Camille furent invitée à aller raconter ce qui s’était passé à Christophe qui avait été alerté de la situation. Steve accompagna les deux filles jusqu’à la cafétéria, Émilie fut ravie que Steve ne l’avait pas interrogé sur ce qui s’était passé, ses idées n’étaient pas encore claires et elle n’avait aucunement envie de s’expliquer pour le moment. Elle et Camille ne se tenaient plus la main bien que marchant l’une à côté de l’autre, Émilie venait tout juste de s’en rendre compte et elle ne savait pas depuis combien de temps c’était le cas. Camille quant à elle avançait en silence, la tête baissée en observant le sol, de temps à autre Émilie l’entendait renifler. Elle jeta un regard du coin de l’œil à sa copine, celle-ci ne pleurait plus, mais avait encore les yeux humides. Jonathan vint les intercepter et indiqua en direction de Steve :
    « Moi et Christophe, on va aller vérifier les environs avant qu’il aille aller voir les filles à la cafétéria, mais tu peux déjà les y amener. Par contre, je vais récupérer les fusils avant. »
    Il tendit sa main, Émilie observa le visage de Jonathan, il le remarqua et lui rendit son regard. Pour une fois, la jeune fille ne ressentait pas l’agression qu’avait l’habitude d’avoir le jeune homme envers elle bien qu’il fronçât les sourcils, il semblait plus l’inspecter de manière inquiète comme pour voir si elle avait été blessée ou non. Émilie lui tendit le fusil et elle eut l’impression que le jeune homme avait légèrement hoché la tête comme pour la remercier mais elle n’en était pas sûre. Camille n’avait pas tout de suite réagi lorsque Jonathan tendit sa main devant elle, Émilie imagina qu’elle devait être encore occupée de réfléchir sur ce qui s’était passé ou sur le comportement d’Émilie, ce que cette dernière craignît. Tandis que Jonathan s’éloignant et qu’ils reprirent tous trois la marche, Émilie redouta le moment où elle devrait s’expliquer avec Camille sur son comportement de cette nuit. Ils arrivèrent à la cafétéria et Steve entra avec les filles, il se tourna vers Émilie et lui demanda :
    « Tu veux que je reste en attendant ? »
    La jeune fille observa sa copine, bien qu’elle fût effrayée à l’idée d’être seule à seule avec elle, elle ne put s’empêcher de se dire que ce serait mieux que cela arrive le plus tôt possible. Elle indiqua donc, d’un signe de tête à Steve, que ce n’était pas nécessaire, ce dernier commenta d’un ton inquiet :
    « Ne t’en fais pas, ça va aller, dis simplement ce que tu as vu et ce qui s’est passé, de toute façon tu n’as rien à craindre. »
    Émilie ne le trouva pas convaincant et elle remarqua que ce dernier semblait avoir le même jugement, il ressortit néanmoins sans chercher à faire mieux. Émilie observa Camille qui paraissait toujours aussi absente, elle ne bougeait pas, se contentant de respirer en observant le sol puis elle sembla se rendre compte que Steve n’était plus là et elle releva la tête. La jeune ado observa les environs comme si elle prenait à peine conscience de se retrouver dans la cafétéria puis sans dire un mot et sans même jeter un regard vers Émilie, elle se dirigea vers une table, s’y assit et posa sa tête sur ses bras comme si elle s’apprêtait à s’endormir. Émilie observa Camille qui lui tournait le dos avec le cœur serré, elle aurait souhaité que cela se passe mieux, elle inspira un grand coup comme pour descendre la boule qu’elle avait en travers de la gorge puis alla s’asseoir à la droite de sa copine. Alors qu’elle allait s’asseoir, Camille tourna sa tête de l’autre côté, Émilie ignora si c’était de la malchance ou si Camille l’avait fait exprès. Elle resta assise durant de longue minute en silence, au point qu’elle pensa que Camille s’était endormie, mais au son de sa respiration, elle comprit que ce n’était pas le cas. Émilie aurait préféré que ce soit Camille qui aborde le sujet de sa réaction de cette nuit mais ne pouvant plus supporter ce silence lourd, elle demanda presque en pleurant :
    « S’il te plaît, dis quelque chose, crie-moi dessus, râle s’il le faut, mais parle-moi ! »
    Camille redressa la tête et observa Émilie, les yeux rouges bien que moins humides qu’avant. Il y avait de la pitié dans son regard ainsi que de la peine mais elle semblait ne pas savoir quoi répondre. Après plusieurs minutes de réflexion durant lesquelles elle observât Émilie comme pour s’assurer qu’elle était réelle, elle finit par demander :
    « Dis-moi juste que même sans mon intervention, tu n’aurais pas tué Tom »
    Elle avait prononcé ces mots comme si elle suppliait Émilie de lui redonner goût à la vie. La jeune fille ne chercha que quelques secondes comment formuler sa réponse avant de déclarer :
    « Je peux te promettre que je ne l’aurais pas tué quand bien même tu ne serais pas intervenu, quand bien même tu n’aurais pas été là. En revanche, je suis obligé d’avouer que je l’aurais sans doute frappé une ou deux fois avant de retrouver mes esprits, j’en suis navrée…
    -Tu te rends compte de ce que tu dis Émilie ?! Le frapper une ou deux fois ? Avec un couteau ? »
    Émilie n’eut pas le temps de répondre que Camille ajouta :
    « Je ne sais pas tout ce que tu as traversé mais savoir que tu es prête à attaquer quelqu’un qui est censé être ton ami juste parce qu’il t’a… énervé… »
    Elle avait levé les mains en l’air comme pour prier le ciel de lui donner le courage de ne pas s’évanouir, puis elle fixa ses mains. Émilie se força de garder un ton calme en s’expliquant :
    « Je ne peux que m’excuser et avouer d’avoir perdu le contrôle de moi-même durant ce moment, mais ce n’était plus un ami qui était face à nous, c’était un tueur, as-tu vu ce qu’il a fait à ce pauvre garçon ?
    -Oui, j’ai vu Émilie, je l’ai vu. Mais ta réaction…
    -N’était pas la meilleure à avoir, je suis d’accord. Je m’en excuse, je ne peux que m’en excuser Camille, désolé d’avoir craqué. »
    Émilie ignora si elle avait réussi à faire comprendre à sa copine à quel point, elle-même s’en voulait, mais elle se sentait malgré cela soulagé d’avoir pu s’expliquer. Camille finit par attraper la main d’Émilie et indiqua de manière soulagée :
    « Au moins, on a évité le pire. »
    Émilie sentit une chaleur agréable montée en elle, elle avait envie d’embrasser sa copine, mais se demanda s’il n’était pas trop tôt pour le faire, Camille qui semblait avoir eu la même idée ne se posa pas cette question et un baiser fut partagé entre les deux filles.

    Bien qu’au début elle se sentit soulagée, au fur à mesure que les minutes défilaient, Émilie se sentit de nouveau anxieuse. Elle avait beau se dire qu’elle n’avait rien à craindre, une partie d’elle resta effrayée de ne pas savoir comment réagirait Christophe s’il apprenait qu’elle avait craquée. Le silence régnait de nouveau dans la pièce, les deux filles avaient discutées de l’intervention de Christophe mais cela étant leur principal sujet de conversation, il avait été rapidement épuisé. Cependant, Camille avait expliqué que c’était la première fois qu’elle assistait à une telle chose, ce qui avait eu pour effet d’angoisser davantage Émilie. Lorsque la porte s’ouvrit enfin, elle sentit son cœur se serrer dans sa poitrine tandis que Christophe entra sereinement dans la cafétéria, avec un thermostat et des gobelets dans les mains. Il posa le tout sur la table des deux filles avant d’expliquer :
    « Steve a fait venir quelques autres soldats pour nous aider à fouiller les environs et ils ont offert un peu de café, du coup si vous en voulez un verre, n’hésitez pas, en revanche il sera noir et sans sucre. »
    Il avait parlé d’une voix calme bien qu’un peu de fatigue se fît sentir, il s’assit face aux deux filles tout en se servant un fond de la boisson chaude. Émilie hésita quelques secondes et se décida finalement à demander un peu de café, se disant que cela pourrait peut-être lui faire du bien. Christophe lui tendit un gobelet et le thermostat l’invitant à se servir par elle-même, la jeune fille remplit son verre jusqu’à la moitié et remit la boisson au milieu de la table. Christophe observa Camille qui semblait fixer le thermostat, puis il vida son verre d’un coup ne cherchant pas à s’interroger plus que ça. Émilie l’imita, immédiatement elle ressentit le goût amer et puissant de la boisson avant que la chaleur de celle-ci dénouât quelque peu sa gorge, elle toussota un peu, ce n’était pas très bon, mais cela lui avait procuré une sensation de bien-être et elle se sentait un peu moins tendue. Christophe qui se servit un deuxième fond de café indiqua alors, toujours aussi calme :
    « Désolé de vous avoir fait attendre et de vous faire subir ce genre d’interrogatoire mais vu que vous êtes celles qui ont trouvé le corps, j’aimerais savoir ce qui s’est passé.  Ne vous inquiétez pas, cela restera entre nous et quoi que vous me disiez, je ne ferai aucun mal ni à vous ni à Tom, je veux juste comprendre ce qui a eu lieu. Après je vous laisserai tranquille, je pense qu’une bonne nuit de sommeil vous fera du bien… Bref dès que vous êtes prêtes à parler, je vous écoute. »
    Il vida son verre puis attendit tranquillement qu’une des deux filles se mette à parler, Émilie observa Camille, qui l’observait en retour. Émilie comprit que sa copine souhaitait que ce soit elle qui prenne la parole, du coup Émilie se lança :
    « Moi et Camille, lorsqu’on s’est croisé, on a discuté un peu avant d’entendre des bruits étranges un peu au loin dans l’obscurité… »
    Émilie raconta ainsi qu’elle et Camille avaient découvert Tom, pensant d’abord que c’était lui qui avait volé des légumes, puis qu’Émilie avait découvert le corps du garçon. Christophe se contentant d’écouter, hochant simplement la tête à quelques reprises tandis qu’Émilie essayait de rassembler ses souvenirs avant d’expliquer avec un maximum de détails ce qui s’était passé. Elle arriva au moment où elle avait craqué, son cœur se serra de nouveau et elle hésita plusieurs secondes à rapporter son comportement. Christophe ne réagit pas à son silence, se contentant d’observer la jeune fille, Émilie jeta un regard vers Camille, celle-ci observait le mur qui se trouvait derrière Christophe, ce dernier avait également tourné les yeux vers Camille. Émilie se décida à jouer la carte de l’honnêteté et avoua :
    « Puis Tom m’a poussé à bout, il m’a rappelé des souvenirs douloureux en m’accusant d’en être responsable et d’être aussi cruelle que lui et j’ai… craquée.
    -Qu’entends-tu par craquer ?
    -J’ai attrapé mon couteau dans ma main et je me suis dirigée furieusement vers lui avec une envie folle de…
    - De le tuer ? »
    Christophe avait interrompu Émilie qui eût un léger sursaut en entendant cela, immédiatement elle rétorqua :
    « Non ! Non, non ! Je voulais le frapper pour qu’il arrête et je n’ai plus réagi au fait que j’avais mon couteau à la main… Je… J’ai très mal réagi, je suis obligé de l’admettre et sans l’intervention de Camille je… j’aurai… »
    Émilie n’arriva pas à terminer sa phrase, réalisant avec horreur qu’effectivement elle aurait sans doute tué Tom si elle avait été seule. Camille s’était retourné vers sa copine, l’observant avec pitié. Émilie baissa la tête tandis que des larmes coulèrent sur ses joues, elle entendit Christophe demander à Camille :
    « Tu lui a attrapé son arme des mains pour l’empêcher de faire du mal à Tom ? »
    Émilie entendit alors Camille répondre incertaine :
    « Non, je… j’ai juste prononcé son nom et ça l’a calmé d’un coup. Christophe, s’il te plaît, ne crois pas qu’Émilie est dangereuse, c’est vrai qu’elle a pété les plombs et que j’ai eu peur qu’elle ne fasse du mal à Tom mais je…. »
    Camille s’était tu d’un coup, Christophe avait sans doute fais un geste pour l’interrompre, il s’exprima d’une voix calme qui se voulait rassurante :
    « Émilie… »
    Émilie l’écouta en gardant la tête baissée, mais il ajouta :
    « Émilie, s’il te plaît regardes-moi. »
    Elle essuya ses larmes avec sa manche et leva la tête en direction de Christophe, elle fut surprise de voir que ce dernier lui adressait un sourire. Il s’exprima toujours avec ce même ton calme et rassurant comme s’il racontait une histoire :
    « Cela peut nous arriver à tous d’exploser complètement lorsque l’on touche des points sensibles de notre vie, on se laisse gagner par la colère, par la fureur et la haine, c’est totalement humain d’avoir ces sentiments et cette réaction sur le coup, on se sent horriblement attaquer du coup pour se défendre, on laisse exploser sa rage, c’est comme ça que le corps réagit. Ce qui compte ce n’est pas la réaction, mais c’est le comportement qu’on a derrière. T’as voulu blesser Tom, certes, mais est-ce que tu l’as fait ?
    -Non, mais si j’avais été seule alors j’au…
    -Tu ne l’aurais pas tué pour autant. Je suis persuadé qu’au premier coup de couteau, tu aurais réagi avec horreur à ton geste.»
    Émilie y réfléchit plusieurs secondes avant de se dire qu’effectivement c’est sans doute la réaction qu’elle aurait eue. Christophe ajouta :
    « On se pense généralement plus mauvais qu’on l’est réellement, c’est parce que, après coup, notre réaction nous effraye, on se dit qu’on n’était pas soi-même et qu’on aurait été capable du pire, mais bien souvent on est loin de la vérité. »
    Il se leva en récupérant le thermostat et les gobelets tout en indiquant :
    « Vous allez pouvoir rejoindre vos lits, dormir vous fera du bien. »
    Tandis qu’il s’apprêtait à sortir, Émilie lui demanda :
    « Que vas-t-il arriver à Tom ? »
    Christophe répondit sans se retourner :
    « On en discutera demain mais promis, il n’y aura aucune mise à mort. »
    Bien qu’il ait annoncé cela sur le ton de la plaisanterie, Émilie ne se sentit pas rassurer quant au sort du jeune homme. Cependant, elle oublia rapidement son inquiétude lorsqu’elle vit Camille lui sourire en lui tendant la main et lui annonçait joyeusement :
    « Allez viens, on va dormir, ma petite colérique. »

    Les deux filles entrèrent dans le dortoir le plus silencieusement possible afin de ne réveiller personne. Comme toujours, bien qu’il fît sombre, les quelques rayons de lumières extérieures parvenaient à passer à travers les nombreuses ouvertures laissé par le temps, permettant ainsi de voir légèrement dans la pénombre. Camille avança et Émilie la suivit, elles passèrent devant Maxime qui avait la tête plongée dans son oreiller, puis devant Daniel qui dormait les bras étendus de manière inhabituelle tout en respirant profondément. Émilie ne put s’empêcher de sourire en voyant le jeune garçon dormir paisiblement, elle trouvait ça beau qu’il existait encore un peu d’innocence dans ce monde. Cela lui rappela la fois, à l’époque où elle vivait encore dans la cave de sa maison avec sa famille, où elle s’était réveillée en apercevant Jordan avec la jambe ensanglantée suite à une morsure de chien, à l’époque, elle dormait paisiblement tout comme Daniel, sans se soucier de ce qui se passait à l’extérieur. Ce souvenir lui rendit les yeux quelques peu humides, bien qu’elle se fût habituée à son absence, Jordan lui manquait terriblement alors qu’elle n’était même pas sûre qu’il soit encore en vie. Émilie était tellement perdue dans ses pensées qu’elle n’avait pas remarquée qu’elle s’était arrêtée de marcher tandis que Camille avait déjà rejoint un lit. La jeune fille s’apprêtait à rejoindre le sien quand quelqu’un lui demanda en chuchotant :
    « Comment ça va ? »
    Elle avait sursauté et avait même lâché un cri qui heureusement ne réveilla personne, elle se tourna alors vers Benoit qui était assis sur son lit, La jeune fille râla tout en se forçant à chuchoter :
    « Non mais ça va pas ! Tu veux que je fasse une crise cardiaque ?!
    -Désolé, je n’ai pas fait exprès… »
    Il se recoucha, Émilie supposa qu’il préférait ne pas trop poser de questions après cela, ce qu’il l’arrangea, elle n’avait plus envie de parler des événements de cette nuit bien qu’elle eût conscience qu’elle n’y échapperait pas le lendemain. La jeune fille atteignit son lit et se coucha rapidement sous la couette, sa tête posée sur l’oreiller, elle observa durant quelques secondes la chevelure de Camille qui lui faisait face. Elle se tourna ensuite pour s’allonger sur le dos et observa longuement le plafond tout en repensant aux événements de la soirée, elle songea notamment à ce que lui avait dit Christophe et se demanda si effectivement, elle se serait arrêtée au premier coup de couteau ou si sa colère l’aurait poussée à l’extrême sans qu’elle ne s’en rende compte. Elle se dit que si cela était arriver à Tom, ça pourrait lui arriver aussi et cette pensée l’effraya, elle essaya alors de réfléchir pour déterminer si, oui ou non, elle en serait capable, mais le résultat fut le même que durant la conversation avec Christophe, elle était incapable de prédire ce qu’elle aurait fait. Cependant, la jeune fille se dit qu’elle ne devait se laisser perturber ainsi, c’était trop dangereux et elle ne voulait pas courir le risque de blesser quelqu’un qu’elle apprécie sous le simple effet de la colère. Elle se dit qu’elle devrait sans doute travailler cet aspect de son caractère et se demanda alors comment faire, mais n’ayant aucune idée, elle abandonna sa réflexion. La jeune fille se laissa guider par le sommeil, bien décidé à se reposer autant qu’elle le pouvait, elle ne doutait pas que le lendemain risqué d’être une journée difficile à supporter.

