• Chapitre XI

    Chapitre XI

     

    « Prendre le train ? C’est une idée est bien trop risquée pour qu’on s’y tente ! »
    Jordan avait répliqué aussitôt, il avait déjà pris beaucoup de risque en arrivant jusqu’ici pour tenter encore sa chance. Mais Maxime expliqua :
    « Pas si risqué que ça, vous ne serez pas les premiers à le faire ni même les derniers, beaucoup de personnes l’ont pris en douce pour aller en ville. Parfois le train s’arrête de nuit à la gare pour transporter des vautours non villageois, ramener des munitions ou des médicaments, là il est moins surveillé que lors du ravitaillement en nourriture. Il suffit de se cacher dans une de leur poubelle, de grandes caisses remplie d’ordure, ça sent mauvais alors ils ne s’embêtent jamais à vérifier. »
    Jordan observa sa sœur, celle-ci semblait le supplier du regard de ne pas accepter cette proposition. Il savait qu’elle n’accepterait pas que leur famille soit de nouveau mise en danger alors qu’ici ils étaient en sécurité et avait tout pour vivre tranquille.
    « C’est gentil de vouloir nous aider mais on préfère ne pas tenter de nouveau notre chance.
    -Pas de soucis, si jamais vous changez d’avis, je sais qu’un autre jeune couple a prévu de le prendre quand il passera dans trois jours. »
    Bien qu’il ait refusé, Jordan continuait à réfléchir à la chose, si sa sœur pouvait être emmenée dans un hôpital avec de vrais médecins ça serait mieux pour elle et son enfant.  Alors que Jordan était parti réfléchir dans son coin, Steve s’approcha de lui et déclara :
    « Toi aussi tu penses que ce serait mieux pour Mathilde si on l’emmène jusqu’à l’hôpital.
    -Bien sûr mais tu la connais, elle refusera de prendre le risque même si cela en vaut la peine.
    -Oui il sera difficile de la convaincre mais il faut qu’on le fasse. »
    Jordan ajouta avec humour :
    « T’as conscience que de tenter de la convaincre sera plus risqué que de prendre le train ?
    -Risqué ? T’es optimiste ! »

    Une longue journée de tentatives venait de s’écouler, au début Jordan et Steve arrivé à entamer le sujet mais au bout d’un moment la jeune fille les évitait, totalement agacé de toujours devoir leur dire non. Ce soir-là, Steve arriva près de Jordan et lui tendit un bol :
    « On a réussi à faire des chips, tu veux gouter ? »
    Jordan en saisit et mangea, c’était l’une des meilleures choses qu’il avait mangé depuis un moment. Steve déclara :
    « C’est mission impossible j’ai l’impression, on n’arrivera pas à la faire changée d’avis, du moins pas en deux jours…
    -Tu l’as dit, faudrait demander à Maxime quand sera le prochain train de nuit, avec un peu de chance d’ici là on arrivera à la convaincre.
    -Ou alors vous me demandez à moi. »
    Émilie avait parlé tout en prenant des chips dans le bol. Elle continua :
    « Vous m’intégrez jamais dans vos plans alors que je pourrai vous aider. »
    Steve se tourna vers la jeune fille :
    « C’est gentil de vouloir nous aider Émilie mais si on n’a pas réussi, je vois pas pourquoi t’y arriverais
    -Non ce n’est pas une mauvaise idée, après tout il n’y a rien à perdre à la laisser essayer, vas-y Émilie ! »
    Émilie ravie de pouvoir se montrer utile alla rapidement voir sa sœur, quelques minutes plus tard ces deux dernières vinrent vers les garçons. Mathilde sembla énervée et dit agacée :
    « C’est malhonnête d’utiliser Émilie pour ça !
    -Peut-être…mais ça t’a fait changer d’avis ?
    -Vous m’agacez….mais c’est d’accord, j’imagine que si cela peut-être la meilleure solution pour mon enfant alors le risque en vaut la peine. »
    Jordan remarqua à quel point Émilie semblait fière d’elle, il la félicita se demandant comment elle avait fait, sa petite sœur était pleine de surprises.

