• Chapitre X

    Chapitre X

     

    Émilie marchait en compagnie de Jordan, il était venu la sauver dans la vidéothèque de justesse, frère et sœur étaient enfin réunis. Le plus beau pour Émilie, c’est que Tom les accompagnait, il lui tenait la main tandis qu’ils avançaient vers une grande ferme d’où on entendait des bruits d’animaux. Émilie s’arrêta au milieu de la cour pour profiter des rayons du soleil puis elle serra son frère dans ses bras afin de le remercier d’être revenu. Elle le relâcha et tout ce qui se trouvait autour d’elle devenu sombre et vide, elle était désormais seule et avait très froid, elle entendait des échos de voix qui parlaient au loin. Plus les voix s’approchaient et devenaient claires, moins elle avait froid, mais elle avait également une douleur qui se faisait de plus en plus sentir dans son bras.

    Lorsqu’elle se réveilla de son long sommeil, Émilie hurla un grand coup, tellement fort qu’elle dut reprendre son souffle pendant plusieurs secondes. Elle regarda son bras au niveau de sa blessure, celle-ci était recouverte d’un bandage blanc très propre, son bras lui faisait encore un peu mal, mais c’était très léger par rapport à auparavant. La jeune fille observa autour d’elle, elle était dans une petite pièce, allongée sur un lit recouvert d’une grosse couette, à côté duquel se trouvait une caisse sur laquelle étaient posés plusieurs objets médicaux dont une seringue, des compresses, du bandage et une serviette, seule la petite lampe de chevet à ombrelle sortait du lot. En dehors de cela et d’un câble au sol qui allait jusque sous son lit, il n’y avait rien dans cette pièce en bois, faites de grosses planches, la seule porte se trouvait dans le coin droit qui lui faisait face. Émilie tenta de se remémorer les événements qui l’avaient conduite ici, la dernière chose dont elle se souvenait, c’est d’avoir entendu quelqu’un l’appeler dans la vidéothèque, mais elle ne savait plus de qui il s’agissait. Une jeune femme entra dans la pièce, troublant la réflexion d’Émilie, celle-ci devait avoir un peu moins de la trentaine et était plutôt maigre, elle était vêtue d’un jean et d’un pull en col roulé vert pomme sur lequel retombaient ses longs cheveux châtains bouclés, elle portait également des lunettes qui mettaient en valeur ses yeux bruns, Émilie trouva la jeune femme très jolie, presque d’un air d’ange, son regard rassurant et son sourire amicale participaient à la chose, tant il était rare de voir des gens sourire lors de la première rencontre habituellement. La jeune femme commenta en observant Émilie :
    « Eh bien, au moins quand tu te réveilles, ça s’entend. »
    Elle avait dit cela d’un ton amusé ce qui fit sourire Émilie, la jeune femme alla s’asseoir sur le lit à côté des jambes d’Émilie avant de lui demandait :
    « Comment vas-tu ma grande ?
    -Ça… Ça peut aller, je n’ai plus trop mal, mais j’arrive plus à me rappeler comme il faut ce qui s’est passé.
    -Tu t’es évanoui, c’est normal que tu sois chamboulé et que t’aies du mal à réfléchir, ne t’en fais pas ça reviendra avec le repos.
    -Comment ça se fait que je me sois évanoui avec une simple coupure, ça m’est déjà arrivé de me blesser pourtant…
    -La plaie était importante, j’ai dû la recoudre, tu vas sans doute garder une légère cicatrice. T’as perdu beaucoup de sang, si l’on ajoute à cela le fait que tu manges peu ou de la fatigue plus le fait que tu sois en pleine croissance, on a plein de possibilités qui font que tu sois évanoui…
    -D’accord… Je sais que c’est bizarre, mais je trouve ça plutôt cool l’idée d’avoir une cicatrice. »
    La jeune femme eut un petit rire en répondant :
    « Non, ne t’en fais pas, cela n’a rien de bizarre, tes amis m’ont dit que tu étais une fille endurcie. D’ailleurs, je vais pouvoir les laisser entrer, j’imagine qu’ils ont hâte de te voir, je vais juste leur indiquer de te laisser te reposer par la suite. Si t’as besoin d’aller aux toilettes, il y a une jeune fille qui est d’accord pour t’accompagner, tu n’auras qu’à crier et quelqu’un viendra te voir. Moi je reviendrai te voir dans quelques jours ok ?
    -Ok, merci docteur euh…
    -Je m’appelle Emma, mais je suis infirmière pas docteur, allez à la prochaine Émilie. »
    La dénommée Emma ressortit de la pièce, quelques secondes plus tard, une autre personne entra, rien qu’en la voyant, Émilie se rappela soudainement de comment elle était sortie de la vidéothèque. Grand, de longs cheveux blonds, une légère barbe, une apparence musclée et un sourire en coin, il était difficile de ne pas reconnaître son cousin Steve.