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  • Chapitre XV



    Le lendemain matin, Émilie se réveilla en douceur, elle ouvrit les yeux tranquillement après une nuit qui fut reposante. Pendant les premières secondes, la jeune fille se senti reposée et en pleine forme, prête à attaquer la journée, puis le souvenir de ce qui s’était déroulé la nuit passée refit surface. Ce fut comme un coup de fouet pour Émilie qui se redressa alors sur son lit, les autres lits étaient déjà vides, excepté celui de Camille qui dormait profondément. Émilie se leva et s’approcha de sa copine dont le visage était couvert par quelques mèches de cheveux, Émilie écarta les mèches et se pencha pour déposer un baiser sur la joue de la jeune brune, cela ne la réveilla pas pour autant, Émilie décida de la laisser se reposer. À l’extérieur il faisait frais malgré la présence du soleil et l’absence du vent, Émilie était à peine sortie qu’elle fut interpellée par Benoit qui semblait avoir attendu près de la porte que la jeune fille sorte, celui-ci l’accueillit avec un sourire forcé :
    « Bonjour, bien dormi ?
    -Euh…oui et toi ?
    -Oui, ça va. Je voulais vous attendre pour aller prendre le petit déjeuner, Camille te suit ?
    -Non, elle dort encore.
    -Oh…Tu veux qu’on l’attende ? »
    Émilie trouva la question de Benoît assez étrange, elle se demanda s’il était informé de la relation entre Émilie et Camille, afin d’en être sûre, elle répliqua :
    « Et pourquoi devrait-on l’attendre ?
    -Ben, vous êtes de bonnes amies non ? Et puis après ce qui s’est passé peut-être qu’elle ne devrait pas manger seule… »
    Émilie qui se senti stupide, s’excusa :
    « Oui, c’est vrai, t’as raison… désolé. »
    Émilie et Benoît s’assirent dos contre le mur des dortoirs, la jeune fille se morfondit sur elle-même suite à sa réaction qu’elle jugeait idiote. Comme pour alléger sa culpabilité, Benoit la regarda et indiqua avec le sourire :
    « Ne t’en fais pas, on a tous des réactions étranges parfois. Une fois je me suis énervé sur Maxime juste parce qu’il avait renversé de l’eau sur mon bras, ce n’était pas grave maintenant que j’y pense, mais avec la mauvaise humeur, j’ai râlé comme s’il m’avait brûlé. Le pauvre a pleuré après que j’ai crié et ça m’a calmé directement. »
    Émilie ignora si Benoit avait raconté cela en rapport direct avec la réaction qu’elle-même avait eu la veille, mais cela la soulagea malgré tout. Émilie souhaita à voix haute :
    « J’espère que Camille ne compte pas faire la grasse matinée… »

    Malheureusement pour la jeune fille, son amie ne sortit que trente minutes plus tard, par chance le climat s’était adouci entre-temps, mais Émilie continuait de frissonner. Camille fit la bise à Benoit puis à Émilie, elle en profita pour lui murmurer à l’oreille :
    « J’ai rêvé de nous cette nuit, ça m’a rappelé à quel point je t’aime »
    D’un coup, Émilie ne ressentit plus le froid, elle trouva même qu’il faisait bon. Les trois amis filèrent déjeuner, la cantine était vide en dehors de Maxime et Daniel qui jouait aux cartes sur l’une des tables. Camille, Émilie et Benoît s’étaient assis sur une table quelque peu éloignée de celle des deux jeunes garçons qui les avaient salués au passage. Benoît avait fini de déjeuner, Émilie également, seule Camille semblait prendre son temps en faisant danser sa cuillère dans son bol. Émilie ne s’était pas attendue à ce qu’il soit aussi difficile d’entamer la conversation, elle avait remarqué qu’à plusieurs reprises Benoit avait lui aussi ouvert la bouche avant de la refermer, ne sachant que dire. Émilie fut tellement étonnée qu’elle sursauta lorsque Camille brisa le silence en déclarant :
    « Au moins, on aura plus besoin de faire de ronde ce soir. »
    Émilie et Benoit l’observaient comme si Camille venait d’une autre planète, tellement ils étaient surpris, cette dernière remarquant leurs regards demanda tristement :
    « Allez quoi, on ne vas pas rester dans le silence toute la journée, dites quelque chose… »
    Malgré la volonté de sa copine, Émilie ne sut quoi répondre, par chance Benoit le fit pour elle :
    « C’est vrai qu’il faudrait qu’on se parle normalement, mais à chaque fois j’ai peur que cela ne déroute sur ce qui s’est passé hier.
    -Il faudra bien qu’on aborde le sujet à un moment où un autre, non ? »
    Camille avait prononcé ces mots avec exaspération, Émilie savait que sa copine avait raison, le sujet était inévitable et Benoit allait sans doute avoir plusieurs questions à poser, préférant se débarrasser de la chose au plus vite, elle indiqua :
    « Bon bah… autant en parler maintenant alors. Qu’en pensez-vous ?
    -Non pas maintenant, attends. »
    Benoît se redressa et appela son petit frère, lorsque ce dernier l’écouta, il lui demanda :
    « Vous pouvez aller jouer au dortoir s’il vous plaît ?
    -Pourquoi ça ?
    -Ben parce que… euh… parce qu’on doit nettoyer la cantine.
    -Oh… D’accord. »
    Les deux jeunes garçons sortirent en rigolant sans qu’Émilie ne sache pourquoi, Benoît se rassit et indiqua :
    « Ils ne sont pas au courant de ce qui s’est passé, je pense que c’est mieux que ça reste comme cela. Bref alors, cette nuit... »
    Même si au début elle avait eu du mal à en parler, Émilie remarqua rapidement que raconté ce qui s’était passé la soulager bien plus qu’elle ne l’aurait pensé. Camille se contentait d’affirmer ou de commenter le récit de sa copine mais cela lui semblait également libérateur pour elle d’en parler. Lorsque les filles eurent fini leurs explications, Benoît prit quelques secondes de silence pour réfléchir avant d’annoncer avec un regard vide qui fixait la table :
    « Eh ben… J’ignore comment j’aurai réagi… »
    Émilie indiqua de manière très calme comme si elle essayait d’expliquer la chose :
    « Je ne pense pas qu’on puisse prévoir comment on va réagir sur ce genre de chose, quand ça arrive on réagit et on réfléchit après… malheureusement. Sans l’intervention de Camille qui s’est ce que j…
    -J’étais là Émilie, c’est tout ce qui compte. Tu le dis toi-même, impossible de prévoir comment tu aurais réagi, arrête de te torturer avec ça.
    -Je n’étais pas là, mais je pense que Camille a raison Émilie. L’important ce que tu as agi comme il fallait, c’est tout. »
    Bien que ses amis lui sourissent et qu’Émilie leur rendit le sourire, elle n’était pas spécialement convaincue. Les trois amis s’apprêtaient à sortir de la cantine lorsque Christophe entra, il intercepta Camille et Émilie en leur demandant :
    « Euh… les filles, ça vous ne dérangerez pas de me suivre, il y en a pour cinq à dix minutes… »
    Bien que Christophe ait prononcé ces mots naturellement, Émilie avait ressenti comme de l’inquiétude dans le ton de sa voix, elle lui demanda alors :
    « Pour quoi faire ?
    -Je vous expliquerais en chemin, vous venez ? »
    Bien qu’elle se sentît un peu forcée, Émilie accepta de suivre Christophe et Camille en fit de même. Avant de sortir, l’homme se tourna vers Benoit et le sollicita :
    « Véronique va venir nettoyer la cantine, ça ne te dérange pas te rester pour l’aider ? »
    Juste avant que la porte ne se referme, Émilie eut un léger rire lorsqu’elle entendu le jeune garçon qui râla :
    « C’était censé être une blague ça ! »

    Émilie avait eu des soupçons sur l’origine de la requête de Christophe et lorsqu’elle s’aperçut qu’il les accompagnait jusqu’à la cabane isolée, ses soupçons furent confirmés, il s’agissait bel et bien de Tom. L’estomac d’Émilie se serra, elle se demanda si cela voulait dire que Christophe avait pris une décision quant au sort de Tom, qu’il allait devoir rester enfermé pendant plusieurs jours ou peut-être allait-il être banni du camp et que cela serait peut-être la dernière fois qu’elle lui parlerait ou encore pire. Christophe finit par indiquer :
    « J’aimerais que vous parliez avec Tom des événements d’hier, je pense que ça fera du bien à lui comme à vous, je sais que je vous demande quelque chose de difficile mais…
    -Qu’allez-vous faire de lui ? »
    Émilie avait interrompu Christophe, elle préférait savoir à l’avance si, oui ou non, c’était la dernière fois qu’elle parlerait à son ami, Christophe fut surpris de la question de la jeune fille, il répondit quelque peu abasourdi :
    « On va le laisser sortir, pourquoi ?  Tu pensais qu’on le tuerait ou autre ? Allons Émilie, je ne suis pas comme ça, ce n’est pas à moi de décider, si oui ou non, Tom a le droit de vivre malgré ce qu’il a fait, sinon, ça voudrait dire que je le punis pour le crime que je vais commettre en le punissant. Lui n’a sans doute pas agi en ayant pleinement conscience de ses actes alors que si je le tuerai maintenant, moi j’en aurais complètement conscience, je serais encore plus coupable que lui de mes actes, ça serait stupide et cruel, je ne suis pas un monstre voyons ! »
    Bien qu’il eût terminé son explication avec le sourire, Émilie se sentit gênée d’avoir pensé comme cela, elle s’excusa :
    « Désolée, je ne voulais pas insinuer une telle chose, c’est juste qu’après ce qu’il a fait, je pensais que vous alliez le bannir ou le garder enfermé pendant longtemps.
    -C’est vrai que cela on pourrait l’envisager, seulement ça serait irresponsable de ma part. J’ai déjà vu des gens qui, comme Tom, ont commis un meurtre sous l’effet de la colère ou de la vengeance. Les laisser enfermer, c’est risqué qu’il devienne encore plus fou et dangereux, ils s’enferment sur eux-mêmes et lorsqu’on les laisse sortir, ils n’arrivent presque plus à parler avec qui que ce soit et c’est la descente aux enfers. Pour ce qui est de le bannir, je pense que ça serait le condamner à mort, surtout s’il part seul. La seule solution que je vois c’est de le laisser libre, il finira par se faire pardonner, j’en suis persuadé, Tom n’a pas un mauvais fond, j’ai discuté avec lui hier et il avait déjà conscience d’avoir mal agi, j’ai confiance en lui pour se faire pardonner. »
    Tandis qu’ils continuaient de marcher tout ensemble, Émilie réfléchissait sur ce qu’avait dit Christophe, elle trouvait sa vision très juste et le respect qu’elle lui porté s’agrandi davantage. La jeune fille se dit que ce camp avait une chance incroyable d’avoir Christophe comme chef.
    Alors qu’ils étaient arrivés devant la porte, Christophe indiqua aux deux filles :
    « Voilà, je vais vous laisser y aller, dites-lui qu’après ça il pourra sortir s’il le veut. »
    Il laissa les deux filles entrer et parti vaguer à d’autres occupations. Lorsque Émilie entra, elle eut, de nouveau, mal au ventre, plus par inquiétude pour Tom que par peur, ce dernier était assis sur le bord du lit et observait ses pieds tout en se tenant la tête entre ses mains. Le jeune homme leva la tête, lorsqu’il vit les deux filles, il la rebaissa aussitôt tout en indiquant d’une voix tremblante :
    « Vous n’êtes pas obligé de me parler, je le comprendrais très bien si vous ne le faîte pas. »
    Émilie observa Camille dans l’espoir que celle-ci lui dise comment agir mais elle semblait tout aussi perdue, la jeune fille s’approcha de Tom tout en lui demandant :
    « Et si j’ai envie de te parler ? »
    Le garçon ne répondit pas tout de suite, il releva la tête tout en séchant les larmes qui avaient coulé sur ses joues et observa son amie, il supplia :
    « Je ne le mérite pas… »
    Ce fut Camille qui répondit cette fois-ci, bien qu’elle fût hésitante :
    « Tom je… euh… Ce que tu as fait est… horrible et il me faudra… du temps pour m’en remettre, pour nous en remettre… mais perdre un ami serait tout aussi horrible donc… il faut… je t’en prie, ne nous ignores pas. »
    Bien que cela ait été maladroit, Émilie trouva que sa copine avait bien choisi ses mots, elle décida d’ajouter :
    « De plus ce n’est pas en restant enfermé que tu te feras pardonner de tes actes, tu as ôté la vie d’une personne alors maintenant donne tout ton possible pour en sauver d’autres, continue de participer à la vie du camp et quand le moment viendra, tu sauras te racheter, j’en suis persuadé… »
    Tom avait écouté les deux filles sans les interrompre, il rebaissa la tête, Émilie supposa qu’il pleurait de nouveau et voulait cacher ses larmes. Cependant, Tom finit par répondre :
    « Comment vous faites pour… pour ne pas voir le monstre que je suis…
    -Tu n’es pas un monstre Tom, juste quelqu’un de perdu qui a laissé parler sa colère plutôt que sa raison. Ça pourrait arriver à n’importe qui…
    -Mais pas à toi… Tu as su te contrôler, alors que moi…
    -Parce que j’ai été aidé par une amie, je suis sûr que, si on était arrivé plus tôt, on aurait réussi à te ramener à la raison comme Camille l’a fait pour moi. »
    Tom avait fait un mouvement d’épaule pour simple réponse, de toute évidence il ne semblait pas convaincu. Camille, qui se sentait assez mal à l’aise, demanda timidement :
    « On devrait peut-être le laisser, Émilie… »
    Émilie ne voulait pas laisser son ami dans cet état, mais il semblait ne rien vouloir entendre, agacée par son comportement, elle râla :
    « C’est ça ! Reste là, à pleurer, enfermé comme un lâche. Si tu n’es même pas capable d’essayer de te racheter alors tu ne mérites même pas que l’on te pardonne. »
    Cela n’eut aucun effet sur Tom, énervée mais également désespérée, Émilie se décida à suivre Camille et à sortir de la cabane. Alors qu’elles retournaient toutes les deux en direction des dortoirs, Émilie continuait de réfléchir à propos de Tom, n’étant plus sûre de rien elle demanda à sa copine :
    « Tu penses que Tom mérite une seconde chance ? »
    Camille qui s’était concentré sur ses pieds depuis qu’elle était sortie de la cabane, releva soudainement la tête et répondit tout en tournoyant une mèche de ses cheveux :
    « Je ne sais pas… Ce qu’il a fait me semble impardonnable, mais je n’ai aucune envie qu’on le condamne à mort… Je pense qu’il me faudra du temps… »
    Émilie était à peu près d’accord avec la façon de penser de sa chérie, elle espéra juste que Tom n’agirait pas stupidement.

    Durant le restant de la matinée, les deux filles étaient retournées dans les dortoirs, en passant Émilie observa Jonathan en haut de sa tour de surveillance, comme d’habitude, la jeune fille trouva cela dingue qu’il arrivait à agir comme s’il ne s’était rien passer la veille, mais elle se dit que c’était peut-être la meilleure chose à faire. Malheureusement, ce ne fut pas aussi simple qu’elle le pensait, les deux filles étaient assises l’une à côté de l’autre, observant en silence la partie de cartes des deux jeunes garçons sans réellement prêté d’attention au jeu. Émilie eut du mal à se dire qu’hier, à la même heure, elle et Camille étaient les plus heureuses possible, partageant un baiser alors qu’aujourd’hui, elles n’arrivaient même pas à parler entre elles. Elles étaient là, toutes les deux, dans une solitude et une mélancolie communes, comme si elles étaient assises chacune à côté du fantôme de l’autre. Émilie en avait marre de ce silence qui l’écrasait, elle décida de le briser et demanda avec assurance :
    « Camille ? »
    Sa copine se retourna vers elle, intriguée d’être appelé de manière aussi vive, les deux jeunes garçons s’étaient également tournés vers Émilie, surpris de son intervention. L’assurance de la jeune fille chuta d’un coup, elle ne savait pas quoi demander de plus et se sentait stupide, d’autant plus que les regards des autres continuaient de la fixer, cependant elle finit par suggérer à sa copine :
    « Tu veux bien me suivre par là ? J’ai besoin de te parler… »
    Camille hocha la tête bien qu’elle ne semblât pas convaincue, les deux garçons retournèrent à leur partie sans se poser plus de question, Émilie emmena Camille jusqu’au bout de la pièce, là où elle était sûre que les deux garçons ne les entendraient pas. Une fois arrivée, Émilie savait déjà ce qu’elle allait dire, mais elle avait peur de la réaction et même de la réponse de Camille, cependant elle se lança et indiqua en chuchotant timidement :
    « Je t’aime »
    Camille fut quelque peu surprise, mais elle répondit immédiatement avec enthousiasme :
    « Je t’aime aussi
    -Alors pourquoi j’ai l’impression qu’entre nous c’est…
    -Vide ? »
    Émilie hocha la tête, Camille avait trouvé le mot idéal, la jeune fille se dit que par chance sa copine ressentait la même chose qu’elle et qu’elles allaient pouvoir remédier à cette situation. Camille répondit hésitante :
    « Je ne sais pas, j’ai l’impression… J’aimerai que… »
    Émilie eut une envie folle qu’elle ne sut résister, sans prévenir elle serra Camille dans ses bras qui, bien que surprise, lui rendit son accolade. Cela lui fit un bien qu’elle n’aurait pas soupçonné, elle ressentit une bouffée de chaleur montée en elle, elle n’avait qu’une envie, c’était de rester là dans les bras de Camille, la tête posée sur son épaule. Elle chuchota alors à l’oreille de sa chérie avec un air coquin :
    « Je veux t’embrasser. »
    Camille lui répondit :
    « Moi aussi je veux t’embrasser, mais il y les garçons.
    -Il font pas attention à nous, ils n’ont même pas vu qu’on se serre dans nos bras »
    Camille tourna la tête vers les deux jeunes garçons qui, effectivement, étaient plongés dans leur jeu de cartes. Émilie se laissa écarter quelques mèches de son visage par Camille qui approcha ses lèvres des siennes et l’embrassa alors, c’était un baiser doux et tendre, deux sensations dont elle avait eu besoin sans le savoir, son corps semblait plus léger et elle ressentit une sensation plaisante dans le bas de son ventre qu’elle n’aurait su décrire. Lorsque le baiser fut arrêté, Émilie senti la main de Camille prendre la sienne, elle observa le visage rougissant de son aimée qui lui indiqua avec le sourire :
    « Je crois que c’est ce qui nous manquait. »

    Par la suite, discuter avec Camille se fit beaucoup plus simplement et naturellement et cela sans même parler de Tom. Elles avaient discuté plusieurs choses pour ensuite parler de Benoît et avaient fini par imaginer toute une scène du garçon nettoyant la cantine en râlant qui leur avait provoqué un fou rire. Ce dernier était rentré au dortoir au moment même où Émilie imitait quelqu’un passant le balai et elle s’était rassise aussitôt. Benoît intrigué par le rire aux larmes de Camille face à ce spectacle demanda quelque peu suspicieux :
    « De quoi vous parliez pour rire comme ça ?
    -On faisait un concours d’imitation d’animaux, je faisais un singe. »
    Le fou rire de Camille reprit de plus belle suite à la réponse d’Émilie, Benoit fut surpris d’une telle réaction mais annonça joyeusement :
    « Eh ben… Au moins vous avez retrouvé le sourire. Personnellement j’en pouvais plus du ménage, plus jamais je ne me fais avoir… »
    Camille ria de plus belle, Émilie qui ne pouvait s’empêcher de rire également indiqua à la jeune fille :
    « Allons calme-toi ! »
    Benoît semblait commencer à comprendre le véritable sujet de la plaisanterie, mais Émilie l’empêcha de demander quoi que ce soit en l’interrogeant avant :
    « On peut donc aller déjeuner ?
    -Oui, on peut y aller et s’il vous plaît ne salissez pas les tables !
    -Oh je t’assure, on fera attention. »
    Camille avait dit cela en riant, Benoît qui avait désormais compris parti avec une mine renfrognée.