    Ce n’était pas la première fois que Maxime aider des gens à prendre le train en douce, il avait expliqué le plan à Jordan et tout deux l’avaient récité plusieurs fois, point par point, pour être sûr que tout ce passe au mieux. Ils rentrèrent tous dans le village dans la journée précédant la nuit de leur plan, ils parvinrent à aller se réfugier dans la cave d’une maison délaissée, là où attendait l’autre couple. Avant de quitter la scierie, Jordan avait réuni leurs affaires et quelques provisions de nourriture dans leur sac, ils étaient munis de leurs deux fusils restants. La fille et le garçon étaient tous deux légèrement plus âgés que Jordan, la jeune fille semblait concentrée dans ses pensées tandis que le jeune homme semblait les analyser, Jordan et le reste de sa famille, du regard. Ils étaient eux aussi armés de fusil mais pas de fusil de chasse normaux, ceux-ci semblaient presque être des fusils militaires. Jordan entama la conversation avec le garçon du couple :
    « Salut, je me présente Jordan et ça c’est ma famille ainsi que Maxime que vous connaissez peut-être
    -Oui on le connaît, ravi de te rencontrer, moi c’est Pierre, alors vous aussi vous avez décidé d’aller en ville.
    -Oui on n’a pas vraiment le choix, vous y aller pourquoi vous, si ce n’est pas indiscret ?
    -Oh non du tout…on y va pour rejoindre les Résistants, on veut pouvoir se rendre utile. Et vous ?
    -Ma sœur ici présente est enceinte et il sera meilleur pour elle et son futur enfant de l’emmener dans un hôpital. »
    Lhomme s’adressa à Mathilde avec un grand sourire avant de reparler à Jordan :
    « Toutes mes félicitations ! Si vous voulez on pourra vous escorter on se dirigera de ce coté-là de toute façon.
    -Ce sera la bienvenue. »
    Alors que la nuit s’avançait doucement, Jordan avait continué à discuter avec Pierre, tandis que Mathilde et Émilie avaient réussi à entamer la conversation avec la dénommée Hélène. Maxime qui était parti jeter un coup d’œil entre-temps vers la gare revint avec un autre homme plutôt robuste. Maxime le présenta au groupe :
    « Voici Fabrice, il a plusieurs fois pris le train en douce et souvent aider des personnes à la faire, il connaît bien la chose et est d’accord pour nous aider.
    -Ce n’est pas aussi compliqué que ça en a l’air, il vous suffira de rentrer dans leurs conteneurs poubelles, ils sont assez grands pour accueillir une à deux personnes selon comment ils sont remplis. Vu que vous êtes six le mieux c’est que vous prévoyez de faire trois groupe de deux personnes, vous changerez si besoin mais sachez qu’il n’y a que cinq conteneurs. Vous vous planquez dedans avant que le train arrive, les vautours les chargent dans le wagon arrière, accrochez-vous à ce moment-là ça secoue pas mal, suffit de s’appuyer contre  les parois, ensuite vous attendez que le train démarre et prenne assez de vitesse avant de sortir des conteneurs sans danger. Une fois en ville, il faudra descendre du train avant qu’il arrive en gare sinon vous vous ferez tuer à l’arrivée. Il vous suffira d’attendre qu’il ralentisse un peu, par chance il y a un gros virage avant la gare, donc vous pourrez en descendre suffisamment à l’avance pour ne pas être vus.  Pour repère, vous pouvez descendre  au moment où le train passe devant le vieux garage et à partir de là vous allez en direction de l’hôpital, c’est le bâtiment le plus facilement repérable, pour rejoindre la zone résistante. Le mieux c’est de passer par les quais qui longent le canal pour ne pas se faire repéré, vous avez tous compris ? »
    Tout le monde acquiesça, Jordan trouva ce plan très simple à mettre en œuvre, cela l’inquiétait presque. Fabrice conclut :
    « Dans ce cas, jeunes gens, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne réussite dans votre tentative. Tu vas pouvoir les emmener Max, le train ne va plus tarder à arriver et les Vautours sont tous occupés à boire et s’amuser dans la vieille gare en attendant son arrivée.
    -Je te remercie, Fab’, t’es un ami. »
    Alors que l’homme sortit de la cave, Maxime s’approcha de Jordan et lui demanda presque en chuchotant :
    « Je sais pas trop comment te demander ça….comme tu le sais, si vous m’aviez pas trouvé je serai sûrement mort à l’heure qu’il est et les Vautours doivent penser que je le suis. Heureusement, j’avais placé ma fille chez Fabrice pour sa sécurité et je voulais savoir si ça te déranger pas si je l’emmenais vivre avec moi dans la scierie où vous étiez. »
    Jordan répondit avec le sourire :
    « Tu en fais ce dont tu en veux, cet endroit ne nous appartient pas
    -Ah…merci, merci beaucoup »
    Il serra la main de Jordan et s’adressa au groupe :
    « Allez les jeunes, suivez –moi. »