    Ce dernier s’approcha du lit, Émilie eut à peine le temps de prononcer son prénom que ce dernier la serra dans ses bras pendant de longues secondes, lorsqu’il la relâcha, Émilie indiqua :
    « Eh ben, toi qui n’est pas émotif d’habitude. 
    -C’est une occasion spéciale aussi.  Alors comment vas-tu ?
    -Bien, grâce à toi, je te remercie de m’avoir sauvé.
    -C’est normal, bien que j’aurais préféré te revoir dans d’autres circonstances. Surtout que j’ai eu un peu de mal à te reconnaître avec ta nouvelle couleur de cheveux.
    -Ah ça… C’est une longue histoire…
    -Justement, j’ai du temps devant moi, alors j’aimerais que tu me racontes tout et pas la version où tu as kidnappé un gosse, je n’y croirais pas !
    -Ok… Bon alors comme tu le sais, je ne me plaisais pas à l’hôpital donc j’ai cherché à partir… »

    Émilie lui raconta alors tout ce qu’elle avait vécu jusque-là, le retour dans les égouts, la rencontre avec Tom, la recherche des espaces verts…du moins presque tout, elle jugea préférable de ne pas parler de son agression pour le moment.  Lorsqu’elle eut fini, Steve commenta :
    « Eh ben… On pourrait presque en faire un roman…
    -Eh oh ! Je t’avais dit que c’était long à expliquer !
    -T’en fais pas, je te taquine. 
    -Et toi alors ? Ne me dis pas que t’as réellement abandonné ton fils, parce que sinon j’ai beau être blessé, je te donnerai quand même une claque et pas une petite !
    -Rassures-toi, le petit Thomas va bien et je le vois régulièrement. On m’a proposé de participer à l’approvisionnement de l’hôpital et j’ai accepté. J’ai une arme, mais je ne suis pas vraiment soldat, au final, on surveille l’un des secteurs les plus calmes par ici, je suis plus une sorte d’agent de sécurité pour le moment mais au moins ça m’occupe, comme toi, je ne supportais plus de rester enfermé dans cet hôpital à ne rien faire…
    -Bon ça va alors, pas besoin de te frapper.  Et Mathilde, comment elle va ? »
    Le sourire de Steve s’effaça, il souffla un grand coup avant d’expliquer :
    « Elle, ça ne va pas fort, pas du tout même. Heureusement, elle n’est plus surveillée pour cette histoire de kidnapping, mais malgré tout elle reste la plupart du temps allongé avec le petit, elle ne me parle presque plus, je lui ai proposé plusieurs fois de faire un tour dehors pendant qu’Emma s’occupe du bébé en lui disant que cela lui ferait du bien mais elle ne veut pas. Elle continue de manger parce que je la force mais j’ai l’impression qu’elle attend simplement que la mort arrive… »
    Des larmes commencèrent à couler sur ses joues, Émilie le serra dans ses bras et se mit à pleurer à son tour, elle n’arrivait pas à imaginer sa sœur comme ça, elle proposa alors à Steve :
    « Tu penses que si elle viendrait me voir, ça lui ferait du bien ?
    -Je ne sais pas, j’essayerai de lui demander de m’accompagner pour te voir la prochaine fois
    -Oui s’il te plaît.
    -Bon, je vais te laisser, je pense que d’autres ont envie de te voir, on se verra sans doute demain, au fait vu que Daniel à témoigné, tu n’es plus recherché pour kidnapping rassures toi
    -Du coup, il est de nouveau à l’hôpital ?
    -Non, sa mère l’a autorisé à rester ici, on lui a convaincu que c’est plus saint pour lui d’être dans des jardins plutôt qu’enfermé et qu’elle pourrait venir le rejoindre si elle le souhaite. Avant de partir, je te redonne ça, vu que je te l’avais pris, caches le, je ne pense pas que les autres seraient d’accord de te laisser garder ça. A la prochaine Lily !
    -Oui, à bientôt. »
    Émilie reprit son poignard, elle était heureuse d’avoir encore ce souvenir précieux en sa possession et décida de la cacher derrière la caisse qui servait de table de chevet.