    Par chance, Benoit ne fut pas rancunier longtemps et une fois à table, les trois amis purent discuter normalement. Comme Émilie s’y attendait la première chose que Benoit demanda concernait le service que leur avait demandé Christophe, elle n’avait pas très envie de répondre, cela l’avait mise de mauvaise humeur la première fois et elle n’avait pas envie d’y retomber. Ce fut Camille qui expliqua alors ce qui s’était passé et comment Tom avait réagi, lorsqu’elle termina son récit, Benoît déclara :
    « Alors, vous pensez que Tom ne sortira pas… »
    Émilie s’était contentée de manger en écoutant les deux autres, pour une fois que ce n’était pas à elle de raconter les choses, elle en avait profité. Cependant, elle finit par intervenir en indiquant d’un air surpris :
    « Visiblement on s’est trompé… »
    Elle fit un signe de la tête pour indiquer aux deux autres de regarder vers l’entrée, Tom venait de franchir la porte. Ce dernier alla se servir en soupe sans oser regarder vers les tables, cependant il fut forcé de le faire pour aller s’asseoir. Il prit une table du fond et commença à manger seul, Benoit arrêta de l’observer pour se tourner vers son bol et exprima son avis :
    « Il est peut-être sorti uniquement parce qu’il avait faim… »
    Émilie et Camille avaient continué d’observer le jeune homme, puis elles se regardèrent dans les yeux et avec de simples mouvements de tête, ce fut comme si elles avaient communiqué par la pensée. Émilie lui avait demandé :
    « Tu penses qu’on devrait le rejoindre ? »
    et Camille lui avait répondu :
    « Je pense que ça vaut mieux… »
    Cependant, Émilie n’eut pas le temps de prendre sa décision que Christophe entra dans la cantine d’un coup et hurla :
    « Tout le monde à l’abri vite ! »

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  • Chapitre XVI



    Émilie n’était pas sûre d’avoir compris ce qu’il venait de se passer, son esprit fut brouillé quelques secondes avant qu’elle ne comprenne l’information principale, elle devait fuir. La jeune fille attrapa la main de Camille et celle de Benoît, tous trois se dirigèrent vers la réserve pour s’y cacher. Malgré la panique soudaine, Émilie ne put se demander ce qui se passait pour devoir agir ainsi et elle redoutait le pire, surtout lorsqu’elle entendit Véronique crier :
    « Il est hors de question que tu restes là, tu vas te faire tuer !
    -Je ne sais pas ce qu’ils veulent et si je peux les dissuader de fouiller l’endroit et de vous tuer alors je le ferais peu importe ce qu’il m’en coûte. »
    Christophe prit une chaise afin de s’asseoir et resta là, calme au milieu de la pièce comme s’il attendait une visite singulière. Véronique voyant qu’elle n’arriverait pas à le convaincre rejoignit les plus jeunes dans la réserve et ferma la porte à clé, avant de se terrer dans un coin de la petite pièce. Il eût quelques secondes, lourdes, de silence avant que Camille pose la question que tout le monde sembla se poser :
    « Qu’est-ce qui se passe ? »
    Véronique qui s’était assis sur le sol entre-temps releva la tête vers la jeune fille et expliqua afin que tout le monde puisse l’entendre :
    « Des personnes armées s’approchent d’ici, une dizaine apparemment, on ignore qui ils sont et ce qu’ils veulent donc pour le moment on reste en sécurité et on fait preuve de silence. »
    Émilie, comme le reste du groupe, ne fut aucunement rassurée, elle remarqua que Jonathan n’était pas présent aussi bien dans cette pièce qu’auprès de Christophe. Elle se demanda alors si c’est lui qui avait donné l’alerte et ce qu’il pouvait bien faire en ce moment, peut-être était-il en haut de sa tour de surveillance à menacer les arrivants.  Elle aurait aimé partager la question avec ses amis, mais lorsqu’elle ouvrit la bouche, Véronique lui lança un regard aussi noir qu’inquiet et la jeune fille préféra garder le silence.
    Au bout de plusieurs longues dizaines de minutes, des voix se firent entendre à l’extérieur puis elles se turent pour laisser place à une seule voix, celle d’un homme, qui cria :
    « Nous demandons une audience avec les occupants de cet endroit, qu’ils sortent dans le calme et aucun mal ne leur sera fait, qu’ils continuent de se cacher et chaque personne trouvée sera abattue. Nous souhaitons simplement discuter afin de trouver des réponses. »
    Émilie n’avait aucune connaissance de la voix qu’elle venait d’entendre, mais elle se douta que c’était le chef du groupe qui venait de parler et se demanda s’il était sincère en disant vouloir ne faire aucun mal. Dans la cantine, les bruits de pas de Christophe se firent entendre à leur tour puis la porte indiquant qu’il venait de sortir, Émilie fut soulagée de ne pas entendre de coup de feu, ils n’avaient pas tiré sur Christophe et elle se dit qu’ils étaient peut-être sincères dans leur volonté de ne pas faire de victime. La jeune fille, comme le reste du groupe, écouta attentivement ce qui se passa au-dehors, elle entendu Christophe :
    « Je suis le chef de ce camp et je suis prêt à répondre à vos questions si c’est que vous voulez.
    -Ah…le chef ! Puis-je y mettre un nom ?
    -Je m’appelle Christophe. »
    Émilie ressentait de l’assurance dans la voix de Christophe, elle l’imagina seul face à une dizaine de personnes armées prêtes à lui tirer dessus, elle se dit que, jamais, elle n’aurait pu avoir un meilleur tuteur et chef que Christophe tellement elle était impressionnée par son courage. À l’inverse la voix de l’autre chef laissait ressortir de l’amusement comme s’il venait d’organiser une immense blague, cela se fit ressentir encore plus lorsque Émilie l’entendit répondre :
    « Eh bien, mon cher Christophe, moi je m’appelle Michael, ou Mick pour les intimes. Dis-moi mon cher Christophe, tu ne joues pas franc-jeu là, j’ai demandé à ce que tout le monde sorte, pas seulement le chef.
    -Je ne peux risquer la vie du reste du groupe.
    -Mais c’est ce que tu fais en les gardant caché… Aurais-tu peur que je ne tienne pas parole ? Oui, ça doit être cela, c’est vrai qu’à ta place, j’aurais sans doute eu la même réaction, on croise assez de fous comme cela pour faire confiance au premier venu, ce serait d’ailleurs comme signer son arrêt de mort mais… Je suis quelqu’un de sincère et pour te le prouver, je m’engage à laisser mon fusil posé à terre durant toute notre entrevue et je demande à mes hommes de garder les leurs à l’épaule. »
    Émilie avait cru entendre l’homme rire à plusieurs reprises, il semblait réellement s’amuser de la situation et à l’entendre parler pour lui tout cela était un jeu. Elle se demanda, quel genre de personne pouvait prendre une telle situation avec amusement et se dit que celle-ci n’avait sans doute pas toute sa tête. Du bruit se fit entendre, notamment la porte de la cantine puis quelqu’un s’approcha de la réserve et Émilie sut rapidement qu’il s’agissait de Christophe lorsqu’elle l’entendu demander :
    « Ouvre la porte Véro. »
    La jeune femme sembla hésiter quelques secondes puis finit par ouvrir la porte à Christophe, ce dernier était seul au grand soulagement de tous. Il indiqua alors :
    « Je vais vous sortir, j’espère que je ne vais pas regretter cette décision, pour le moment il semble ne pas vouloir nous tuer, mais qui sait ce qu’il fera lorsqu’il aura les réponses qu’il désire. Vous ne dites rien, vous me laissez parler sauf s’il vous demande de répondre, mais dans ce cas réfléchissez bien avant de répondre. On est d’accord ? »
    Tout le monde acquiesça, Émilie redoutait la suite des événements, elle espéra de tout cœur que l’homme tiendrait parole et qu’il n’y aurait aucune victime. Christophe leur indiqua alors :
    « Bien, suivez-moi dans le calme et restez derrière moi, j’espère que l’on gagnera assez de temps… »
    Émilie remarqua qu’il avait prononcé sa dernière pensée à voix haute et ne put s’empêcher de demander pour qu’elle raison Christophe espéra gagné du temps, elle se demandât si cela avait un rapport avec le fait que Jonathan ne s’était toujours pas manifesté.

    Ils sortirent un à un de la cantine, lorsque ce fut Émilie, elle put enfin mettre un visage sur l’homme qu’elle entendait depuis le début. C’était un jeune homme, sans doute un peu au-dessus de la vingtaine, rasé de près, mais avec de longs cheveux blonds dressés en arrière qui descendaient jusqu’au bas de sa nuque, un large sourire, qui semblait plus effrayant que rassurant, se dessinait sur ses lèvres. Émilie remarqua ensuite la tenue hors du commun que portait l’homme qui avait par ailleurs un corps fort mince bien qu’il semblât en parfaite santé. Le dénommé Michael était en effet vêtu d’une longue chemise à pois colorés, tels que des pois bleu ciel, roses ou jaunes, ainsi qu’un jean d’un rose très pale, presque blanc, qui descendait jusqu’au chaussure rouge de l’homme. Émilie du se retenir de rire face à une tenue aussi particulière et lorsqu’elle vit les hommes et femmes de mains qui l’avaient accompagné, vêtus quant à eux comme des soldats, son envie de rire disparut aussitôt. Le chef demanda alors, toujours d’une voix enjouée :
    « Bien, bonjour tout le monde, bonjour les enfants, ne vous inquiétez pas, on va tenter de faire ça rapidement afin que chacun puisse être tranquille au plus vite. »
    L’homme marchait rapidement en parlant et bouger sans cesse ces bras, Émilie avait l’impression qu’il se donnait en spectacle et elle se dit que si sa vie n’était pas en danger en ce moment même, elle aurait sans doute trouvé cela très drôle. L’homme s’approcha de Christophe et lui chuchota assez fort afin que tout le monde l’entendre :
    « Serait-il possible que vous vous mettiez en ligne, cela facilitera les choses »
    Christophe s’apprêter à prendre la parole mais vu que tout le monde avait entendu, chacun agit afin de se retrouver en ligne comme l’avait souhaité le chef de l’autre bande. Émilie se sentit encore moins rassurée, ayant l’impression d’être mise contre un mur afin qu’on lui tire dessus, bien que les hommes en face d’elle aient leur fusil à l’épaule. À droite Camille semblait faire de grands efforts afin de garder son calme, Émilie vit sur sa copine que celle-ci était prête à s’enfuir en courant et à hurler à tout instant. À sa gauche, Benoît paraissait plus calme, mais elle remarqua qu’il bougeait frénétiquement ses doigts tout en bougeant les yeux à droite et à gauche comme s’il cherchait quelque chose. Lorsqu’il se rendit compte qu’Émilie l’observait, il fit un bref mouvement de tête, soit pour lui demander d’arrêter soit pour l’inviter à l’imiter.  Émilie décida d’observer les alentours et compris alors que Benoît devait chercher Jonathan, sa tour de surveillance était vide, mais il n’y avait aucune trace de lui, la jeune fille se demanda alors si ce dernier ne s’était pas caché quelque part ou enfui, elle pensa que même s’il avait réussi à se cacher à temps ou à s’enfuir, il avait peu de chances de les aider en étant tout seul. Elle s’arrêta de réfléchir lorsque Michael reprit la parole :
    « Bon, alors si vous êtes réunis ici, ou plutôt si je vous fais réunir ici, c’est parce que j’ai besoin d’information. Un de nos jeunes garçons, David, des cheveux bruns, à peu près la dizaine d’années, a disparu depuis la nuit dernière or on sait que ce dernier venait vous voler des légumes, ce qui est mal, je suis complètement d’accord, mais c’était pour nourrir son petit frère donc on va passer l’éponge, n’est-ce pas ? Ce que j’aimerais savoir c’est si vous avez vu ce jeune garçon et ce qu’il est devenu… »
    L’homme avait repris un ton plus sérieux lors de sa dernière phrase, Émilie réalisa avec horreur qu’il devait sans aucun doute parler du jeune garçon que Tom avait tué la veille. Elle se força à ne pas le regarder, en revanche elle vit que Christophe baissa légèrement le regard et jugea que comme elle, il avait compris. Émilie redouta ce que Christophe s’apprêtait à répondre, mais elle soupçonna que quoi qu’il réponde, cela ne donnerait rien de bon par la suite. Christophe releva le regard et indiqua tout en gardant son assurance au maximum :
    « Oui, effectivement nous l’avons surpris à nous voler
    -D’accord, je suppose que vous l’avez arrêté donc et qu’il est sans doute emprisonné quelque part… »
    Émilie ne put s’empêcher de fermer les yeux lorsqu’elle entendit Christophe rétorquer :
    « Non… il… a été tué. »
    Un long silence, durant lequel seul le vent se fit entendre, suivit la réponse de Christophe. Émilie en était désormais sûre, cela allait très mal se finir, pourtant lorsqu’elle observa Michael dont le sourire s’était effacé, ce n’était pas de la colère ou de la haine qui se faisait ressentir, mais de la peine. À l’inverse, la plupart de ses soldats semblaient contenir leur rage et leur envie de tirer, certains parmi eux avaient même un rire satisfait comme si la réponse était celle qu’ils avaient souhaitée. Michael se tenait la tête d’une main tout en fermant les yeux lorsqu’il annonça d’un air désespéré :
    « Non, non, non, non. Non… Je vous observais, votre petite bande dans ce petit camp tranquillement, vous faisiez votre vie, vous ne demandiez rien à personne, l’air insouciant. Vous étiez mignon comme ça, vous aviez l’air… différent.  Mais vous avez merdé ! Vous avez merdé ! T’AS MERDÉ CHRISTOPHE ! »
    L’homme avait laissé tomber son calme et s’était mis à hurler de manière aussi soudaine qu’inattendue, tout en s’approchant de Christophe et le pointant du doigt, ce dernier n’avait ni sursauter ni reculer. L’homme se mit à marcher frénétiquement d’avant en arrière, les mains dans le dos puis il souffla un grand coup et reprit d’un ton plus calme :
    « Excuse-moi, je m’emporte et je t’accuse alors que tu n’es peut-être même pas responsable. J’aimerais que celui d’entre vous qui a tué notre jeune David ait le courage de s’avancer et de se dénoncer. »
    La demande de Michael semblait avoir suscité de la frayeur chez tout le monde et Émilie ressentait la même peur, coincée dans sa gorge. À côté d’elle, Camille versait quelques larmes d’angoisse, tandis que Benoît baissait les yeux vers le sol comme s’il ne voulait pas assister à tout cela. Émilie, elle-même, ne sut quoi faire, elle n’avait qu’une envie, c’était de partir et d’échapper à tout cela, elle ne l’avait pas remarqué jusqu’à présent, mais derrière Michael, quelques-uns de ses hommes avait repris leurs fusils en main. Elle se douta de la raison pour laquelle ils s’étaient de nouveau armés et ses craintes furent confirmées lorsque Michael annonça :
    « Si personne ne se désigne alors vous serez tous abattus »
    Cette fois-ci se furent des cris et des râles qui se firent entendre, Maxime, qui se tenait aux côtés de Véronique, s’était mis à pleurer tout comme Daniel et Camille. Benoît et Christophe s’étaient offusqués tandis que Tom gardait un silence solennel. Émilie avait, quant à elle, reculé sans s’en rendre compte immédiatement, elle avait également le poing serré, se forçant de plus en plus à ne pas prendre la fuite dans une tentative désespérée. Christophe, à l’inverse d’Émilie, s’était avancé et hurla de rage :
    « Vous aviez dit qu’il n’y aurait aucune victime !
    -C’est ce que j’ai dit oui ! Mais j’espérais que vous auriez agi différemment que le reste de ce monde pourri jusqu’à l’os, que vous auriez eu la bonté de pardonner à cet enfant plutôt que de le tuer sauvagement !
    -Et vous alors, elle est où votre bonté de pardonner ? »
    Les hommes de Michael avaient levé leurs fusils lorsque Christophe s’était approché violemment de leur chef, mais ce dernier avait rapidement levé la main pour leur interdire de tirer. L’homme reprit un ton plus calme bien qu’assez sarcastique :
    « Mais je ne suis pas un monstre, Christophe, voilà ce que je propose, si le coupable se désigne alors seul lui sera abattu, les autres auront la vie sauve et n’entendront plus parler de nous par la suite. Ainsi, Justice sera faîte.  Qu’en penses-tu, c’est acceptable non ? »
    Une nouvelle fois, l’homme avait terminé sa phrase avec un petit rire narquois. Émilie se retint de regarder dans la direction de Tom, elle ferma les yeux, priant pour que cela s’arrête au plus vite.  Elle finit par entendre quelqu’un annonçait :
    « C’est moi. »
    Immédiatement elle avait ouvert les yeux lorsqu’elle avait reconnu la voix de Christophe, il s’était encore avancé d’un pas et continua sa déclaration :
    « C’est moi qui l’ai tué, je suis coupable, vous pouvez me tuer si vous voulez, mais je vous demanderais de le faire en dehors de la vue des enfants.
    -Non ! »
    Émilie, Benoît, Camille et Véronique avaient crié ensemble suite au sacrifice que s’apprêtait à faire Christophe, cependant ce dernier sembla ne pas tenir compte. Michael s’adressa aux enfants avec une voix qui se voulait douce :
    « Les enfants, retournez vous s’il-vous plaît, ça ne sera pas beau à voir. »
    Émilie ne put y croire, elle refusait de voir Christophe mourir d’une manière aussi atroce et injuste, elle espéra que quelqu’un ou quelque chose empêche cela, elle supplia que Jonathan puisse intervenir pour empêcher cela. D’un coup elle entendit quelqu’un crier :
    « Attendez ! »
    Elle ouvrit les yeux et découvrit que ce fut Tom qui avait crié tout en s’avançant. Elle espéra qu’il ne s’apprêtait pas à faire ce qu’elle pensait bien qu’elle savait que Tom avait des remords, mais pour elle, ce n’était pas une façon qu’il avait de se faire pardonner. Malheureusement, les soupçons d’Émilie furent confirmés lorsqu’elle entendit Tom annoncer :
    « C’est moi qui ai tué le jeune garçon, Christophe se désigne pour me protéger, mais c’est moi le vrai coupable, c’est moi qu’il faut tuer.
    -Tom, non je…
    -Stop ! »
    Christophe, qui avait voulu écarter Tom, s’était fait interrompre par Michael qui observa les deux hommes qui s’étaient avancés face à lui. Il indiqua, toujours avec son sourire sadique et sa voix amusée :
    « Les mecs… je n’aie pas que ça à faire de chercher à savoir qui dit vrai ou faux… Mais puisque c’est comme ça … »
    Il se retourna d’un coup et ordonna à ses hommes :
    « Abattez les deux »
    Le bruit sourd des tirs de fusil se mélangea avec les cris désespérés du groupe, Émilie qui n’entendait plus rien en dehors d’un lourd sifflement dans ses oreilles observa les corps de Christophe et de Tom qui gisait à terre dans une mare de sang. Tout comme les autres, elle s’approcha du cadavre de Christophe dont la tête semblait horriblement abîmer. Lui qui avait survécu à la trahison, lui qu’il l’avait recueilli, conseiller et aidé à chaque fois qu’Émilie en avait besoin, lui qu’elle avait considéré comme un membre de sa famille, il ne serait plus jamais là. Les larmes coulèrent d’elles-mêmes sur le visage d’Émilie, elle espérait de tout son cœur que tout ceci était faux bien qu’elle sût que c’était malheureusement vrai. Elle retrouva petit à petit l’ouïe et finit par entendre l’homme qui venait d’abattre ses amis, rire comme si on venait de lui raconter une bonne blague. La peine qu’elle venait d’emmagasiner se transforma en colère puis en haine, elle désira plus que tout blesser cet homme, lui faire du mal, le faire souffrir, hurler, crier, pleurer de douleur autant qu’elle le pourrait. Prise d’une rage aussi soudaine qu’inconsciente, elle se dirigea vers l’homme qui continuait de rire. La jeune fille sentit qu’on lui attrapa le bras, elle se retourna pour voir qu’il s’agissait de Camille qui sembla la supplier de ne rien faire bien qu’aucun son ne sortit de sa bouche. Émilie s’énerva et râla :
    « Lâches-moi ! »
    Émilie fut énervée contre Camille, elle ne comprenait pas qu’il fallait arrêter cet homme infect qui riait du meurtre des deux personnes qu’il venait de commettre. Ce dernier continuait à rire, mais d’une autre façon, Émilie l’entendit annonçait joyeusement :
    « Regardez là ! Elle veut se venger, comme c’est touchant. Je me demande ce qu’elle risque de me faire, oserait-elle me frapper ? Oh non… »
    Il ria de plus belle tout comme ses hommes qui rirent aussi, Émilie chercha à saisir son poignard qu’elle avait caché dans sa ceinture, mais elle ne le trouva pas, en se retournant de nouveau elle vit que c’est Benoît qui le lui avait pris avant de le jeter au sol, il s’approcha enfin d’Émilie afin de la retenir à son tour. Émilie était furieuse contre ses deux amis, l’homme sembla rire de plus belle en la voyant se débattre pour se libérer. Il s’arrêta de rire puis annonça aux autres :
    « Ils m’ont bien fait rire ceux-là, je vais les laisser vivre du coup, allez les gars on rent… »
    Un tir sortant de nulle part avait fait taire Michael qui tomba au sol, visiblement touché au niveau du ventre. De nombreux autres tirs se firent entendre et les hommes armés se mirent à l’abri ripostant désespérément. Émilie, qui avait cessé de se débattre au bruit du tir, se demanda qui était venu attaquer le camp, elle espéra qu’ils étaient là dans le but de les défendre et non de purement attaquer l’endroit. Émilie senti que Camille et Benoît l’avait relâché, ces derniers coururent vers la cantine pour se réfugier, Véronique gisait désormais à terre au-dessus du corps de Christophe. Émilie s’apprêtait à suivre ses amis lorsqu’elle entendit Michael marmonner derrière elle. Elle se retourna pour voir que l’homme infect était encore en vie, bien qu’il gisait au sol en perdant beaucoup de sang.  Sans réfléchir, Émilie prit son poignard qui trainait à terre et s’approcha de l’homme qui agonisait de douleur, lorsque ce dernier l’aperçut, il murmura toujours avec son sourire malsain :
    « Ah… la jeune fille rigolote, tu vas me tuer pour te venger ? C’est gentil d’abréger mes souffrances, à moins que tu ne préfères me voir souffrir ? »
    Émilie observa l’homme, qui continuer de légèrement rire, elle ressentait de la haine, du dégoût et de l’horreur pour cet homme horrible qui était allongé à ses pieds en train de mourir. Elle avait posé son pied sur sa blessure et s’apprêta à appuyer dessus afin de le faire souffrir lorsqu’elle entendit crier derrière elle :
    « Émilie ! »
    La jeune fille se retourna pour voir qu’il s’agissait de Camille qui gardait la porte de la cantine entrouverte pour elle. Émilie savait que sa copine n’accepterait pas qu’elle agisse comme cela en faisant souffrir un homme mourant et lorsqu’elle ses yeux se posèrent sur le cadavre de son ami, elle sut que Christophe n’aurait pas voulu qu’elle agisse ainsi non plus. Émilie se retourna vers l’homme qui continuait d’agoniser. Elle retira son pied, ferma les yeux quelques secondes et souffla un grand coup avant de planter son poignard dans le cœur de l’homme qui poussa un grand cri avant de mourir. Elle resta là, quelques secondes, à observer le visage de l’homme qu’elle venait de tuer, son sourire sadique était encore présent comme s’il s’était efforcé de le garder. La jeune fille reprit alors conscience des tirs qui fusaient un peu partout et couru rejoindre Camille dans la cantine.