    Ils arrivèrent non loin de la gare, sur le chemin Jordan avait remarqué que quelque personne avaient jeté un coup d’œil à travers leurs fenêtres mais personne semblait vraiment réagir. Le groupe était caché dans une vieille cour dont les murs étaient presque tous tombés, de là Maxime leur montra les conteneurs poubelles. De la lumière venait des petites fenêtres du bâtiment ferroviaire, comme l’avait prévu Fabrice, les Vautours devaient être à l’intérieur en attendant le train. Maxime leur fit traverser les rails jusqu’aux poubelles, celles-ci n’étaient pas fort remplies, il y avait assez de place pour s’y cacher à deux dans chacune. Ainsi Jordan se cacha avec Émilie, Mathilde avec Steve et Pierre avec sa copine. Émilie se plaignit de l’odeur infecte qu’il y avait là dedans, Jordan lui dit de ne pas y faire gaffe bien que lui aussi eut du mal à la supporter. Maxime leur souhaita bonne chance et s’en alla, laissant les jeunes se cacher parmi les ordures. Jordan n’avait pas pris le temps d’observer sur quoi il s’était allongé mais préféra ne pas y penser, dans l’obscurité il sentait Émilie allongé sur lui qui tremblait. En grand frère il lui demanda :
    « Tu as peur ?
    -Non, j’ai juste froid
    -Oh…je crois entendre le train arrivé, reste calme et ne fais pas de bruit. »
    Effectivement le train arriva, un bruit sourd annonçait sa venu, des voix indiquèrent que les Vautours étaient sortis. L’un d’eux hurla :
    « Patrick ! Dépêches-toi de prendre le lève-palette, aujourd’hui c’est toi qui te colles aux poubelles !
    -Quoi ? Mais c’est Maxime qui devait le faire cette fois-ci !
    -Il a disparu alors tu t’y colles. 
    -La poisse, ça put l’horreur ces trucs. »
    Un moteur démarra non loin, Jordan entendit la machine s’approchait tandis que le train s’arrêta calmement en gare. Plusieurs Vautours parlaient entre eux mais Jordan ne se concentra pas là-dessus, le dénommé Patrick s’occupa de charger un premier conteneur dans le train, puis une seconde, avant que ce soit celle où Jordan se trouvait qui bougea. Effectivement, comme prévu, cela secoua beaucoup le conteneur, le jeune garçon sentit un liquide glacial se renverser sa main mais fit son possible pour ne pas réagir. Un dernier grand choc sembla indiquait qu’il était désormais dans le wagon mais il ne pouvait pas encore bouger pour le moment. Les deux autres conteneurs furent chargés, les Vautours continuaient de discuter entre eux, tandis que d’autres choses semblaient être chargées ou déchargées. Le train resta sans bouger pendant près d’une quinzaine de minutes, Jordan devait faire des efforts constant pour ne pas vomir avec l’odeur infecte qui régnait dans leur poubelle, Émilie semblait faire de même. Le train commença finalement à avancer et une fois celui-ci ayant pris assez de vitesse pour être éloigné du village, Jordan décida de sortir. Il poussa le couvercle mais celui-ci était bloqué, il paniqua et poussa de toutes ses forces mais quelque chose retenait le couvercle. Jordan commença à paniquer, lui et sa sœur était-il piégé ? Mais la voix de Pierre parla non loin :
    « Attends ! »
    Il ouvrit le couvercle quelques secondes après, expliquant avec le sourire :
    « Il avait posé des vieux parpaings et une caisse dessus . 
    -Ah ok….merci. »
    Émilie s’empressa de sortir et alla vomir dans une des poubelles vides, Jordan sortit et fit de même en remarquant le liquide marron et visqueux qui s’était renversé son bras. Steve l’observa dégouter en demandant inquiet :
    « Est-ce que c’est de…
    -Tais-toi s’te-plaît ! Je ne veux même pas savoir ce que c’est. »
    Pierre lui tendit une petite bouteille d’eau :
    « Tiens, rinces-toi le bras, vu l’odeur ça vaut mieux »
    Jordan le remercia et s’exécuta tout en observant l’intérieur du wagon. C’était un vieux wagon rouillé, basique et poussiéreux,  les portes avaient été décrochées pour une raison que Jordan ignorait mais cela donnait la possibilité d’observer le paysage défilant à toute vitesse.