    À la suite de Steve ce fut Christophe qui rentra, un grand sourire se dessina sur son visage lorsqu’il observa Émilie qui le lui rendit. L’homme s’approcha du lit et observa le bandage de plus près, bien qu’il continuât de sourire, Émilie remarqua qu’il avait le regard inquiet, néanmoins l’homme se tourna vers la jeune fille et lui demanda :
    « Comment vas-tu ma grande ?
    -Ça va mieux, par contre dommage qu’il n’y ait pas de fenêtre ici, j’ai vu qu’il y avait du soleil quand t’es rentré.
    -Ah ça… Emma nous a demandé de te placer dans une chambre individuelle  afin que tu te reposes au mieux, on n’en a pas, du coup on a sortit tout les outils de ce cabanon et on y a placé un lit, c’est le seul endroit que l’on avait pour cela. Le plus dur a été de chauffer l’endroit, mais avec une rallonge et un petit radiateur, ça suffit heureusement.
    -Ah ! C’est ça qu’est branché sous mon lit alors. C’est gentil d’avoir fait ça pour moi, merci.
    -Je te dois bien cela, c’est un peu à cause de moi si t’as été blessée, je n’aurai pas dû vous envoyer aussi loin.
    -Mais non voyons, comme dirait mon frère, ce sont les risques du métier. »
    Christophe ria de bon cœur, il semblait soulagé de voir que la jeune fille était en forme, il discuta encore quelques minutes avant de partir et de laisser place à Tom et à Benoit qui rentrèrent à deux.  Après avoir répondu à l’habituelle question vis-à-vis de sa santé, Émilie demanda à Benoit :
    « Qu’est-ce qui s’est passé alors ?
    « Tu te souviens, tu t’étais assise dans la vidéothèque, car t’avais besoin de te reposer et moi je suis allé voir dehors quel véhicule venait d’arrivée.
    -Ça, oui je m’en souviens, ensuite ?
    -C’étaient les Résistants qui viennent charger leur camion habituellement, Christophe leur avait demandé de venir voir ce qui se passait vu que l’on mettait du temps à revenir. Je leur ai dit que tu étais blessé et que t’étais dans la vidéothèque, l’un d’eux à couru vers toi et quand il t’a vu, il semblait te connaître donc il t’a porté jusqu’au camion et t’a allongé à l’arrière en prenant soin de garder ta tête sur ses genoux. Il a hurlé à son collègue d’aller jusqu’aux espaces verts à pleine vitesse avant de téléphoner à un camp et de leur demandé d’y envoyer un médecin au plus vite. Une fois arrivé, on t’a allongé sur l’un des lits du dortoir jusqu’à ce que l’infirmière demande à te mettre dans une chambre seule, du coup t’as atterri ici. »
    Émilie s’était imaginé toute la scène pendant les explications de Benoit, elle commenta :
    « Eh ben…quel bazar, tout ça pour moi. »
    Elle avait dit ça avec un grand sourire, Tom cependant commenta :
    « Allons, tu vaux bien autant de précaution.
    -Merci et merci à toi Benoit, sans ton bandage express, j’aurai sans doute perdu plus de sang et je ne serai sans doute plus là.
    -Bah… C’est bien parce que t’es sympa sinon je t’aurais laissé crever.
    -Mais quelle enflure ! »

    Tous trois rirent de bon cœur, Émilie était ravie d’avoir ses deux proches amis à ses côtés, elle en était presque à remercier ce qui lui était arrivé. Les trois amis discutèrent et plaisantèrent un long moment, si longtemps que Christophe dû intervenir au soir en rappelant aux garçons que la jeune fille avait besoin de repos, ils lui souhaitèrent donc une bonne nuit et s’en allèrent, Tom l’embrassa même sur la joue avant de partir.