    À peine fut elle rentrer que Camille la serra passionnément dans ses bras tandis que ses larmes continuaient de couler. Émilie lui rendit la chose sans briser son silence, la jeune fille fut surprise, agréablement, lorsque Camille l’embrassa. Bien qu’elle ne le sût pas auparavant, Émilie se rendit compte que ce baiser était ce qu’elle avait désiré le plus au monde en cet instant, peu importe les regards qui se tournaient vers elle. Elle serra un peu plus Camille contre elle, profitant pleinement de sa présence sur cette terre. Elle ignora combien de temps dura le baiser mais suffisamment longtemps pour qu’elle oubliât, durant plusieurs secondes, qu’à l’extérieur se livrer une bataille mortelle. Lorsqu’elle arrêta son baiser, Émilie jeta un discret coup d’œil aux alentours, seul Benoît les observait, elle et Camille, tandis que les deux jeunes garçons pleuraient dans un coin. Camille prit la main d’Émilie et l’emmena jusqu’à une table, Benoît les rejoignit et tous trois restèrent assis, dans un silence funéraire. Émilie ignora durant combien de temps le son des tirs dura, quelques secondes, plusieurs minutes ou une heure entière, elle espérait juste qu’une fois le silence revenu cela signerait la fin de la tuerie. Le silence finit par tomber, lorsque Émilie le remarqua, elle observa la porte, certaine que si quelqu’un avait survécu, il finirait par entrer dans la cantine. Benoît et Camille avaient eu la même réaction que la sienne, des bruits de pas s’approchèrent du bâtiment désormais. Un homme entra blessé au bras, Émilie reconnu l’un des hommes qui était à la solde de Michael, ce dernier tentait difficilement de refermer la porte. Lorsqu’il entendit des bruits de pas, il se retourna alors pour s’apercevoir avec surprise que l’endroit n’était pas vide et qu’Émilie s’approchait de lui, son poignard à la main. Il paniqua et leva son fusil d’une seule main de manière laborieuse avant de bégayer de manière paniquée :
    « Vous… Vous ! N’approchez pas, sinon je… je tire ! »
    Émilie s’arrêta, mais ne recula pas pour autant, l’homme se tenait contre la porte entrouverte pour tenter de garder l’équilibre, elle demanda d’un ton sévère :
    « Qui vous a attaqué ? »
    L’homme continuait de trembler, il semblait prêt à s’évanouir, Émilie lui demanda de nouveau en criant cette fois-ci :
    « Qui vous a attaqué ? »
    L’homme sembla vouloir répondre, mais un tir de fusil l’acheva, Émilie aperçut alors qu’un autre homme s’approchait de la cantine. Elle lâcha son poignard au sol et couru vers l’homme afin de pouvoir le serrer dans les bras. Lorsqu’il s’en aperçut, Steve lâcha son arme pour prendre Émilie dans ses bras tout en essayant de la rassurer malgré ses larmes :
    « C’est fini maintenant… »

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  • Chapitre XVII


      Cela faisait depuis de longues minutes que la camionnette roulait à travers la ville dévastée, les nombreux débris et carcasses de véhicule présent sur la route ne facilitaient pas la circulation, de plus le chauffeur roulait le plus lentement possible afin de limiter le bruit du moteur. Émilie était restée assise, muette, sur l’un des bancs de fortune qui avaient été mis en place à l’arrière du véhicule. Ses pensées ne cessaient de fuser de part et d’autre, la jeune fille se laissa faire n’arrivant pas à réfléchir. La seule fois où elle avait agi durant le trajet se fut pour saisir la main de Camille, les deux filles avaient ensuite échangé un baiser sous les regards surpris de Benoît et Steve qui leur faisaient face mais les deux hommes s’étaient abstenus de commenter la scène. Désormais Camille avait sa tête posée contre l’épaule d’Émilie tout en regardant dans le vide, telle une statue animée dont on aurait retiré les piles. Daniel et Maxime étaient l’un à côté de l’autre, derrière Camille et avaient fini par s’endormir tous les deux. Une dernière personne se trouvait dans le coin de la camionnette, assise de manière à pouvoir tourner le dos au reste du groupe, il s’agissait de Mehdi. Steve avait expliqué à Émilie et aux autres que se fut Jonathan qui était venu les prévenir dès qu’il avait aperçu la bande de Michael descendre la colline. Depuis qu’il avait appris la mort de Christophe, Jonathan avait disparu, il avait indiqué qu’il devait s’occuper de quelque chose et n’avait pas souhaité rejoindre le groupe à l’intérieur de la camionnette, il avait fait promettre à Benoît de prendre soin de Maxime tout en lui garantissant son retour prochain. Émilie observa son poignard poser sur le banc à côté d’elle, elle songea au fait d’avoir épargné Michael malgré ce qu’avait fait ce dernier, bien qu’elle jugeât avoir pris la bonne décision, elle ne pouvait s’empêcher de douter, mais elle finit par se dire que c’est ce que Christophe aurait voulu.

    Le trajet dura encore un long moment, Émilie avait fini par s’endormir contre l’épaule de Camille avant d’être réveillée par Steve qui lui indiqua d’une voix inquiète :
    « Émilie… on est arrivé, tu vas pouvoir descendre. »
    La jeune fille se réveilla en s’étirant, ses pensées mirent du temps à redevenir claire avant qu’elle ne se demandât ce qui pouvait bien l’attendre à l’extérieur. Avant qu’elle et Camille ne puissent descendre, Steve les retenu et leur conseilla dans un chuchotement :
    « Écoutez les filles, j’ignore ce qu’était ce baiser que vous avez échangé tout à l’heure mais…
    -On… sort ensemble »
    Émilie avait décidé d’être honnête envers Steve bien qu’elle redoutât sa réaction, s’apercevant de la crainte de sa cousine, Steve lui répondit avec le sourire :
    « Oh… eh ben, je suis très heureux pour vous, personnellement ça ne me gêne pas, mais pour votre sécurité, il vaudrait mieux que ça ne se sache pas ici.
    -Ici, pourquoi où sommes-nous ? »
    Émilie se rendit soudainement compte qu’elle n’avait pas songé à demander à Steve où ce dernier les emmenait, lorsqu’elle observa les lieux à l’extérieur de la cabine, un sentiment de peur, de dégoût et de haine se fit sentir dans son corps, elle se trouvait dans un camp de Résistant qui avait été installé dans un grand corps de ferme. Elle s’énerva et demanda à Steve :
    « Pourquoi nous as-tu amené ici ?
    -Pour que vous soyez en sécurité, qui sait si d’autre groupes de Survivaliste ne vont pas chercher à vous retrouver maintenant.
    -T’avais pas d’autre endroit pour ça ?
    -Malheureusement, non. C’est le meilleur endroit pour ça. Je sais que ça ne va pas être joyeux, mais en quoi ça t’embête autant d’être dans un camp pour quelques jours ? »
    Émilie préféra ne pas répondre bien que l’idée de rester ici quelques jours lui soit insupportable. Voyant qu’il n’obtiendrait aucune réponse, Steve descendit de la camionnette, Camilla observa Émilie et lui demanda inquiète :
    « Ça va aller mon cœur ?
    -Dès que je peux partir d’ici, je le fais. »
    Camille sembla approuver ses dires, ce qui soulagea un peu Émilie qui, malgré son envie, suivit sa copine à l’extérieur de la camionnette après avoir réussi à dissimuler son poignard dans sa poche arrière.

    À peine fut elle descendu du véhicule qu’Émilie aperçut un homme qui arrivait vers eux de manière rapide tout en hurlant :
    « J’espère que vous avez une bonne explication à tout cela ! »
    Émilie observa plus en détail l’homme qui criait dans leur direction, il semblait avoir la quarantaine voir plus, sous son képi se dévoiler un crâne dégarni tandis qu’une fine moustache brune ornée ses lèvres, ses vêtements, quant à eux, semblaient indiqués qu’il était le chef du camp. Émilie eut son jugement confirmé lorsqu’elle vit se redresser Steve, Mehdi ainsi qu’un troisième homme qu’elle n’avait pas vu jusque-là. Aux alentours, les autres soldats avaient également arrêté leurs activités pour se mettre au garde-à-vous, Émilie se força de ne pas rire bien qu’elle trouvât le comportement de ces hommes ridicule. Le chef hurla de nouveau :
    « Repos ! Maintenant, j’aimerais savoir de quel droit vous emmenez mes hommes et l’un de mes véhicules sans mon autorisation, soldat. »
    Steve semblait retenir sa colère, il répondit néanmoins d’un ton qui se voulait calme et poli :
    « Lieutenant, comme je vous l’ai indiqué, nous avons eu des informations signalant une attaque sur le camp qui s’occupait de la réserve de nourriture de…
    -Exact, souvenez-vous de ce que je vous ai dit suite à cela ? »
    Émilie observa son cousin, ce dernier serrait son poing si fort que son bras en tremblait, ses yeux semblaient humides sous l’effet de la colère néanmoins Steve resta calme bien qu’une certaine amertume se laissât entendre lorsqu’il rétorqua :
    « Que cela n’était pas une raison valable de courir un risque, Lieutenant. »
    L’homme eut un sourire satisfait presque sadique, Émilie fut scandalisée de savoir que cet homme aurait préféré ne pas agir et laisser des innocents mourir pour son propre bénéfice. L’homme finit par répondre d’une manière plus douce cette fois-ci mais plus inquiétante :
    « Et, pourtant, vous avez décidé d’agir soldat et de me désobéir, j’imagine que vous avez une excellente raison à cela… »
    Ce fut Mehdi qui prit la parole, visiblement tout aussi haineux que Steve :
    « Les zones vertes sont une ressource capitale pour le refuge et notre camp, lieutenant, il fallait agir. »
    Le lieutenant sembla fortement agacé de voir que Mehdi prenait la défense de son collègue, il se tourna vers lui et répliqua sèchement à ce dernier :
    « Je ne vous ai pas demandé votre avis le Blackos, de plus je ne crois pas que ce soit à mes soldats de prendre les décisions ici. »
    Mehdi préféra ne pas répondre, le lieutenant observa alors Émilie, il sembla l’analyser du regard, elle lui rendit un regard aussi mauvais qu’elle le pouvait. L’homme se redressa alors vers Steve et lui demanda :
    « Dites-moi, soldat, voyez-vous un panneau « refuge » à l’avant de ce camp ? »
    Steve avait une respiration et un souffle lourd, Émilie ne pouvait que le comprendre, ce dernier finit par déclarer :
    « Notre but est de protéger les innocents, c’est pourquoi je les ai amenés ici, Lieutenant.
    -Votre but, soldat, est d’obéir aux ordres et de gagner une guerre pas de faire dans le sentimentalisme. À moins qu’il ne faille que je révoque certaines de mes décisions… »
    Émilie ne comprit pas ce que voulait dire l’homme, mais cela avait jeté un froid à Steve qui n’osa pas répondre. Le lieutenant qui semblait satisfait ordonna à Steve et Mehdi :
    «Suivez-moi à mon bureau, soldats, nous allons discuter de ce qu’il convient de faire. Quant à vous reprenez vos tâches. »
    Le troisième homme s’en alla tandis que Steve et Mehdi suivirent leur chef, un des soldats interpella alors le lieutenant en lui demandant :
    « Que faisons-nous des civils lieutenants ? »
    De nouveau, le chef observa Émilie avec un léger sourire sadique
    -Puisqu’ils sont là, autant qu’ils se rendent utiles, faîtes les travaillez. »
    Émilie ne put se retenir de rétorquer :
    « Si vous le désirez, nous pouvons partir. »
    L’homme fut surpris de voir qu’on lui répond ainsi, mais il ajouta avec son sourire mauvais :
    « Oh non mademoiselle, votre beau-frère à raison, pour votre sécurité il vaut mieux que vous restiez ici, il vous est interdit de sortir. »
    Émilie fut stupéfaite de voir que le lieutenant savait qu’elle et Steve étaient de la même famille, elle ne sut pourquoi mais elle trouva que cela n’était pas une bonne nouvelle. Elle jeta un regard à Steve qui semblait inquiet et désolé, celui-ci finit par se retourner tandis qu’Émilie fut invitée à suivre l’un des soldats.

    Émilie et Camille avaient dû nettoyer le sol d’un dortoir à l’aide de vieux torchons troués ce qui n’avait pas facilité leur tâche, dès qu’elles n’étaient plus surveillées par le soldat qui les avait accompagnées, les deux filles en profitaient pour discuter entre elles. Camille, qui revenait d’avoir été rincée son torchon, chuchota à destination de sa copine :
    « Bon ok, dès qu’on le peut, on s’en va d’ici ! »
    Émilie fut agréablement surprise, cela faisait depuis les deux heures qu’elles étaient ici qu’Émilie tentait de convaincre sa chérie qu’il fallait s’enfuir de cet endroit, cette dernière avait réfuté l’idée jusqu’à maintenant. Émilie observa derrière elle pour s’assurer que le soldat n’était plus là avant d’indiquer :
    « De toute façon, je pense qu’ils vont nous jeter dehors après, ça serait étonnant qu’il nous garde juste pour faire le ménage, mais si c’est le cas, oui, il faudra que l’on se débrouille pour partir. »
    Une dizaine de minutes après cela, le soldat revint, il ordonna de manière stricte :
    « Arrêtez ce que vous faîtes et suivez-moi à l’extérieur ! »
    Émilie ne savait pas si elle était heureuse d’arrêter le nettoyage ou si elle était inquiète de ce qui allait se passer une fois dehors, mais elle préféra ne pas attirer la colère sur elle et se releva afin de sortir de la pièce, Camille la suivant de près.

    Une fois au-dehors, elle observa l’étrange scène qui continuait de lui paraître grotesque, tous les soldats étaient debout, bien droits, en une rangée parfaite tandis que le lieutenant faisait des allers-retours devant eux de manière impatiente. Émilie observa de plus près son cousin qui était au milieu du rang, bien qu’il se tînt aussi droit que les autres ses yeux observaient le sol avec une intense rage. Sans qu’elle sache exactement pourquoi, Émilie sut à travers ce comportement que ce qui allait se passer ne lui plairait pas. Benoît, Maxime et Daniel se trouvaient également dans le rang bien qu’ils ne sussent ce qu’ils faisaient là, les deux filles furent invitées à les rejoindre. Une fois que ce fut fait, le lieutenant se tourna vers ses hommes et annonça d’une voix forte :
    « J’ai bien réfléchi à l’attaque qu’a subie le camp de nos invités et il est hors de question que cela reste sans retour ! »
    Émilie ne comprise pas la réaction du lieutenant, plus tôt dans la journée, il semblait ne pas se soucier du sort qu’avait subi le camp alors que désormais il semblait prêt à contre-attaquer, la jeune fille redoubla de méfiance. Le lieutenant continua son discours de manière assuré :
    « C’est pourquoi j’ai pris l’initiative d’envoyer nos nouveaux venus en mission d’infiltration dans un camp de Survivaliste.
    -QUOI ! »
    Émilie et ses amis avaient répondu à l’unisson sous la surprise, la jeune fille observa la réaction du lieutenant, son sourire mauvais laissait apparaître sa satisfaction suite à cette réaction tandis que Steve serrait de nouveau le poing. Émilie savait qu’agir ainsi, c’était les condamnés à mort, mais visiblement le lieutenant ne semblait ne pas se soucier de cela. Il reprit de plus belle :
    « Nous allons vous préparer pour cette expédition, vous partirez à l’aube demain matin. C’est un honneur pour vous de servir notre cause, soyez-en certains. Messieurs, que l’on prépare…
    -Et si nous refusons de participer à votre mission ? Nous ne faisons pas partis de vos soldats, nous sommes en droit de refuser ! »
    Benoît s’était avancé tout en protestant la décision du lieutenant, cela avait suscité plusieurs réactions de surprise chez les soldats qui se trouvaient non loin de lui, visiblement il n’était pas habituel de discuter les ordres que donner le lieutenant. Ce dernier s’avança en direction de Benoît bien que son regard se fût tourné vers Émilie, il semblait d’ailleurs contrarié que ce ne soit pas elle qui avait répondu, néanmoins il garda un ton calme lorsqu’il indiqua :
    « Vous avez tout à fait raison jeune homme, vous ne faites pas partis de mes soldats et vous êtes présent ici sans mon autorisation, par conséquent, il serait tout à fait dans mes droits de vous considérer comme un intrus de vous faire abattre tout de suite. Si c’est la solution que vous préférez, libre à vous de la choisir. »
    Benoît ne répondit pas et se contenta de lancer un regard noir au lieutenant, l’homme recula tout en jetant un regard à Steve, il indiqua d’un coup :
    « Je vous accompagnerai jusqu’à destination afin de m’assurer que votre trajet se passe sans encombre. Messieurs, je compte sur vous pour leur trouver un endroit où dormir, repos ! »
    Émilie se doutait que si le lieutenant souhaité les accompagner, c’était surtout pour s’assurer qu’elle et ses amis n’en profiteraient pas pour s’en aller, elle observa l’homme qui s’en allait jusqu’à son office, la jeune fille ne se serait jamais cru capable de haïr autant quelqu’un en si peu de temps. Elle s’approcha de Steve, il l’observa et murmura tristement :
    « Je suis désolé. »
    Émilie aurait voulu lui parler plus que cela, lui dire qu’elle ne lui en voulait pas, mais il s’en alla rapidement comme s’il cherche à l’éviter. Elle retrouva alors Camille et Benoît et les deux jeunes garçons qui étaient partis dans un coin tranquille afin de discuter entre eux, lorsqu’elle arriva près d’eux, ils se retournèrent vers elle et Camille lui demanda :
    « Qu’allons-nous faire ? »
    Émilie essaya de réfléchir, mais trop de questions se bousculaient dans sa tête et aucune idée ne lui vint, elle répondit sobrement :
    « On ne peut que prier… »

    La nuit fut difficile, ils avaient été emmenés dans une vieille réserve de foin et on leur avait de vieilles couettes crasseuses pour dormir. Malgré l’odeur infecte et l’inconfort que procuraient leurs lits de fortune, ce qui empêchait principalement Émilie de s’endormir était la peur. Elle tentait désespérément de trouver un moyen de se sortir de là, elle avait songé à s’enfuir, mais les lumières extérieures indiquaient que l’endroit était bien gardé, de plus elle n’osait imaginer les ennuis que cela causerait à son cousin. S’enfuir durant l’expédition était tout aussi risqué, Émilie n’avait aucun doute sur le fait que le lieutenant n’hésiterait pas à lui tirer dessus si elle tentait de partir durant le trajet. Son seul espoir, bien que très faible, était qu’une fois arrivé au camp des Survivalistes, la ruse marche et qu’elle et ses amis soient intégrés parmi les membres du clan, à ce moment peut-être aurait-elle plus de chance de s’enfuir. Tandis qu’elle réfléchissait, elle observa les autres, les deux plus jeunes garçons s’étaient endormis, Benoit lui tournaient le dos, mais au bruit de sa respiration Émilie devina qu’il était encore réveillé, quant à Camille, elle observait le plafond, ses yeux humides révélant qu’elle avait pleuré peu de temps auparavant. Émilie lui attrapa la main, Camille tourna sa tête vers elle, Émilie du se retenir de pleurer à son tour, les deux filles se rapprochèrent pour se serrer l’une l’autre dans les bras. Émilie finit par s’endormir dans les bras de sa bien-aimée, cela rendit la nuit plus douce qu’elle ne l’aurait envisagé bien qu’elle avait peur qu’il ne s’agisse de la dernière.