    Émilie et Mathilde avaient fini par s’endormir dans un coin, Jordan et Steve observaient les champs qui défilaient sous leurs yeux, le paysage était devenu neigeux désormais. Jordan trouvait une certaine joie à revoir de la neige, cela lui rappelait de bon souvenir et voir que la beauté de la nature était encore présente lui faisait plaisir. Steve qui semblait tout aussi nostalgique, lui demanda :
    « D’ailleurs, tu penses qu’on a déjà passé la période des fêtes ?
    -Je ne sais pas, je ne serai même plus dire quel mois, on est…
    -Hum…moi non plus. Ça semble tellement absurde de nos jours, l’idée que pendant un soir, la famille s’offrait des cadeaux, partager un repas et discutait dans la bonne humeur
    - Ouais enfin, au début du repas, une fois qu’ils avaient tous bien consommés, ça ressemblait plus à un conflit d’idée »
    Jordan et Steve rirent à ce souvenir, Steve continua :
    « J’y repensais l’autre fois, je préfère ne pas avoir de faux espoir bien sûr mais en allant en ville, on a une chance de revoir nos parents, surtout qu’on va dans la zone des Résistants. »
    Jordan observa ses sœurs endormies et demanda à Steve :
    « C’est vrai mais…ne partage pas cette idée avec les filles, surtout Émilie.
    -Ne t’en fais pas. En tout cas pour le moment notre plan s’est bien déroulé.
    -Pour le moment oui… »

    Près d’une heure plus tard, le train était arrivé en ville. Ce n’était pas une ville remplie d’immense gratte-ciel comme celles qu’on pouvait voir dans les films américains, les quelques immeubles présents devaient à peine attendre les dix étages. La plupart des bâtiments étaient vides, certains étaient détruits par endroits et d’autres étaient complètement à terre. Jordan, qui avait réveillé ses sœurs, eut plaisir à ressentir l’air marin des lieux, une sensation qu’il n’avait plus connue depuis longtemps. Le train avait effectivement commencé à ralentir, alors que Jordan attendait de voir l’ancien garage comme leur avait suggéré Fabrice, Pierre s’approcha de lui et déclara :
    « On va descendre.
    -Attends, faut qu’on voit le garage pour repère.
    -Non on va descendre maintenant ! »
    Pierre avait dit cela avec un ton autoritaire, Jordan se retourna, le défiant du regard, quelque chose n’allait pas. Jordan demanda furieusement :
    « Et pourquoi devrais-je t’obéir ? »
    Pierre répondit agacé :
    "Écoutes…on vous a menti car on était pas sûr de pouvoir vous faire confiance. On est des résistants et là on est en mission, notre groupe a prévu de faire dérailler ce train et nous on doit s’assurer que les civils le prenant en douce sont sécurisés, donc soit vous sautez du train maintenant, soit vous attendez qu’il déraille mais faut faire vite. »
    Jordan ne savait pas quoi penser et n’avait pas trop le temps de juger si ce que disait Pierre était vrai ou non, dans le doute il invitât sa famille à sauter du train. Steve sauta en premier, puis Mathilde et vint le tour de Jordan, il observa le sol défilait sous ses pieds, et sauta sans prendre le temps de respirer. Hélène aida Émilie à le faire et enfin Pierre descendit du train, Ils se réunirent tous et Pierre hurla :
    « Vîtes, courez vers la bouche d’égout ! »
    Alors qu’il courait, Jordan s’arrêta et se retourna lorsqu’il entendit l’horrible bruit que venait de faire le train. De grandes étincelles sortaient des roues tandis que le train commença à dévier vers la route tout en se couchant sur le côté, il glissa sur quelques mètres puis s’arrêta, fumant par endroit. Quelques Vautours sortirent du train accidenté, des résistants sortirent d’un peu partout et les tirs commencèrent, Pierre et Hélène se cachèrent près d’un tas de débris et la jeune femme hurla à la famille :
    « Allez-y, on vous couvre ! »
    Jordan reprit sa course, il n’avait pratiquement jamais couru aussi vite que maintenant, il arriva jusqu’à la grande bouche d’égout qui avait était préalablement ouverte. Steve étant armé descendit l’échelle en premier et Jordan ferma la marche. Mathilde avait sortit la lampe-torche pour éclairer les longs tunnels qui avaient gardé une forte mauvaise odeur bien qu’ils étaient asséché mais ce ne fut pas leur priorité. Ils avancèrent pendant un bon moment comme ça, avec cette odeur horrible mais celle-ci semblait s’alléger pour laisser place à l’air marin. Ils arrivèrent près d’une grande sortie d’égout qui donner sur la plage et la mer, Jordan ne savait pas combien de temps ils avaient marché mais le soleil semblait déjà se levé au loin. La famille alla s’asseoir dans le sable, ils n’entendaient plus aucun coup de feu, tous étaient trop épuisés pour parler. Jordan se laissa s’allonger dans le sable et fut prêt à s’endormir lorsqu’une voix se fit entendre derrière eux :
    « Ne vous retournez pas et dites-moi qui vous êtes ! »

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