    Une fois seule, Émilie s’ennuya rapidement, bien qu’elle ait éteint la lampe, elle n’arrivait pas à s’endormir, elle se contenta d’observer l’obscurité du plafond tout en repensant aux différentes choses qu’on lui avait dites durant l’après-midi. Lorsqu’elle repensa à sa sœur et à l’état dans lequel elle semblait être cela lui fit mal au cœur et elle ne put s’empêcher d’avoir des larmes qui coulèrent sur ses joues. Elle se demanda comment sa sœur avait pu devenir comme cela, elle alla jusqu’à penser qu’elle était sans doute responsable de son état et que les choses iraient sans doute mieux si elle était restée aux côtés de Mathilde. Elle s’interrogea également sur la réaction qu’aurait Jordan, s’il revenait et découvrait cela, en y réfléchissant à cela, elle crut comprendre ce qui n’allait sans doute pas chez sa sœur.  D’abord, Jordan était parti, puis elle-même et enfin Steve, bien qu’il semblât la voir régulièrement, Émilie jugea que sa sœur devait se sentir abandonner par tout le monde et que le fait de devoir élever son enfant presque seule ne devait pas aider. La jeune fille espéra de tout cœur que Mathilde vienne la voir afin qu’elle lui explique que ce n’est pas sa sœur qu’elle a quittée mais l’hôpital, qu’elle ne pouvait plus supporter cette vie et que Mathilde devrait faire de même. Émilie songea même à convaincre Mathilde de rester ici, elle serait bien entourée et cela l’aiderait à se sentir mieux, voilà ce qu’elle lui dirait lorsqu’elle viendrait. La jeune fille réfléchit très précisément à ce qu’elle comptait dire, elle imagina chacune de ses phrases comme si elle préparait un discours officiel, elle finit cependant par s’endormir suite à toute cette réflexion.

    Le lendemain, Émilie fut réveillée par quelqu’un qui toqua à sa porte, elle autorisa la personne à entrer parce qu’elle somnolait encore. Il s’agissait de Camille vêtue d’une veste en laine blanche et d’un jean serré, la jeune fille était venue lui apporter le petit déjeuner avec un grand sourire. Il y avait un grand bol de lait chaud, ce qui était assez rare. Camille lui expliqua :
    « Ce sont les Résistants qui ont pu nous procurer du lait, apparemment ils détiennent une ferme non loin avec quelques animaux. »
    Camille gardait cette voix douce et agréable à entendre, cela s’accompagnait d’un sourire sincère. Lorsqu’elle s’approcha d’Émilie, celle-ci remarqua les yeux vert clair de Camille, ils étaient aussi brillants qu’une émeraude. Camille s’excusa auprès d’Émilie :
    « Désolé hier je n’ai pas pu te voir, je le voulais, mais à chaque fois que je venais il y avait quelqu’un.
    -Ne t’en fais pas.
    -Je sais que toi et moi on n’est pas très proche et que tu me détestes mais je…
    -Je ne te déteste pas Camille, d’où tu sors ça ?
    -Ah bon… Je croyais pardon. »
    Émilie se sentit un peu mal vis-à-vis de Camille, au final, elle avait mal jugé la jeune fille et lui en voulant alors qu’elle ne lui ait rien fait de mal, juste par pur jalousie infantile. Au final Camille semblait bien au contraire très gentille et une bonne amie si l’on apprenait à la connaître, cette dernière demanda alors à Émilie :
    « Dans ce cas, j’espère que tu ne m’en voudras pas pour ce que je vais faire.
    -Quoi donc ? »
    Sans prévenir Camille serra Émilie dans ses bras, Émilie fit de même, elle sentit entre ses doigts les cheveux doux de la jeune fille, bien qu’elle ne sût expliquer pourquoi, ce câlin lui donna une sensation de bien-être comme si elle ressortait d’un bon bain chaud. Elle avait presque envie de poser sa tête sur l’épaule de Camille, tellement elle se sentait bien dans ses bras, mais cette dernière finit par lâcher Émilie. Camille lui avoua alors :
    « J’étais très inquiète lorsque Benoit m’a expliqué ce qui s’était passé et encore plus lorsque j’ai vu l’état de ton bras, j’ai eu peur que tu ne te réveille pas, Tom m’a rassuré en disant que tu étais forte, par chance il a eu raison, je suis ravi de savoir que tu vas mieux.
    -Merci, moi aussi. »
    Émilie était encore quelque peu perturbée, elle ne connaissait pas Camille plus que cela pourtant elle semblait être devenue en quelques secondes sa meilleure amie, d’un coup Émilie avait envie de passer la journée en sa compagnie à discuter.