    Le lendemain matin, le groupe fut réveillé de bonne heure, le ciel était encore sombre et il faisait extrêmement froid, le sol était gelé et l’air fraichement humide. À peine furent-ils sortis de la réserve que le lieutenant s’approcha d’eux tout en leur indiquant de manière assurée :
    « J’espère que vous êtes en forme, une longue marche nous attend, vous serez escorté de quatre hommes ainsi que moi-même. Je tiens à veiller personnellement que cette mission se passe sans encombre. »
    Émilie s’étira un grand coup, elle avait l’impression d’avoir passé sa nuit sur des cailloux tellement sa nuque et son dos lui faisait mal, elle n’eut le temps de s’étirer davantage qu’un soldat la poussa afin qu’elle rejoigne le groupe. Émilie fut placée entre Camille et un jeune soldat aux cheveux bruns courts dont elle ignorait le nom, tandis que Camille se trouvait au côté du lieutenant, devant eux, Daniel et Maxime était également entouré de deux soldats, l’un fort musclé et l’autre un peu plus rondouillard, Émilie jeta un rapide regard derrière et s’aperçut que Steve et Benoit fermaient la marche. Son cousin avançait en observant le sol ou l’horizon, le désespoir et la rancœur pouvant se lire sur son visage. Le groupe avançait selon les ordres que donnait le lieutenant, cela faisait déjà près d’une heure que tous marchaient en silence en traversant plusieurs pâturages, Émilie ne cessait de se demander où ils allaient en voyant que le groupe s’éloignait de la ville, cela l’aurait réjoui si elle ne risquait pas de mourir dans les heures qui s’approchaient. La jeune fille était tellement perdue dans ses pensées qu’elle sursauta lorsque le soldat à ses côtés demanda d’un coup :
    « Mon Lieutenant, loin de moi de remettre votre décision en question mais envoyer des enfants pour une telle mission n’est-il pas immoral ? »
    Le lieutenant continua de marcher et de regarder droit devant lui lorsqu’il répondit d’un ton calme :
    « Dites-moi, soldat Matthieu, depuis quand la guerre a une quelconque morale ?
    -Ce n’est pas ce que je voulais…
    -Oui j’ai bien compris ce que vous vouliez dire. Dites-moi, pensez-vous qu’on puisse encore parler d’enfance ou d’enfants de nos jours, je suis persuadé car leurs âges, ils savent déjà utiliser un fusil et se battre bien que ce ne soient pas soldats et c’est là tout leur potentiel. Car voyez-vous un soldat possède un comportement et des habitudes qui se remarquent rapidement et qui le trahiront facilement, tandis que les chances que l’on soupçonne ces enfants sont bien moins importantes et en cas de problème ils autant de chance de s’en sortir que n’importe quel soldat. Cette décision est bien plus réfléchie que vous ne le pensez Soldat, alors maintenant je vous saurai gré de garder vos réflexions pour vous. »
    Émilie eut du mal à se l’admettre, mais le discours du lieutenant semblait honnête et sensé, elle se surprit même à penser qu'elle pourrait survivre face aux survivalistes. La jeune fille se retourna légèrement afin d’observer son cousin, il semblait avoir écouté la réponse du lieutenant, mais son humeur n’avait pas changé.

    Après près d’une demi-journée de marche, le groupe se retrouvait désormais au milieu d’une forêt, Émilie n’avait pas cessé de se demander où ils se dirigeaient. Le lieutenant ordonna à ce que tous fassent une pause avant de s’éloigner, Émilie et Camille rejoignirent Benoît qui s’était assis contre un arbre. Le dénommé Matthieu s’approcha alors d’eux afin de leur offrir sa gourde pour qu’ils puissent boire, lorsque Émilie le remercia, elle crut voir un clin d’œil de sa part mais n’en fut pas sûre, elle ne s’en interrogea pas plus que cela lorsque Camille demanda dans un murmure :
    « Où vous pensez que nous allons ?
    -Je n’en ai aucune idée, mais j’ai pas hâte de le savoir… »
    Bien qu’Émilie compris la réponse de Benoît, elle ajouta :
    « Il est possible qu’on y survive, je pense. »
    Benoît releva la tête pour observer Émilie avant de déclarer :
    « J’aimerais avoir ton espoir, mais je n’y crois aucunement. »
    Camille sembla approuver les dires de Benoît, Émilie préféra ne rien ajouter, elle chercha Steve du regard. Le jeune homme se tenait debout contre un arbre, il observait tantôt le sol tantôt le ciel comme s’il espérait que quelque chose arriverait. Il n’était pas seul à avoir un comportement étrange, le dénommée Matthieu guettait l’horizon de tous les côtés tout en restant assis à côté du feu qui venait d’être allumé. Émilie qui continuait d’observer le jeune homme le vit prendre un truc dans sa poche avant de le jeter dans le feu, durant quelques secondes la fumée devint rouge pour redevenir blanche par la suite, Émilie avait donné un coup de coude aux autres afin qu’ils puissent voir ce qui se passait. Le jeune soldat s’aperçut qu’Émilie et ses amis l’observaient, il se releva et s’approcha d’elle rapidement, la jeune fille se prépara à sortir son poignard au moindre risque, mais le jeune soldat s’accroupit à son niveau et retint son bras tout en lui indiquant :
    « Garde ton arme cachée et reste assise, tout se passera bien, ne t’en fais pas. »
    Émilie n’eut pas le temps de demander quoi que ce soit qu’il retourna s’asseoir près du feu. La jeune fille observa les autres soldats, ils étaient tous occupés de surveiller les alentours. Benoît demanda dans un chuchotement inquiet :
    « Qu’est-ce qui ce passe ? »
    Émilie qui se posait la question jugea que cela n’annonçait rien de bon, il paraissait évident que Matthieu venait de donner un signal, il restait désormais à savoir qui sont les destinataires. Matthieu qui était resté silencieux demanda alors :
    « Steve, pourrais-tu m’aider avec le feu plutôt que rêvasser ? »
    Steve releva soudainement la tête, il semblait prêt à mettre un grand coup de poing à Matthieu lorsqu’il s’approcha de lui, mais ce dernier murmura quelque chose qu’Émilie n’entendit pas, en revanche elle vit la réaction de surprise de Steve qui s’assit immédiatement suite à cela. Quelques minutes après cet étrange spectacle, le lieutenant revint tout en ordonnant :
    « Préparez-vous, nous allons pouvoir repart… »
    Un bruit de fusil venant des profondeurs de la forêt l’avait empêché de finir sa phrase, le soldat rondouillard tomba à terre, la tête ensanglantée. Ils furent plusieurs à crier de surprise, le lieutenant se mit rapidement à couvert tandis qu’un second tir venant d’un autre coin de la forêt se fit entendre, cette fois-ci se fut le soldat musclé qui s’effondra en se tenant le ventre tandis qu’il perdait son sang. Le lieutenant qui se tenait dos contre à arbre hurla de rage :
    « Bordel que se passe-t-il ? »
    Matthieu qui s’était relevé, prit son fusil en main et visa le lieutenant, celui-ci eut à peine le temps de s’en apercevoir qu’une partie de sa tête explosa avec le tir. Matthieu siffla un grand coup avant de déclarer au reste du groupe avec le sourire :
    « Ne vous en faites pas, vous êtes en sécurité maintenant »

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  • Chapitre XVIII


    Alors qu’elle se remettait tout juste de ce qu’il venait de se passer, Émilie s’aperçut que Steve s’était relevé d’un coup, prêt à frapper Matthieu, tout en demandant avec colère :
    « T’as intérêt à me dire ce qui vient de se passer ! »
    L’homme fit un pas en arrière tout en tendant ses mains devant lui pour calmer les choses, il répondit sereinement :
    « On m’a chargé de vous sauver et c’est donc ce que je viens de faire.
    -Nous sauver ? Comment cela ? Qui ça ?
    -J’ignore le pourquoi à vrai dire, mais au final, je ne suis pas mécontent de l’avoir fait, ce cher lieutenant était vraiment un sale con. Quant à savoir qui me donne les ordres, je ne sais pas si je suis en droit de te le dire, donc, je ne préfère pas le faire, désolé. »
    Steve s’était arrêté, se retenant de frapper Matthieu, néanmoins ce dernier ne semblait pas plus calme pour autant. Matthieu ajouta d’un ton qui semblait sincère :
    « Écoutes, on ne vous fera rien d’accord. Je vous amène à notre campement pour vous présenter à la tête pensante de notre groupe et si par la suite vous voulez partir, on ne vous en empêchera pas. D’ailleurs si tu veux, je peux te donner mon arme si tu préfères que je sois sans. »
    L’homme tendit son fusil vers Steve, ce dernier l’observait fixement, il semblait hésitant sur ce qu’il devait faire, finalement, il retourna s’asseoir contre un arbre en déclarant avec ton quelque peu exaspéré :
    « Garde le, autant que tu restes utile. »
    Émilie observa ses amis, comme elle, ils avaient sursauté durant l’attaque et se remettaient tout juste de leurs émotions. Steve demanda alors à Matthieu :
    « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
    -On attend mes collègues, elles ne devraient plus tarder…
    -Elles ?
    -Bah oui, elles, ce sont des femmes, pourquoi ?
    -Non, rien juste pas l’habitude… »
    Pour une raison qu’elle ignorait, Émilie trouva cela géniale que pour une fois, elle ait affaire à des soldats femmes, elle avait hâte de les rencontrer. Matthieu continua à s’occuper de feu et Steve, qui observait le corps du lieutenant, il demanda de nouveau :
    « Lorsqu’il s’apercevront que le Lieutenant ne rentre pas et qu’ils découvriront son corps ici, ils vont nous rechercher.
    -Pour commencer, on est au beau milieu d’une forêt ce qui diminue les chances qu’ils retrouvent le corps. De plus si c’est le cas, ils croiront à une embuscade des Vautours ou des Survivalistes, en tout cas pas d’un petit groupe de gens, d’autant plus qu’ils ignorent notre existence.
    -On dirait que t’as pensé à tout…
    -Merci mais le mérite revient à notre chef, elle pense aux moindres détails.
    -Elle ? »
    Steve semblait ravi d’avoir réussi à piéger, ce dernier répondit un peu gêné :
    « Bien joué, j’en ai déjà trop dit, du coup plus de question pour le moment.
    -Allez sois joueur, tu me dois bien ça !
    -Désolé, ce sont les ordres. »
    Émilie se demande qui pouvait être cette mystérieuse chèfe qui voulait les sauver, mais aucune personne ne lui vint en tête, elle se dit qu’il s’agissait peut-être de quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Cela faisait plusieurs minutes qu’Émilie, Camille et Benoit, faisaient leur supposition sur l’identité de la personne qui avait décidé de les sauver lorsque deux femmes arrivèrent. La première était une jeune femme non loin de la trentaine, elle avait de longs cheveux roux descendant jusqu’à ses épaules, qui s’accordaient parfaitement avec ses yeux d’un bleu éclatant. Elle était vêtue d’un long short en jean, d’une paire de basket de sport ainsi que d’un haut blanc sans manche, son arme n’était pas un fusil ordinaire mais une sorte de long fusil qui possédait une lunette sur le dessus. Émilie trouva la femme très belle, elle dégageait un sentiment de pureté et de bienveillance. L’autre femme semblait plus jeune, plus proche de la vingtaine, c’était une femme métisse aux cheveux bruns épais et bouclés qui s’arrêtait au bas de la nuque et qui s’accordait avec ses yeux marrons, elle était vêtue d’une chemise à carreaux rouges et noirs ainsi que d’un treillis et de grandes bottes noires. Son arme était là même que celle de sa collègue, Émilie trouva les deux jeunes femmes aussi belles l’une que l’autre bien qu’elle eût une préférence pour la femme rousse. Matthieu s’était relevé lors de leur arrivée pour les saluer, il indiqua ensuite à voix haute en désignant la femme rousse :
    « Je vous présente tout d’abord Céline…
    -Salut tout le monde »
    La jeune femme avait répondu de manière enjouée, Matthieu s’approchant ensuite de l’autre femme en déclarant :
    « Et elle, c’est Sandra
    -Salut »
    Sandra leva sa main pour accompagner ses dires. Chacun se présenta aux deux jeunes femmes, Steve s’était d’ailleurs levé à leur arrivée. Ce dernier qui semblait avoir réfléchi depuis de longues minutes demanda d’un coup :
    « Que va-t-il devenir de ma femme ? »
    Matthieu fut un peu surpris et ce fut Céline qui lui répondit :
    « Ne t’en fais pas, on la surveille également, pour le moment, vu que l’on va croire à ta mort, il ne devrait rien ne lui arriver.
    -Devrait ?
    -Ne t’en fais pas, on la surveille, je te dis, au moindre risque de problème, on a les moyens de la faire sortir, il y a d’ailleurs un véhicule non loin du centre, prêt à la transporter et l’emmener dans notre camp si besoin.
    -Vous avez vraiment pensé à tout… »
    Steve avait conclu cela sur un ton cynique, Sandra s’empressa de lui répondre :
    « Que veux-tu, on n’est pas des débutants. »
    Steve sembla agacé par cette réponse et Matthieu semblait inquiet de sa réaction, mais il ne fit rien de particulier, il indiqua simplement d’un ton sec :
    « Bon bah allons-y »
    Émilie espérait qu’effectivement sa sœur Mathilde était en sécurité, mais elle jugea qu’elle pouvait avoir confiance au groupe de Matthieu et se mit à les suivre en compagnie de Camille et Benoit.

    Ils continuaient de traverser la forêt bien que leur direction fût tout autre de celle qu’ils avaient prise avec le lieutenant auparavant. Céline, qui était devant au côté de Sandra, avait prévenu que le trajet risquerait d’être long. Fréquemment le groupe s’arrêta afin que les deux femmes observent les environs à l’aide de leurs lunettes de fusil pour s’assurer qu’aucun danger n’était dans les horizons. Émilie avait longuement discuté en compagnie de ses deux amis, mais elle désirait désormais discuter avec son cousin, ce dernier était en arrière aux côtés de Matthieu. La jeune fille s’approcha de Steve et observa Matthieu, cela la gêner de parler de ce qui la tracassait s’il était proche, le jeune homme remarqua le regard d’Émilie et sembla comprendre ce qu’elle désirait, il prétexta d’aller se renseigner auprès des jeunes garçons pour savoir s’ils allaient bien, laissant Émilie seul avec son cousin. Le jeune homme n’avait même pas jeté un regard à sa cousine, il marchait en regardant droit devant lui, observant à tour de rôle Sandra et Céline, il demanda alors en chuchotant :
    « Toi tu leur fais confiance ? »
    Bien qu’il eût posé une question, il avait demandé cela sur le ton d’un reproche, Émilie se sentit quelque peu mal à l’aise, elle n’avait aucune envie de se fâcher avec son cousin. Elle répondit alors :
    « Ça ne pourra pas être pire qu’avec ton ancien chef…
    -C’est sûr, mais cela ne garantit pas notre sécurité pour autant, je préfère me méfier. »
    Émilie ne savait pas trop comment aborder le sujet dont elle voulait parler, comme pour lui forcer la main, Steve demanda :
    « Tu voulais me parler de quelque chose ? »
    Émilie sursauta légèrement, elle prit une grande inspiration avant de se demander :
    « J’ai eu l’impression que… que ton ancien chef te faisait chanter à propos de Mathilde… »
    Émilie vit au visage de Steve que sa question venait de lui rappeler de mauvais souvenir, elle s’en voulut même si elle préférait avoir le cœur net sur la question. Quelques secondes de silence passèrent avant que Steve ne répondît :
    « Oui, effectivement, je ne suis pas resté là-bas par choix Émilie, si je l’ai fait c’est pour Mathilde et pour toi, tant que je suivais les ordres aveuglément vous ne risquiez rien
    -Qu’est-ce qu’on risque de toute façon, on n’a rien fait de mal ?
    -Oui, je le sais, mais pour ce connard de lieutenant, les choses n’étaient pas comme ça. Pour lui, tu avais trahi les Résistants et tu étais donc un potentiel danger, si tu avais su sortir sans te faire remarquer alors tu savais entrer aussi. Il a soupçonné notre famille d’être des Relanceurs infiltrés
    -Mais c’est stupide !
    -Je sais que ça l’est, figures-toi ! Quoi qu’il en soit, il voulait nous exécuter, purement et simplement, mais j’ai proposé d’intégrer son armée, sous ses commandements pour prouver ma bonne volonté. Il a accepté à condition que je ne discute pas les ordres et que Mathilde reste enfermée par sécurité. J’ai dû faire des choses horribles dont je préfère ne pas en parler. Cela m’a permis de gagner sa confiance et j’ai pu demander à ce qu’on laisse sortir Mathilde de sa cellule d’isolement. J’aurai au moins réussi ça… »
    Émilie préféra ne rien rajouter, son cousin semblait déjà suffisamment sans vouloir lui-même, il rajoute cependant :
    « J’aurais préféré ne jamais te ramener dans ce camp, mais je croyais vraiment que c’était l’endroit le plus sécurisé que je connaissais, au final t’aurais été moins en danger si on t’avait déposé au beau milieu de la ville dans un immeuble abandonné
    -Je ne t’en veux pas Steve, je sais que t’as voulu bien faire… »
    Émilie se sentit gênée tandis que les yeux du jeune homme devenaient de plus en plus humides, il indiqua d’une voix tremblotante :
    « Je te remercie… je vais demander à faire une pause, j’ai besoin de souffler
    -Laisse j’y vais. »