    Lorsqu’elle annonça son départ, Émilie proposa à Camille de rester, lui déclarant qu’elle avait envie de parler et de la connaître un peu plus. Les deux filles passèrent la matinée ensemble, Émilie découvrit que Camille n’avait jamais connu ses parents, elle avait été adoptée par un couple d’hommes homosexuel vivant en Angleterre, bien que tous deux étaient d’origine française. Grâce à cela, elle était devenue bilingue rapidement étant enfant. Elle raconta aussi qu’elle avait subi beaucoup de moquerie de la part des autres élèves qui l’insultait régulièrement de « Gay’s Pussy »  qu’elle préféra ne pas traduire auprès d’Émilie. Elle avait arrêté l’école suite à ce harcèlement et la guerre était apparue peu après. Elle expliqua qu’elle n’en avait jamais voulu à ses parents adoptifs, il le lui avait expliqué très clairement pourquoi elle avait deux papas et les autres avaient une maman, chose qu’elle avait comprise et acceptée. Elle était aussi heureuse qu’un enfant qui avait une maman, si ce n’est parfois plus vu que les siens la chouchouter lorsqu’elle allait mal. Suite au début de la guerre, ses parents s’étaient séparés, l’un chez les résistants et l’autre du côté des Relanceurs, Camille, elle avait été envoyée dans un refuge, depuis elle ne cessait d’être baladée de refuge en refuge, jusqu’à celui des espaces verts dans lequel elle espérait rester, en précisant qu’elle en avait marre d’être un bagage qui voyage. Lorsque Camille termina son histoire, Émilie commenta :
    « Eh ben, j’ignorais tout cela de toi, je regrette pour tes parents et pour ce que tu as subi étant enfant.
    -Merci… S’il te plaît, ne dit à personne d’autre que je t’ai raconté tout ça, tu es la seule à être au courant et j’aimerai que ça reste le cas.
    -Tu peux compter sur moi Camille. 
    -Merci. »
    Camille serra de nouveau Émilie dans ses bras sauf que cette fois-ci il y avait quelques larmes qui coulaient sur ses joues, le fait de raconter son histoire l’avait fait pleurer. Encore une fois, Émilie ressentit cette sensation de bien-être lorsqu’elle fut dans les bras de son amie, la jeune fille se demanda si Camille n’avait pas un don pour cela, une sorte de câlin magique. Lorsqu’elle relâcha son étreinte, Camille indiqua tout en séchant ses larmes :
    « Cette fois-ci je vais devoir y aller, on aura sûrement besoin de mon aide en cuisine »
    Avant qu’elle ne sorte, Émilie avait une dernière chose à lui demander :
    « Attends ! Je m’excuse de devoir te poser cette question, mais j’imagine que tout ce que tu as subi dans ton enfance a été traumatisant, comment tu fais pour faire confiance aux gens, pour sourire et être gentille comme tu l’es ? Comment t’as fait pour oublier ça et passer à autre chose. »
    Camille sembla réfléchir quelques secondes aux mots qu’elle allait utiliser avant de répondre :
    « On n’oublie pas Émilie, ça reste dans notre mémoire et quand on y pense, ça continue de nous faire souffrir. Mais à côté de cela, il faut aussi se souvenir des bons moments et se dire que si l’on continue de souffrir, on risque de passer à côté de plein de bonnes choses, on risque de passer à côté de personnes géniales. Si j’arrive à être aussi gentille, c’est parce que je sais ce que l’on ressent lorsque l’on subit de la méchanceté et ce monde est tellement rempli de mauvaises personnes qu’il faut tout faire pour ne pas leur ressembler. Sourire aux gens, parler avec eux, les réconforter s’ils en ont besoin, toutes ces petites choses font qu’au final, en aidant les autres, on se sent mieux soi-même, on constate le bien que l’ont fait et cela nous fait ressentir plus léger, au final le poids qu’on a en soi fini par diminuer de lui-même, on ne peut pas oublier, on peut seulement… atténuer nos souffrances. Pour ce qui est de faire confiance, je suis mal placé, comme je l’ai dit en dehors de toi, personne d’autre ne connais cette partie de ma vie, j’ai trop peur de leur réaction…
    -Pourquoi me l’avoir dit à moi ?
    -Je ne sais pas… je ressens quelque chose avec toi… tu me semble sincère et j’ai la sensation qu’au fond de toi, t’as la même douleur que je ressens et que comme moi, tu cherches à la combattre. J’imagine que c’est pour cela que tu as posé cette question… 
    -Oui… mais… je ne pense pas être prête à en pa…
    -Ne t’en fais pas, tu m’en parleras que quand et si tu le décides, je n’insisterai pas là-dessus. Je suis désolé, mais là il faut vraiment que j’y aille, à plus tard Émilie.
    -Oui, à tout à l’heure. »
    Camille sortit finalement de la pièce laissant Émilie seule, cette dernière s’allongea sur son lit et repensa à l’histoire de Camille et également à celle de Christophe