    Après la pause le groupe avait repris la marche, cela faisait désormais plusieurs dizaines de minutes qu’ils suivaient un ruisseau. L’amoindrissement des arbres, le terrain plus plat et les restes de vieux panneaux d’indication semblaient indiqués que le groupe se trouvait désormais sur un ancien sentier de randonnée. Émilie, qui s’était approchée avec Camille de l’avant du groupe, observait le fusil à lunette que tenait Céline. La jeune femme remarqua l’attention que portait Émilie à son arme, elle indiqua alors avec le sourire :
    « C’est un fusil sniper qui vient de mon père, il en était un à l’armée avant cette guerre. Il m’a appris à m’en servir quand tout ça à commencer, il voulait que je puisse me protéger. J’imagine que tu n’en avais jamais vu auparavant
    -Non effectivement… C’est difficile à manier ?
    -Ça demande beaucoup d’entraînement oui, n’est-ce pas Sandra ? »
    Elle avait demandé cela à sa collègue qui se trouvait à ses côtés, avec un petit rire moqueur, cette dernière répondit :
    « Eh, je me suis bien amélioré, je te signale ! Avec le peu de temps d’entraînement que j’ai eu !
    -Il n’empêche qu’au lieu de tirer dans la tête de ce type, tu lui as tiré dans le ventre, t’as pas oublié de prendre la gravité en compte par hasard ? »
    La dénommée Sandra maugréa avant de rétorquer avec le sourire :
    « C’est peut-être toi qui n’est pas une bonne prof aussi…
    -Oh ben voyons ! Pourtant tu n’as pas eu besoin de moi pour me toucher en plein cœur
    -Ah ! J’admets que là, je ne m’en suis pas trop mal sortie…
    -Tu t’es même parfaitement débrouillé. »
    Sans prévenir, les deux femmes s’embrasèrent durant quelques secondes, Émilie et Camille observèrent la scène, stupéfaites. Camille chuchota à l’oreille d’Émilie :
    «Finalement, ce n’est pas si bizarre que ça vu de l’extérieur. »
    Céline se tourna de nouveau vers Émilie et déclara un peu gênée :
    « Ça non plus tu n’as peut-être pas eu l’habitude de le voir… Parfois deux filles peuvent s’aimer très fort et…
    -Je sais, moi et Camille, on est aussi amoureuse l’une de l’autre »
    Céline fut surprise quelques instants avant de répondre joyeusement :
    « Oh bah dis-donc, vous ne perdez pas de temps vous, t’as entendu ça Sandra ?
    -Oui, vous vous êtes déjà embrassé du coup ?
    -Bien sûr ! »
    Émilie et Camille avaient répondu à l’unisson de manière enthousiaste. Sandra questionna alors avec un sourire en coin :
    « Et vous êtes passé au stade au-dessus ?
    -Oh allons ! »
    Céline avait donné un coup sur l’épaule de sa copine, celle-ci tenta de s’empêcher de rire. Camille semblait un peu gênée, mais Émilie ne comprenait pas vraiment ce que Sandra avait voulu dire. Elle demanda alors :
    « De quoi elle parle, c’est quoi le stade au-dessus ? »
    Céline qui riait également un peu, répondit en rougissant :
    « Ce n’est rien, tu comprendras un peu plus tard, pour le moment, je pense que t’es un peu trop jeune pour comprendre ça. Ça viendra avec le temps, ne t’en fais pas. »
    Émilie n’en fut que plus intriguée, elle se tourna vers Camille qui rougissait et observait le sol, elle lui demanda en chuchotant :
    « T’as compris de quoi elle parlait, toi ?
    -Hein… oh… euh non, je sais pas. »
    Camille avait répondu de manière hésitante, Émilie n’aimait pas trop cela, elle avait l’impression qu’on lui cachait quelque chose et que Camille savait de quoi il s’agissait, mais qu’elle n’osait pas en parler. La jeune fille réfléchissait afin de comprendre à quoi cela rimait, mais aucune idée ne lui vint, elle préféra se concentrer alors sur la route bien qu’elle se promit d’interroger Camille là-dessus par la suite.

    Le ruisseau que suivait le groupe s’était agrandi au fur et à mesure de leur avancée pour devenir désormais une rivière. Émilie marchait aux côtés de Camille et Benoît qui discutaient entre eux en chuchotant, elle ne leur prêtait pas attention, restant perdue dans ses pensées. Lorsqu’elle entendit la voix de Steve, elle cessa de réfléchir pour écouter la conversation lorsque celui-ci avait demandé :
    « Quand est-ce que je retrouverai ma femme ? »
    Steve avait pris un ton sec en questionnant Matthieu, ce dernier répondit néanmoins :
    « Il faudra attendre de trois à quatre jours avant de la faire sortir
    -Comment vous compter vous y prendre pour la faire sortir ?
    -Déjà nous savons tous les deux qu’il suffit d’un peu d’ingéniosité et de prudence pour sortir de là-bas sans problème… »
    Matthieu avait accompagné ses paroles d’un clin d’œil en direction d’Émilie, celle-ci se sentit un peu coupable tout en étant également flattée. Matthieu reprit :
    « Ensuite, nous allons prétexter tes funérailles ainsi que celles d’Émilie comme excuse pour la faire sortir.
    -Cela veut dire que ma sœur va nous croire morts ? »
    Émilie était intervenue quelque peu scandalisée par ce qu’elle venait d’entendre, Matthieu répondit de manière simple :
    « Oui, du moins le temps qu’on la fasse sortir, ensuite on lui dira la vérité et on lui expliquera le plan.
    -Vous ne pouvez pas faire ça ! »
    Steve avait hurlé d’inquiétude tout en lâchant son arme, Matthieu tenta de le calmer :
    « Ne t’’en fais pas, on la sécurisera au moindre problème, aucun risque qu’ils arrivent à nous arrêter.
    -Non, tu ne comprends pas ! »
    Le groupe s’était arrêté d’avancer et tous s’étaient retournés vers Steve et Matthieu, ce dernier ne savait pas trop comment réagir mais Steve continua son explication :
    « Avec son état de santé actuel, lui dire qu’on est mort serait la condamnée !
    -Je t’assures, nous prendrons soin d’elle et j…
    -ÉMILIE ! Explique-lui ! »
    Émilie venait de comprendre l’inquiétude de Steve et il lui paraissait désormais évident qu’effectivement cela risquerait d’affecter fortement sa sœur Mathilde, elle se souvenait encore de comment cette dernière avait réagi lors de sa première visite et de l’état déplorable qu’elle avait. Matthieu observait Émilie avec frayeur, celle-ci indiqua tristement :
    « Il a raison, elle n’est plus assez… forte, pour supporter ce genre de nouvelle »
    Émilie s’éloigna sentant des larmes couler sur ses joues, suite au souvenir de sa sœur, elle entendit Matthieu :
    « Très bien, on réfléchira à un autre moyen dans ce cas. »
    Steve se renfrogna en silence tandis que la marche du groupe reprit, Émilie qui marchait aux côtés de Camille et Benoît, garda la tête quelque peu baissée tout en essuyant ses larmes silencieusement. Camille s’approcha d’elle et sans rien dire passa son bras autour de sa taille, bien qu’elle n’ait su véritablement pourquoi, cela la soulagea et la réconforta un peu.

    Au bout de quelques minutes de plus, et tandis qu’ils s’approchaient d’un lac, Céline annonça joyeusement :
    « Voici, votre nouveau chez vous ! »
    Émilie observa l’endroit que pointer du doigt la jeune femme rousse, plusieurs petits lotissements ainsi que des caravanes se trouvaient de l’autre côté du lac. Plusieurs personnes y faisaient des allées et venues, notamment quelques enfants, quelqu’un semblait même en train de pêcher au bord du lac. Plusieurs personnes armées patrouillaient autour du camp et dans la forêt alentour, certains avaient même visé dans la direction du groupe avant de baisser leurs armes, il semblait y avoir une grande organisation de surveillance. Steve qui était resté silencieux jusque-là commenta :
    « J’avoue que je ne m’attendais pas à cela…
    « On a de l’eau, tout ce qui est pour le chauffage et l’électricité est géré grâce à des groupes électrogènes solaires, pour ce qui est de la nourriture, on a aménagé un espace de culture sinon parfois on arrive à avoir du poisson ou du gibier. La surveillance est assurée à toute heure, par tour de ronde, les armes viennent d’un peu partout, mais c’est souvent des armes qu’on a volé aux Résistants où aux Relanceurs, voir aux Survivalistes, mais ce ne sont pas les mieux armés. Honnêtement, je pense qu’on ne s’en sort pas trop mal. »
    Matthieu avait eu du mal à cacher sa fierté en présentant le camp, Émilie ne put s’empêcher d’être impressionnée, cela paraissait irréel. Tous s’approchèrent du camp, Matthieu, Céline et Sandra, saluèrent les autres habitants joyeusement, Steve le faisait d’un ton plus timide tandis qu’Émilie, Camille et Benoît saluaient tout le monde avec le sourire, Benoît alla même jusqu’à flatter une jeune fille à tresse blonde. Après quelques pas, Matthieu indiqua à Steve l’une des caravanes :
    « Voici, la caravane pour toi et ta femme »
    Il désigna ensuite la caravane à côté de celle de Steve en annonçant :
    « Les filles vous vous serez ici et les garçons on vous a mis dans celle de derrière »
    Il avait pointé une caravane qui se trouvait derrière celle des filles. Il ajouta :
    « Je compte sur vous pour pas toucher au plaques électriques les enfants, normalement les radiateurs sont déjà réglés. Si vous voulez prendre une douche, c’est par là. »
    Il indiqua un bâtiment qui se trouvait non loin du lac, avant de reprendre :
    «  Je vais indiquer à la cheffe que vous êtes arrivé, en attendant Céline, tu pourrais aller voir s’il reste des habits au cas où ils désirent se changer ?
    -Ok j’y vais, à tout de suite tout le monde »
    Céline s’éloigna et Sandra l’accompagna, Matthieu conclu :
    « Bon, je vais vous laiss…
    -Et pour mon fusil ? »
    Steve l’avais interrompu sèchement, Matthieu répondit calmement bien qu’un peu surpris :
    « Oh euh… tu peux le garder, ce n’est pas un souci, par contre essaye de ne pas tout le temps te promener avec dans les mains. Mais sinon, vous pouvez garder vos armes.
    -Vous ? Il n’y a que moi qui en ai une à moins que… »
    Steve observa Émilie d’un air suspicieux, elle sortit son poignard en le narguant, Steve s’exclama alors :
    « J’aurai dû m’en douter… »

    Émilie et Camille étaient entrées dans leur caravane désignée, l’intérieur était assez serré avec des petites pièces communes, mais il y faisait bien chaud. Une petite cuisine se trouvait à l’avant avec une petite pièce de toilette, puis à gauche du couloir se trouvait une étagère tandis qu’à droite se tenaient deux fauteuils avec une table amovible entre eux. Les deux filles avancèrent pour découvrir qu’au fond se trouvait la chambre avec deux lits de part et d’autre qui pouvaient être déplacés. Une légère odeur de renfermé se faisait sentir, Camille proposa alors de laisser la porte ouverte le temps d’aller se promener ce qu’Émilie accepta. À l’extérieur, elles retrouvèrent Benoit, ce dernier indiqua :
    « On n’a que deux lits mais heureusement il y a un canapé, Maxime et Daniel sont déjà partis dormir. Et vous ?
    -On a deux lits et deux fauteuils. Dis, tu veux venir faire un tour avec nous ? »
    Émilie fût quelque peu fâché que Camille invite Benoît à leur promenade, elle aurait aimé être seule à seule avec elle afin de discuter, malheureusement pour la jeune fille, Benoît accepta la proposition. Ils allèrent jusqu’au bord du lac et s’assirent sur l’un des bancs qui s’y trouvait, Émilie observa les personnes qui patrouillaient dans la forêt alentour. Benoît demanda alors :
    « Vous pensez que vous allez rester ici ?
    -Je sais pas… ça à l’air pas mal, mais il faut voir si ils nous veulent réellement du bien, je me méfie. »
    Émilie approuva la réponse de Camille, elle avait d’ailleurs hâte de rencontrer la personne qui dirigeait cet endroit bien qu’elle n’ait toujours aucune idée de qui il s’agissait. C’est alors qu’une voix de femme se fit entendre :
    « C’est bon Steve, ils sont ici, je vais pouvoir me présenter aux nouveaux. »
    Émilie avait reconnu la voix bien que cela faisait longtemps qu’elle ne l’avait plus entendu, elle se retourna pour observer la jeune femme qui avait parlé. Malgré quelques changements physiques, notamment une cicatrice au bras et un corpulence plus musclée, Émilie reconnut cette grande femme, aux cheveux longs, bruns et bouclés avec son sourire angélique. La jeune femme déclara joyeusement :
    « Ça fait plaisir de te voir saine et sauve Émilie »
    La jeune fille fut tellement ravie qu’elle courut sans hésitation afin de serrer Rachel dans ses bras.

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  • Chapitre XIX


    Rachel avait quelque peu sursauté face à la réaction d’Émilie, mais elle lui rendit son accolade tout en observant avec le sourire :
    « On dirait que toi aussi t’es contente de me voir. Ta nouvelle couleur de cheveux te va super bien d’ailleurs »
    Émilie n’aurait pas su s’expliquer elle-même pourquoi elle était aussi heureuse de revoir Rachel si ce n’est qu’elle avait l’impression de retrouver une seconde sœur qu’elle n’avait plus vue depuis longtemps. Émilie observa son amie comme pour s’assurer qu’elle était réelle, la jeune femme était vêtue d’une chemise blanche à longue manche ainsi qu’un jean autour duquel se trouvait une ceinture en cuir noir avec quelques objets accrochés tels qu’un calepin avec un crayon, un talkie-walkie et un couteau de survie. Quelques larmes de joie coulèrent sur la joue d’Émilie tandis qu’elle relâcha son étreinte en demandant joyeusement :
    « Que fais-tu ici ?
    -Je suis la directrice de cet endroit, si l’on peut appeler cela comme ça. »
    Émilie fut surprise, bien qu’elle appréciât beaucoup Rachel, elle voyait mal cette dernière en chef de clan et questionna :
    « Quoi ? Comment tu…
    -On verra plus tard pour la version longue, je vais d’abord saluer tes amis, on parlera après. »
    Rachel se présenta à Camille et Benoît qui en firent de même avant de demander :
    « Il y avait encore deux jeunes garçons avec vous normalement, non ?
    -Ah oui… ils sont allé dormir. »
    Camille avait répondu avec le sourire, Émilie vu au visage de sa chérie qu’elle semblait avoir un bon pressentiment avec Rachel et en fut ravie. La jeune femme répondit :
    -D’accord, laissons-les se reposer, j’irai me présenter plus tard. Émilie, il faudrait que tu me suives avec Steve, il faut que l’on parle de… certains détails. »
    Rachel semblait quelque peu gênée bien qu’elle cherchât à ne pas le montrer, Émilie hocha la tête puis se dirigea vers Camille pour l’embrasser avant de partir, celle-ci en profita pour chuchoter :
    « Dis-donc, c’est qu’elle pourrait me rendre jalouse, moi je n’ai pas le droit à un câlin ?
    -Je t’en ferai un plus long après
    -Oh, j’ai hâte alors… »
    Rachel fut d’abord surprise en voyant Émilie et Camille s’embrasser avant de sourire, Émilie finit par suivre Rachel et Steve.

    La jeune femme les amena jusqu’à un petit bâtiment qui semblait avoir servi d’office d’accueil autrefois, un comptoir se trouvant dans la première pièce. Un homme d’une trentaine d’années se trouvait dans la pièce, il semblait attendre et lorsqu’il vit Rachel entrer, il s’approcha d’elle tandis qu’elle lui demanda :
    « Salut Frédéric, t’as besoin de quelque chose ?
    -Bonjour Rachel, désolé de t’embêter mais on a plus d’eau chaude…
    -Encore ? Je vais t’envoyer Céline vu qu’elle vient de rentrer, elle s’y connaît mieux que David donc elle devrait pouvoir arranger le problème définitivement.
    -Je te remercie, désolé encore
    -Pas de soucis, ne t’en fais pas. »
    L’homme s’en alla en saluant Steve et Émilie de la main tandis que Rachel se saisit du petit talkie-walkie qui était accrochée à sa poche et parla dedans :
    « Hey Bastien, tu me reçois ?
    -Cinq sur cinq qu’est-ce qui se passe ?
    -Il faudrait envoyer Céline voir chez Fred, il n’a plus d’eau chaude encore une fois, c’est le lotissement qui… se trouve à gauche des balançoires si je ne me trompe pas.
    -Ok je transmets l’info.
    -Merci. »
    Tandis que Rachel remettait son talkie à sa ceinture, Steve commenta joyeusement :
    « Voilà qui est fort utile !
    -Oui, malheureusement sur la dizaine que l’on a retrouvée, il y en a que deux qui fonctionnaient et, malheureusement, que sur de courtes distances. On va aller dans le bureau, on aura moins de risques d’être dérangé. »
    Rachel ouvrit la porte qui se trouvait au fond de la pièce, celle-ci donnait sur une pièce plus petite que la précédente, un bureau s’y trouvait devant lequel avait été installé trois chaises, derrière le bureau se trouvait un fauteuil informatique ainsi qu’une fenêtre au store vénitien blanc qui était fermé. Sur le côté droit de la pièce se trouvait une petite table sur laquelle se trouvait une bouteille d’eau sans étiquette et trois verres. Rachel mit l’une des chaises sur le côté en entrant afin d’en laisser que deux, puis elle s’approcha de la table en remarquant à voix haute :
    « Ah bien, on nous a ramené de l’eau, vous voulez un verre ? De ce que j’ai compris, c’est un filtreur qui récupère l’eau de pluie, du coup, elle n’est pas très bonne mais elle reste potable.
    -Si elle est fraîche, ça me suffira. »
    Steve avait répondu en s’asseyant, Rachel lui servit un verre avant d’en proposer un à Émilie qui refusa avant de s’asseoir. La jeune femme se servit également un verre d’eau qu’elle vida d’un trait avant de s’asseoir contre le bureau en faisant face à Steve et à Émilie, elle sembla chercher ses mots avant de prendre la parole, elle finit par déclarer :
    « Bon… comme vous le supposez ça fait un moment que je vous surveille…
    -Oui, d’ailleurs pourquoi donc ?
    -J’y viens Steve. À la base, ce n’était pas pour cela que j’ai demandé à des volontaires d’aller observer ce qui se passait en ville. Ils avaient plusieurs lieux à observer, le port, le centre d’accueil des résistants, un camp de Relanceur dans un ancien lycée, un espace de culture et une vieille centrale électrique. Le centre d’accueil, c’était notamment pour contacter les gens qui sortaient et chercheront un refuge afin de les accueillir, mais on a vite compris que si des gens y entrer, personne n’en ressortait, on s’est alors demandé comment faire sortir les gens qui désiraient s’en aller. Matthieu a réussi à se faire recruter chez les Résistants en tant que garde du centre et c’est ainsi qu’il a appris que deux personnes avaient disparu du camp, voir même que c’était un enlèvement, un jeune garçon du nom de Daniel et une jeune fille du nom d’Émilie. »
    La jeune femme observa Émilie avec le sourire en finissant sa phrase, avant d’ajouter :
    « J’ai pensé à toi bien qu’il y eût peu de chances que ce soit le cas puis Matthieu m’a expliqué, avec dégoût, que la sœur de la jeune fille avait été mise en isolement sans son petit. Oh d’ailleurs Félicitations ! »
    Rachel s’était tournée d’un coup vers Steve avec un léger sursaut, ce dernier la remercia un peu gêné, elle indiqua joyeusement :
    « Je suis tellement heureuse pour vous deux.
    -C’est gentil, d’ailleurs à propos Mathilde, il ne fa…
    -Oui, Matthieu m’a transmis ton avertissement, j’ai une solution, j’en reparle après. Donc j’ai su que cette femme mise en isolement s’appelait Mathilde et avait donc pour sœur une Émilie qui s’était enfuie. Pour moi, il n’y avait plus de doute, j’ai néanmoins demandé si avec la dénommée Mathilde, il y avait deux garçons du nom de Steve et Jordan et c’est là qu’il m’a appris qu’il n’y avait que toi Steve…
    -Oui, Jordan nous a abandonnés… »
    Steve avait dit cela avec une légère rancœur, Émilie se tourna immédiatement vers lui et râla :
    « Comment peux-tu dire ça !
    -Je suis désolé Émilie, mais c’est le cas, ton frère nous a abandonnés, il n’y a pas d’autre mot.
    -Il en avait marre de cette guerre et de cette vie, c’est pour ça qu’il est parti, mais il n’a pas voulu nous abandonner.
    -Sa réaction a quand même été très égoïste, tu ne vas pas dire que…
    -Stop ! »
    Rachel intervenu, Émilie ne s’était pas rendu compte qu’elle s’était levée de sa chaise, elle ne comprenait pas que Steve puisse parler comme cela de son frère, il avait agi comme elle l’avait fait, tout ce qu’il avait voulu, c’était pouvoir vivre et Steve ne semblait ne pas le comprendre. Rachel s’excusa gênée par la situation :
    « Désolé, je ne savais pas que c’était un sujet sensible, bref tout ça pour vous dire que j’ai appris votre présence comme ça et que je suis très heureuse de vous avoir retrouvé. Pour ce qui est de Mathilde… »
    Steve qui avait fixé Émilie jusque-là se tourna vers Rachel, écoutant ce qu’elle s’apprêtait à dire :
    « On va lui faire transmettre une lettre, dans laquelle il sera indiqué que toi et Émilie, vous êtes portés disparu.
    -On ne peut pas, si elle pense que nous sommes morts, elle risque de… elle n’est pas en état de supporter ce genre de nouvelle.
    -Vous avez bien un surnom affectueux entre vous ?
    -Euh oui… mais, ça change quoi ?
    -C’est toi qui vas écrire cette lettre Steve, et signer avec ce surnom. Ainsi, si les résistants lisent la lettre, cela indiquera bien votre disparition mais quand Mathilde la lira, elle saura que c’est toi qu’il l’aura écrite et que, donc, vous allez bien. Par la suite, il n’y aura plus qu’à la faire sortir en prétextant des funérailles et c’est là qu’on le fera venir jusqu’ici. Qu’en penses-tu ?
    -Hum… Oui ça peut marcher. Mais il faudra vraiment veiller sur elle.
    -Oui, ne t’en fais pas là-dessus. Tu pourras nous accompagner au moment d’aller la chercher.
    -D’accord. C’est tout ce que tu avais à dire ?
    -Eh bien…euh… »
    Rachel hésita, elle semblait chercher ses mots, elle finit par avouer :
    « Je ne sais pas si je peux vous parler de Jordan du coup… »
    Steve avait commencé à se relever, mais se rassit aussitôt, Émilie fut intriguée bien qu’effrayée de ce que Rachel s’apprêtait à annoncer. Steve demanda, comme pour l’encourager :
    « Tu as retrouvé sa trace ?
    -Pas vraiment… c’est que… »
    Steve sembla également angoissé par rapport à la réponse qu’allait donner Rachel, il la questionna dans un murmure :
    « Ne me dit pas que vous l’avez retrouvé mort… »
    Le jeune homme baissa quelque peu la tête mais Rachel intervenue tout de suite :
    « Non, non ! Rassurez-vous rien de ça ! C’est juste que… enfin… »
    Voyant que Steve et Émilie supportaient mal l’attente, Rachel prit une grand inspiration avant de déclarer :
    « Vous vous souvenez, j’ai dit que parmi les lieux qu’on a surveillés, il y a un camp de Relanceur… »
    Machinalement, la jeune fille et son cousin hochèrent la tête de manière affirmative, Rachel continua son explication :
    « Eh bien, l’un des chefs qui s’y trouve semble se nommer Jordan et la description physique que l’on nous en a faite est assez proche du Jordan que l’on connaît… mais rien n’est sûr hein ! »
    Rachel avait tenté de sauver les apparences bien que sa voix fût restée tremblante sur la fin de sa phrase. Steve pensa alors à voix haute :
    « Jordan serait devenu un… un Vautour ! »
    Émilie ne pouvait y croire, son frère ne serait jamais allé là-bas, elle indiqua bien que peu convaincu :
    « Peut-être qu’il est là-bas pour s’infiltrer, voir ce qu’ils font ou je ne sais quoi…
    -Oui, c’est vrai que c’est possible, on en sait rien comme je vous l’ai dit, rien n’est sûr. »
    Rachel semblait être en accord avec la théorie de la jeune fille, Steve cependant s’énerva :
    « Pourquoi nous aurait-il abandonnés dans ce cas ?! Monsieur aurait eu un plan et il est parti sans nous l’indiquer, ouvre les yeux Émilie, s’il est parti sans même nous le dire, c’est parce qu’il savait déjà ce qu’il voulait et qu’il en avait honte !
    -Moi aussi je suis partie sans vous le dire, je te signale !
    -Tu es une enfant, Émilie, tu n’as pas réfléchi aux conséquences. Lui est un adulte, il savait très bien qu’en partant comme ça, il allait nous faire souffrir, quand je pense qu’il n’a même pas été capable de nous dire au revoir ! »
    Émilie se sentit quelque peu honteuse, elle avoua timidement :
    « En vérité, il nous a laissé une lettre pour son départ… »
    Steve sembla se calmer d’un coup lorsqu’il demanda :
    « Qu’est-ce que tu racontes ?
    -Je suis désolé, je vous en ai pas parlé car je voulais la garder pour moi, mais il nous a écrit une lettre dans laquelle il disait qu’il ne supportait plus de nous mettre en danger et qu’il préférait nous laisser en sécurité et s’éloigner de son côté. J’aurai dû vous en parler mais… »
    Émilie se mit à pleurer, elle n’avait jamais eu conscience que Steve en voulait autant à son frère et elle ne pouvait s’empêcher de se dire que cela était de sa faute. Steve et Rachel s’agenouillèrent à côté d’elle pour la rassurer, ce dernier s’excusa :
    « Désolé, je n’aurais pas dû te crier dessus, c’était méchant de ma part. Au final peut-être que tu as raison et qu’il est là-bas pour espionner. »
    Steve ne semblait pas savoir quoi dire d’autre, Émilie sécha ses larmes bien qu’elle ne se sentit pas mieux pour autant, Rachel lui conseilla d’une voix douce :
    « Tu devrais aller rejoindre tes amis, ça te fera du bien. Si tu as besoin de reparler de ça vient me voir, d’accord ? »
    Émilie hocha la tête, elle sortit en ayant la tête pleine de pensées confuses, bien qu’elle eût confiance en son frère, elle ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’il ferait dans un camp de Relanceurs.

    Émilie, bien qu’un peu déboussolé, avait retrouvé Camille et les deux jeunes filles étaient allés dans leur caravane et s’étaient toutes deux endormis l’une dans les bras de l’autre. La jeune fille se réveilla d’un cauchemar dans lequel son frère lui avait braqué un fusil dessus avant de tirer en riant méchamment. Émilie se rendit compte qu’elle avait dû mettre un coup à Camille qui se réveilla également en se tenant le bras tout en demandant encore quelque peu endormi :
    « Aouch, qu’est-ce qui se passe ? »
    Cette dernière se redressa et aperçut Émilie qui était assise sur le lit, en regardant fixement le vide devant elle, Camille questionna alors :
    « Quelque chose ne va pas Milie ? »
    Émilie se tourna vers Camille tout en lui serrant les mains, elle hésita à en parler, ne sachant pas si elle préférer garder cela pour elle ou soulager un peu son esprit en partageant ses doutes. Comme pour lui donner du courage, Camille la serra dans ses bras et lui chuchota avec douceur :
    « Tu sais que si t’as besoin de parler, je suis là et que je ne te jugerais pas. Cependant, si tu préfères garder ça pour toi, je le comprendrais, tout ce que je veux, c’est que tu ailles bien »
    Émilie décida finalement de se confier à Camille, se disant qu’elle avait le droit de savoir, elle raconta alors ce que Rachel lui avait appris et les doutes qu’elle avait sur son frère. Camille écouta sans interrompre sa compagne et lorsqu’elle eut fini, elle sembla chercher ses mots durant quelques secondes avant de cautionner :
    « Je comprends les doutes que tu as, malheureusement je ne peux pas t’aider à décider, c’est ton frère, je ne le connais pas donc j’ignore si tu as raison ou pas. J’espère que tu finiras par savoir la vérité ma chérie. »
    Camille embrassa Émilie, la jeune fille apprécia le baiser que lui offrait sa copine et cela lui rappela une autre question qu’elle s’était posée et demanda alors :
    « C’est quoi le stade ou l’étape au-dessus dont parlait les deux filles ? On est déjà amoureuse et on s’embrasse. Je sais que les hommes et les femmes finissent par faire un bébé quand ils sont amoureux, mais non on ne pourra pas. Du coup, c’est quoi ? »
    Camille se mit à rougir tant elle semblait gênée par la question bien qu’elle eût un petit rire nerveux lorsque Émilie avait parlé de bébé. La jeune adolescente pensa à voix haute dans un murmure :
    Je n’en reviens pas que je vais devoir expliquer ça… »
    Elle se tourna vers Émilie et commença son explication tout en choisissant ses mots :
    « Eh bien, quand un couple s’aime vraiment, que ce soit, un garçon et une fille, deux filles ou deux garçons, ce couple commence à faire des choses entre eux pour montrer qu’ils s’aiment encore plus et qu’ils sont prêts à partager un moment très intime ainsi que… euh… leurs corps. »
    Elle s’arrêta dans son explication afin d’observer la réaction d’Émilie, celle-ci écoutait attentivement bien qu’elle eût du mal à comprendre. Camille reprit :
    « En gros, même entre filles, il y a certaines choses que l’on peut faire pour s’apprécier l’une l’autre et quand on commence à faire ces choses-là, on dit qu’on est passé au stade supérieur comme si on avait passé un niveau dans notre relation. »
    Émilie demanda alors, visiblement intriguée :
    « Mais quel genre de chose ? On peut les faire nous ?
    -On peut les faires… euh… oui, on peut les faire, mais faut que tu te sentes prête, je ne veux pas te forcer…
    -Mais prête à faire quoi ? Explique, n’ait pas peur. »
    Camille était de plus en plus rougissante, elle finit par indiquer avec une voix quelque peu sensuelle :
    « Ce qu’on peut faire, c’est qu’on essaye, je vais te montrer et si cela ne te plaît pas alors tu n’auras qu’à me dire d’arrêter, d’accord ?
    -Euh… d’accord mais moi je dois faire quelque chose ?
    -Reste allongé sur le dos et détends-toi. »
    Camille avait accompagné sa dernière phrase d’un baiser avant de se cacher sous la couette, Émilie se demanda ce qu’elle s’apprêtait à faire quand elle senti la main et les doigts de sa copine parcourir son corps et retirer ses vêtements. Cela lui parut extrêmement bizarre et gênant au début au point qu’elle s’apprêtait à demander d’arrêter, mais petit à petit, elle eût un plaisir qu’elle n’avait jusqu’alors jamais ressenti. Elle avait de plus en plus chaud et ne pouvait s’empêcher de pousser de petit cri par moments, son corps eut des réactions qu’il n’avait jamais eues auparavant, par réflexe, elle avait serré l’oreiller dans ses mains. Durant le reste de l’après-midi, Camille fit découvrir à Émilie des sensations nouvelles qu’elle n’avait jamais soupçonnées jusque-là, entre plaisir et bien-être. Camille ne s’était pas contenté d’utiliser ses mains, elle avait eu des gestes qu’Émilie aurait trouvés fortement dégoûtant et écœurant au premier abord avant d’en découvrir le bien fait. Lorsque Camille se dégagea de sous la couette, Émilie se tourna vers elle et l’embrassa aussitôt tout en indiquant joyeusement :
    « C’est cool le stade supérieur…
    -Ravi que ça t’ait plu ma chérie
    -Merci, mais moi je ne t’ai rien fait…
    -T’en fais pas mon cœur, j’ai eu mon propre plaisir »
    Les deux filles se serrèrent dans les bras et finirent par se rendormir ensemble, Émilie ne s’était jamais sentie aussi bien.

    Au lendemain matin, ce fut quelqu’un qui toqua à la porte qui réveilla les deux jeunes filles, Émilie émergea doucement de son sommeil puis s’habilla rapidement avant d’aller ouvrir, il s’agissait de Steve et Benoît, les deux garçons observèrent Émilie avec curiosité, celle-ci demanda :
    « Qu’est-ce que c’est ?
    -On va aller déjeuner, vous nous accompagnez ? »
    Émilie se tourna vers Camille qui se coiffait comme elle le pouvait avec sa main, celle-ci répondit :
    « Hum… oui, on va arriver. »
    Les deux garçons s’éloignèrent, laissant les filles se préparer. Camille demanda à voix haute, plus pour elle-même qu’en véritable question :
    « Je me demandai comment cela se passe pour les lessives, il faudra que je pose la question. »
    Les deux filles finirent par rejoindre les garçons qui s’étaient assis à une table en bois au bord du lac, le temps était doux et le ciel légèrement ensoleillé, le début du printemps semblait arrivé. Sur la table se trouvait une bouteille d’eau avec quelque gobelet, un saladier avec de la soupe à la carotte et trois bols en plastique ainsi que plusieurs pommes dans une coupelle.  Émilie prit une pomme tandis que Camille se servit en soupe, Steve indiqua en voyant la jeune fille se servir :
    « J’espère qu’elle n’aura pas refroidie, en tout cas elle est très bonne. »
    Émilie croqua dans sa pomme, elle était juteuse et sucrée, un goût plaisant qu’elle n’avait plus connu depuis longtemps, Steve l’observa et indiqua avec le sourire :
    « Elles sont meilleures que celles qu’on avait trouvées avec ton frère, nous elles étaient plus acide que sucré »
    Émilie confirma en hochant la tête, Benoît était également occupé de manger une pomme et observait silencieusement Maxime et Daniel qui jouaient non loin du lac à s’attraper l’un l’autre. Steve annonça joyeusement :
    « On a fait le nécessaire avec Rachel pour Mathilde, dans deux ou trois jours, on ira la chercher. »
    Émilie souri à cette bonne nouvelle, elle aurait aimé être aussi heureuse que son cousin à cette information, mais quelque chose la tracassait dans ses pensées. Elle se devait de poser la question à Steve bien qu’elle redoutât sa réponse, néanmoins, elle prit son courage et questionna en essayant de rester calme :
    « Qu’est-ce que tu penses faire concernant Jordan ? »
    Le sourire de Steve s’effaça, Camille pencha son bol d’une façon étrange avant de se cacher derrière et Benoît tourna légèrement la tête pour écouter ce qu’il se disait. Émilie sentait bien qu’elle avait posé la question qu’il ne fallait pas et que son cousin semblait contenir sa colère, il finit par répondre avec un ton faussement calme :
    « Tant qu’on est sûr de rien, Émilie, on ne fera rien, je pense que ça me paraît évident…
    -Sauf que j’ai besoin de savoir Steve… »
    Émilie semblait désespérée, comment son cousin pouvait-il rester sans savoir, elle n’arrivait pas à le comprendre. Steve avait pris une pomme et un mordit une grosse bouchée, la jeune fille soupçonna son cousin d’avoir poussé un cri au moment où il avait porté le fruit à sa bouche, il finit par indiquer après avoir avalé son bout de pomme :
    « Écoutes, je comprends que tu aies ce besoin, mais on ne va pas risquer nos vies pour quelque chose dont on n’est pas sûr.
    -Justement, il n’y a pas moyen d’aller vérifier si c’est vraiment…
    -Bon écoutes Émilie ! »
    Steve s’était quelque peu levé en interrompant la jeune fille, il reprit avec un ton bien moins calme qu’avant :
    « La priorité, c’est de prendre soin de Mathilde et de Thomas. Ta sœur et ton neveu vont arriver, ils seront en sécurité, tu pourras les voir quand tu veux et toi tout ce qui t’intéresse, c’est de savoir, si oui ou non ton frère est devenu un salaud ! Et je te ferai dire que…
    -JE T’INTERDIT DE PARLER COMME ÇA DE MON FRÈRE, SALE CON ! »
    Émilie s’était également levée, énervée contre son cousin, elle était furieuse contre lui et dû s’empêcher de le frapper, comment pouvait-il parler comme ça de Jordan après tout ce qu’il avait fait pour eux alors que lui n’a jamais été capable d’en faire autant. Steve avait été surpris mais très vite, il se retira en lançant la pomme au loin dans le lac sans dire un mot de plus. Émilie l’observa s’éloigner tandis que des larmes de colère coulèrent sur ses joues, elle en voulait à son cousin autant qu’elle en voulait à son frère, cela la rongeait et elle savait qu’elle n’aurait pas l’esprit tranquille tant qu’elle n’aurait pas de réponse à ses interrogations.

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  • Chapitre XX



    Émilie était apposée contre un arbre, en silence, elle réfléchissait. Camille l’avait accompagnée, mais n’osait pas troubler la réflexion de sa copine, préférant observer l’homme qui tentait désespérément de pêcher dans le lac. Émilie quant à elle fixait le sol sans vraiment le voir, son esprit était en guerre entre ses idées, ses craintes et ses suppositions, une véritable bataille psychique se déroulait dans la tête de la jeune fille. Cela faisait déjà de très longues minutes qu’elle était là à s’embrouiller dans ses pensées. Lorsque Émilie se redressa, Camilla se retourna vers elle, espérant que celle-ci allait se lever, c’était la troisième fois qu’elle agissait ainsi depuis qu’elles étaient toutes les deux venus contre cet arbre, mais Émilie resta assise. Camille finit par se tourner, d’une manière quelque peu agacée vers le pêcheur malchanceux. Au bout d’une dizaine de minutes, Émilie venait d’avoir une grande idée, elle se trouvait idiote de ne pas y avoir pensé auparavant, la jeune fille se leva tandis que son amie demanda en étirant ses bras et en baillant :
    « Qu’est-ce… que tu fais ? »
    Émilie se tourna vers elle quelque peu surprise avant de répondre :
    « Je vais aller voir Rachel, il faut que je lui demande un truc… et euh… merci d’être restée à côté de moi.
    -Ne t’en fais pas, par contre je vais t’attendre dans la caravane, il ne fait pas très chaud dehors.
    -Ok, à plus tard. »

    Émilie retrouva Rachel dans le même bâtiment que la veille, celle-ci était occupée de parler avec Céline d’une ferme abandonnée, lorsque Rachel vit Émilie arriver, elle interrompit la conversation et demanda à la jeune fille :
    « T’as besoin de quelque chose ? »
    La jeune femme rousse s’était retournée afin de voir à qui parlait Rachel, elle salua Émilie avec le sourire, la jeune fille répondit quelque peu gênée :
    « Cela peut attendre, s’il faut, je repasserai plus tard… »
    Rachel s’apprêta à répondre, mais Céline la devança, indiquant :
    « Tu vas pouvoir la recevoir, j’ai quelque chose à aller faire, je te retrouve plus tard. »
    La jeune femme adressa un clin d’œil à la jeune fille, Émilie la remercia d’un geste de la tête tandis que Rachel questionna Émilie :
    « Tu préfères que l’on aille dans mon bureau ? »
    Émilie affirma de la tête et suivit Rachel dans la petite pièce, la jeune femme l’invita à s’asseoir avant de faire de même sur le bureau puis elle indiqua :
    « J’ai su qu’il y a eu une dispute entre toi et Steve, j’imagine que c’est de ça que tu veux parler ? »
    Émilie répondit quelque peu gênée :
    « Euh… non pas vraiment… C’est à propos de ce que tu as dit sur Jordan hier…
    -Merde, je savais que je n’aurais pas dû vous parler de cela… »
    La jeune femme s’était donné un petit coup de poing dans la jambe, visiblement agacée contre elle-même, Émilie lui fit remarquer :
    « Non, non, tu as bien fait, je préfère savoir…
    -J’imagine bien, Émilie, seulement ce ne sont que des rumeurs, on est absolument sûr de rien du tout, ça ne valait pas la peine que je vous en parle si cela crée une dispute entre vous… »
    Rachel semblait désespérée, elle se frottait le front machinalement en fermant les yeux comme pour essayer de calmer un mal de tête. Émilie ne savait pas comment bien expliquer ce qu’elle était venue demander, elle hésita en demandant :
    « Est-ce que justement, il sera possible de… de vérifié si c’est vrai… enfin, je veux dire si Jordan est vraiment là-bas… »
    Rachel observa la jeune fille et se racla la gorge avant d’indiquer tristement :
    « Malheureusement, non, Émilie, j’aimerais que ce soit possible, mais c’est beaucoup trop dangereux d’infiltrer un tel camp pour vérifier si c’est vrai ou non. Mes collègues refuseront et je les comprends tout à fait… »
    Émilie répondit immédiatement :
    « Je suis prête à le faire moi !
    « Quoi ? De… mais non ! »
    Rachel avait été surprise par la réponse d’Émilie, elle rétorqua :
    « Émilie, c’est vraiment trop risqué. Je ne pense pas que Jordan aurait pu devenir un Relanceur, mais imaginons, juste un instant que ce soit le cas et que tu arrives à le découvrir, qu’est-ce que tu ferras ?
    -Je… ce… »
    Émilie s’imagina en face de son frère, découvrant qu’il était devenu un Relanceur, ce dernier baissait la tête comme s’il avait honte, Émilie le suppliait qu’il dénonce la supercherie, elle ne pouvait y croire. Bien qu’elle se fût imaginé pleurer, elle sentit que de véritables larmes commencèrent à couler sur ses joues, Rachel s’approcha de la jeune fille et la serra dans ses bras en lui disant d’un ton triste :
    « Je regrette Émilie, pour le moment, il n’y a rien qu’on ne puisse faire. »

    Après être sortie du bâtiment, Émilie se dirigea vers le lac, bien qu’elle sût que Camille l’attendait, elle avait envie d’être seul. La jeune fille finit par s’asseoir à la table sur laquelle elle avait déjeuné quelques heures auparavant. Elle s’y accouda et se tint la tête entre les mains tout en fermant les yeux, cela l’aida à se concentrer sur ses pensées. La jeune fille finit par s’endormir, elle rêva de son frère, cette fois-ci ce dernier pointait un fusil vers elle et s’apprêtait à tirer. Steve apparut aux côtés de Jordan, il avait également un fusil, mais le pointait sur la tête de Jordan tout en observant Émilie et annonça avec une voix horriblement déformée :
    « Tu vois… Je te l’avais dit… Il est devenu comme eux… JE TE L’AVAIS DIT… Il est l’un des leurs… C’est notre ennemi… L’un des leurs… il faut le tuer, il est devenu comme eux, je te l’avais dit, c’est l’un des leurs, il est devenu comme eux, il FAUT LE TUER ! »
    Émilie pleurait, suppliant Steve de se taire, en affirmant qu’il mentait mais ce dernier crier de plus en plus fort :
    « COMME EUX ! IL FAUT LE TUER ! C’EST L’UN DES LEURS ! JE TE L’AVAIS DIT ! IL FAUT LE TUER ! »
    Des bras obscurs sortirent du visage de Jordan et attrapèrent Émilie, celle-ci se débattait, bougeant ses bras dans tous les sens pour se défaire de l’emprise de ces bras maléfique. D’un coup, son visage fut éclaboussé et à l’instant même les bras disparurent, Émilie se tourna vers son frère, il se tenait la gorge tandis que du sang s’en écouler à une vitesse folle, le jeune homme s’indigna avec un fort écho :
    « Tu m’as tué ? Tu m’as TUÉ !
    -Non ! Non, ce n’est pas moi ! NON ! »
    Émilie nia avoir fait quoi que ce soit, mais elle se rendit compte d’un coup qu’elle tenait son poignard dans sa main et que la lame de ce dernier était ensanglantée. Immédiatement elle s’excusa :
    « Non ! Je ne voulais pas, c’était un accident ! Jordan, ne meurs pas, c’est un accident !
    -Moi aussi ça allait être un accident ? »
    Tom était apparu à côté de Jordan, son visage était craquelé, fissuré, il semblait de très mauvaise humeur. Émilie répondit en pleurant :
    « Non ! Je ne t’ai pas tué !
    -Tu es SÛRE ? »
    Le dernier mot qu’il hurla résonna tandis que Tom disparut, Jordan quant à lui s’effondra à terre, tandis que la flaque de sang qui l’entourait ne cesser de s’accroître. Émilie, voulu s’agenouiller à ses côtés mais une main blanchâtre la retenue, d’une voix fragile, presque en murmurant, Mathilde implora :
    « Qu’as-tu fait ? »
    Elle alla s’agenouiller auprès du corps de Jordan, ses longs cheveux cachaient son visage, mais Émilie entendait distinctement ses pleurs, la jeune fille voulue s’approcher de sa sœur pour la réconforter et s’excuse, mais lorsqu’elle s’avança Mathilde se tourna vers elle et hurla :
    « QU’AS-TU FAIS ? »
    Émilie chercha à s’excuser, elle supplia sa sœur de lui pardonner, mais les pleurs de cette dernière devenaient de plus en plus fort, jusqu’à devenir assourdissant.  Seule une voix arrivée à percer les cris, la voix ne cessait de répéter :
    « ili…. Eh ili… Émilie… ÉMILIE ! »

    La jeune fille se réveilla en sursaut, tandis qu’elle se sentait secouée et que quelqu’un l’appelait :
    « Émilie, oh, Émilie… »
    Tandis qu’elle se redressa et s’étira, ses bras étant endoloris après qu’elle eut dormi dessus, elle répondit avec une voix un peu étouffée :
    « C’est bon Jordan, je suis réveillée…
    -Jordan ? »
    Elle se frotta les yeux tout en s’excusant :
    « Euh… pardon, Benoît, désolé. »
    Le jeune garçon l’observait, il semblait inquiet et demanda :
    « Ça va ?
    -Pardon ? Euh, oui ça va… juste un mauvais rêve.
    -Mauvais au point qu’il te fasse pleurer apparemment. »
    Émilie ne comprit pas jusqu’à ce qu’elle touchât ses joues, elles étaient humides, la jeune fille remarqua également que la table était mouillée à l’endroit où elle s’était endormie. Benoît s’assit à ses côtés tout en demandant :
    « De ce que j’ai compris, Jordan, c’est ton frère ? »
    Émilie hocha la tête de manière affirmative tandis qu’elle bâillait, Benoît questionna de nouveau :
    « C’est de lui que tu viens de rêver ?
    -Je n’ai pas trop envie d’en parler…
    -Je peux comprendre… Moi-même je ne sais pas ce que devient Jonathan… »
    Émilie fut prise de surprise, elle se rendit compte qu’elle avait oublié que Jonathan avait disparu avant les événements et qu’il ne devait pas être informé de la présence de ses deux frères ici, s’il était encore en vie. La jeune fille demanda à son ami, avec l’espoir de trouver conseil :
    « Tu n’as pas envie de savoir ce qu’il devient ? Où il est et ce qu’il fait ?
    -Bien sûr que si Émilie, j’y pense régulièrement, mais d’un autre coté... »
    Benoît sembla se refermer sur lui-même, il détourna le regard et sa respiration se fit un peu plus forte. Émilie acheva pour lui :
    « Tu gardes espoir sur le fait qu’il soit encore en vie…
    - Voilà… »
    Le jeune garçon sécha les quelques larmes qui venaient de couler, Émilie lui indiquant alors :
    « Quant à mon frère, ils pensent l’avoir vu dans un camp de Relanceur…
    -Il a été fait prisonnier ? »
    Benoît avait demandé ça de manière effrayée, Émilie lui indiqua tristement :
    « Non, il semblerait qu’il soit devenu l’un de leurs chefs…
    -Oh… »
    Benoît sembla aussi attristé qu’Émilie, il indiqua sur un ton qui se voulait rassurant :
    « Si c’est le cas, au moins, il est en sécurité.
    -C’est impossible…
    -Quoi donc ?
    -Mon frère ! Il ne serait jamais devenu un Relanceur, il détestait cette guerre, c’est totalement impossible…
    -Dans ce cas, c’est peut-être pas lui, ils se sont peut-être trompés.
    -Et si c’est lui ? Et qu’il soit infiltré là-bas où je ne sais quoi…
    -Je ne sais pas quoi te dire Émilie…
    -Il faut que je sache… »
    Émilie se posait trop de question et elle savait qu’elle n’aurait pas l’esprit tranquille, elle se leva et se dirigea vers sa caravane, bien décidée à agir.


    « Tu es complètement folle, je t’interdis de faire ça ! »
    Camille suivait Émilie qui se dirigeait vers la caravane de Steve, la jeune fille venait d’expliquer à sa copine qu’elle avait décidé d’aller jusqu’au camp des Relanceurs afin de savoir, si oui ou non, son frère s’y trouvait. Camille avait d’abord pris cela à la rigolade, mais voyant qu’Émilie avait pris son poignard ainsi qu’un blouson, elle avait vite cherché à l’en dissuader, sans succès. Émilie lui fit remarquer de nouveau :
    «Je comprends que tu ne sois pas d’accord Camille, mais tant que je ne saurais pas, je n’arriverai pas à dormir »
    Elle toqua à la porte de son cousin tandis que Camille rétorqua :
    «Tu n’es pas obligée d’y aller, on peut demander à quelqu’un d’aller vérifier pour toi
    -J’ai déjà demandé cela, ils ne veulent pas…
    -Quoi ! Mais… Je t’en prie Émilie ne fais pas ça, je suis sûre que… »
    Camille s’interrompit lorsque Steve ouvrit la porte, il observa les deux jeunes filles et demanda quelque peu agacé :
    « Qu’est-ce que vous voulez ? »
    Camille y vit un espoir et râla à sa copine :
    « Vas-y dit lui ton projet, on verra s’il est d’accord…
    -Je n’ai pas besoin de son accord…
    -Qu’est-ce qui se passe ? »
    Steve sembla d’un coup plus inquiet, Émilie questionna :
    « Tu serais d’accord pour me donner ton fusil, vu que pour le moment tu en as plus besoin ?
    -Qu’as-tu prévu de f….
    -Elle veut aller dans le camp de Relanceurs pour aller retrouver son frère ! »
    Camille avait interrompu Steve, elle semblait folle de rage, Steve lui-même s’offusqua :
    « Quoi ! Mais il en est hors de question ! »
    Émilie indiqua calmement :
    « Tu peux m’accompagner si tu le veux, mais tu ne m’empêcheras pas d’y aller.
    « Écoutes-moi Émilie… Mathilde et Thomas vont arriver dans quelques jours, je ne vais pas les abandonner juste parce qu’il est possible que Jordan se trouve là-bas et tu ne nous abandonneras pas non plus.
    -Ce n’est pas à toi de décider ce que je dois faire ou non !
    -C’est ce qu’on verra, je vais aller voir Rachel et on verra ce qu’elle en pense.
    -Rachel non plus ne pourra pas m’empêcher d’y aller. »

    Steve avait foncé jusqu’au bâtiment d’accueil, derrière lui, Émilie le suivait agacée et Camille en faisait de même. Une fois à l’intérieur, le jeune homme avait crié afin que Rachel l’entende, celle-ci sortit paniquée de son bureau et demanda inquiète :
    « Qu’est-ce qui se passe ?
    -Il se passe qu’Émilie s’est mis dans la tête d’aller jusqu’au camp des Relanceurs pour savoir si son frère s’y trouve ou non, pourrais-tu s’il te plaît lui dire que c’est trop risqué et que c’est pour cela qu’on lui interdit d’aller là-bas. »
    Rachel sembla désemparée et répondit navrer :
    « Je regrette… »
    Steve sembla soulagé et fier jusqu’à ce que Rachel achevât sa phrase :
    « …Steve
    -Hein quoi ? »
    Le jeune homme fut perturbé, il semblait ne pas comprendre et rétorqua :
    « Quoi mais tu ne vas pas la laisser faire !
    -Steve, j’ai promis que je n’empêcherais personne de partir, alors si Émilie souhaite aller là-bas je vais p…
    -Mais pas à son âge, c’est qu’une enfant !
    -Je sais me débrouiller ! »
    Rachel et Steve se tournèrent vers Émilie, cette dernière était furieuse, mais tenta de garder un ton calme lorsqu’elle déclara :
    « Ce serait bien que tu arrêtes de me voir comme une enfant… moi aussi j’ai dû survivre à la guerre, moi aussi j’ai vu des choses horribles se passer sous mes yeux, moi aussi j’ai dû apprendre à me défendre. J’ai grandi à travers tout ça, j’ai toujours connu ça, le premier homme que j’ai dû tué, je l’ai fait quand j’avais cinq ans… Vous croyez vraiment que l’on est encore une enfant après ce genre de chose, que l’on est encore une enfant lorsqu’on nous apprends à viser la tête ou le cœur, lorsque l’on se réveille sans être sûre qu’au soir on va retourner se coucher…  Cela fait longtemps que je ne suis plus une enfant… J’ai dû faire face à tellement de choses que je ne pourrai jamais être une enfant… Si j’ai appris à survivre à tout cela, ce n’est pas toute seule, c’est grâce à toi Steve, grâce à Christophe, à Mathilde mais surtout grâce à Jordan… Alors tant pis si toi tu t’en fiches de lui, de savoir où il est et ce qu’il est devenu mais moi j’ai besoin de le savoir. Je préfère aller là-bas et prendre ce risque plutôt que de rester enfermée ici à attendre sagement, je comprends que tu veuilles rester ici pour Mathilde et votre bébé, je ne t’en veux pas, la seule chose que je te demande c’est de comprendre et de respecter ma décision… Je ne suis plus la petite Émilie, Steve, il serait temps que tu le comprennes. »
    Émilie s’était mise à pleurer en parlant, elle venait de dire tout ce qu’elle avait sur le cœur et cela la soulagée d’un grand poids. Steve ne paraissait pas indifférent à ce qu’il venait d’entendre, Camille pleurait également, visiblement touchée par ce témoignage. Steve indiqua d’une voix quelque peu étouffée :
    « Mais… Toute seule… »
    Quelques larmes se mirent à couler sur les joues du jeune homme, il s’agenouilla face à la jeune fille et sans dire un mot la serra dans ses bras. Émilie lui rendit son câlin, elle savait que partir n’allait pas être simple, mais ne s’était pas attendu à cela, les larmes se mirent à couler de plus belles sur ses joues. Camille indiqua d’une voix faible :
    « Je t’accompagnerai ma chérie… »
    Steve et Émilie relâchèrent leur étreinte et se tournèrent vers la jeune adolescente qui expliqua :
    « Je ne voulais pas te laisser partir, car je ne voulais pas te perdre, mais maintenant je comprends que c’est si je t’empêche d’y aller que je vais te perdre, je respecte ta décision et je t’accompagne. Je préfère risquer ma vie à tes côtés plutôt que de vivre seule en sécurité et je sais que ,pour rien au monde je ne te quitterais, que tu le veuilles ou non, je te suivrais »
    Camille semblait inquiète de la réaction d’Émilie mais cette dernière répondit avec le sourire :
    « On a dit qu’on voyagerait ensemble non ? »
    Les deux filles s’embrassèrent tandis que Rachel indiqua à Steve, tout en séchant ses larmes :
    « Je vais demander à Sandra et Céline de leur montrer le chemin et on leur fournira du matériel. »


    « Vous allez me manquer !
    -À moi aussi »
    Daniel et Maxime venaient d’apprendre que Camille et Émilie s’apprêtaient à partir. Les deux filles avaient annoncé leur projet au reste du groupe durant le repas du midi. Émilie répondit aux jeunes garçons :
    « Vous en faites pas pour nous, en revanche Daniel, je compte sur toi pour rester très sage et prudent, d’accord ?
    -Promis ! »
    Les deux jeunes garçons repartirent aussitôt courir l’un derrière l’autre autour du lac. Benoît, qui avait été enthousiaste à l’annonce des filles, leur avoua :
    « Je ne pourrai jamais prendre ce genre de décision et ce même si… »
    Camille sembla dubitative, mais Émilie savait de quoi il parlait, elle lui indiqua :
    « Si jamais j’apprends quoi que ce soit, je te le ferai savoir à notre retour.
    -Je te remercie, bon courage en tout cas… »
    De bruits de pas se firent entendre derrière les filles qui se retournèrent, Steve, Sandra et Céline s’approchaient. Steve tendit son fusil à Émilie tout en indiquant :
    «Tiens, je te le donne, c’est la moindre des choses que je puisse faire pour t’aider.
    -Entre toi qui m’offres un fusil et Jordan qui m’offre un poignard, vous avez des cadeaux bien étrange pour une soi-disant enfant…
    -Ah ah, c’est bon, j’ai compris, n’insiste pas trop là-dessus sinon je m’énerve de nouveau… »
    Tandis que Céline offrait un fusil à Camille, Émilie se rapprocha de Steve pour le serrer dans ses bras, elle lui chuchota :
    « Désolé de t’avoir insulté de con ce matin…
    -Ne t’en fais, c’était mérité, j’ai vraiment agi comme tel… Promets-moi d’être extrêmement prudente d’accord…
    -En échange promet moi de prendre soin de Mathilde et Thomas.
    -C’est promis.
    -C’est promis aussi. »
    Ils se redressèrent tous les deux et Céline annonça :
    « Tenez, voilà un sac avec quelques provisions, c’est un cadeau de Rachel, malheureusement elle ne peut pas venir vous dire au revoir, mais elle vous souhaite bon courage. Si vous êtes prêtes, on va pouvoir y aller. »
    Les deux filles saluèrent Benoit et Steve et suivirent les jeunes femmes qui se dirigèrent vers la forêt.

    Le soleil se couchait, donnant au ciel une couleur entre le rose et le violet, cela faisait plusieurs dizaines de minutes que Céline et Sandra avaient quitté les deux jeunes filles après les avoir aidées à traverser la forêt. Le vent commençait à souffler et l’air se rafraîchissait, les deux jeunes filles avaient avancé jusqu’à une petite maison de campagne faites de pierres grises, la moitié du toit était effondré, ce qui leur permit d’allumer un petit feu sans risquer d’être enfumé. Émilie s’y était assise en face, son fusil était posé au sol à côté d’elle, machinalement elle avait sorti son poignard et observa la lame à la lumière des flammes, elle pensait à son frère. Elle ignorait ce qui l’attendait là-bas, mais elle se sentait prête à y faire face si cela pouvait lui permettre de se sentir mieux. Camille revint, son fusil dans les bras et indiqua :
    « C’est vraiment très grand, à la vue des lumières, ils sont plusieurs et ont des véhicules, ça va pas être facile… »
    Émilie ne répondit pas tout de suite, perdue dans ses pensées, elle finit par se relever en demandant :
    « Tu peux surveiller le feu, je vais aller y jeter un coup d’œil.
    -D’accord mais prend ton fusil, je n’aime pas quand tu te balades sans… »
    Émilie céda et prit l’arme dans ses mains bien qu’elle préférât avoir son poignard, elle sortit de la bâtisse et grimpa le sommet de la colline qui se trouvait à une dizaine de minute de marche. Une fois au sommet, elle vit l’exploitation agricole qui se trouvait en contrebas à plusieurs dizaines de kilomètres de là. De nombreuses lumières étaient allumées, dévoilant les troupes de soldats qui s’y trouvaient, une trentaine d’hommes qui parcourait la zone extérieure entre la dizaine de bâtiments. Un véhicule tournait autour du complexe, avec à son bord trois personnes armées prêtent à faire feu au moindre intrus. Émilie ressentit de l’angoisse, elle était effrayée, mais n’avait aucune envie de faire demi-tour, elle repensa à tout ce qu’elle avait vécu depuis qu’elle avait quitté le centre hospitalier, de la principale raison qui l’avait poussée à faire cela, retrouver son frère. Maintenant qu’elle était plus proche que jamais, elle sentait en elle le besoin d’aller jusqu’au bout, qu’importe le danger, le risque d’être blessé ou de mourir, elle avait pris une décision et la tiendrait. Elle en avait marre de tout cela, pour elle, désormais il n’était plus question de se cacher, mais d’être libre, elle en avait marre de chercher à simplement survivre, ce qu’elle voulait, c’était vivre.

    FIN

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