    . La jeune fille trouvait cela stupéfiant que, lorsqu’on apprenait à connaître les gens, chacun avait quelque chose à raconter et à apprendre pour celui qui accepte de les écouter. Elle se demanda si Jonathan avait également subi quelque chose qui expliquait sa solitude quotidienne, mais elle n’était pas sûre que ce dernier accepterait de se confier, surtout à elle. Tout en réfléchissant, la jeune fille finit par s’endormir, assommé par la chaleur et l’ennui, elle fut réveillée pour le déjeuner, Tom et Daniel étaient venus lui apporter un bol de soupe.
    Bien qu’elle n’ait pas faim, elle se força à avaler quelque gorgée du potage de carotte pour faire plaisir à Daniel qui lui expliqua fièrement qu’il avait aidé à la préparer, ce dernier ajouta :
    « Je suis content que tu ailles bien !
    -Moi aussi j’en suis contente. Et toi comment vas-tu ?
    -Ça va, j’ai revu ma maman et elle est d’accord pour que je reste ici avec Maxime.
    -Oui, j’ai appris ça, tu dois être très content du coup !
    -Oui !! D’ailleurs, je dois retourner jouer avec lui, ça ne t’embête pas ?
    -Non, non, tu peux y aller ! »
    Le jeune garçonnet parti en courant tout en hurlant de joie, Émilie ria et déclara à Tom :
    « Toujours aussi agité celui-là…
    -Ouais… dommage que l’on puisse pas lui retirer ses piles. »
    Tom s’assit à côté d’Émilie et lui demanda :
    « Tu as bien dormi ?
    -Oui oui ça va, et toi ?
    -Hein euh oui… »
    Tom semblait vouloir discuter sans savoir de quoi parler, par chance Steve entra dans la pièce, voyant le jeune homme, il lui demanda :
    « Oh euh… Ça ne te dérange de nous laisser seuls ?
    -Non pas de soucis, je vais ramener son bol en cuisine. »
    Lorsqu’il sortit, Tom sembla saluer quelqu’un mais n’obtenu aucune réponse, Steve se pencha vers Émilie et lui chuchota à l’oreille :
    « J’ai réussi à la faire venir, tu vas sans doute la voir fort changée par rapport à tes souvenirs, mais essayes de ne pas paraître choqué.
    -D’accord.
    -Merci. »
    Steve se redressa et s’éloigna du lit avant d’annoncer à voix haute :
    « C’est bon ma chérie, tu peux venir, elle est réveillée et en pleine forme. »
    La jeune femme passa la porte et entra dans la pièce, entre ses cheveux complètement emmêlés, le teint de peau blanchâtre, le sourire forcé, les yeux cernés  et la minceur squelettique de son corps caché par une longue robe blanche sale à plusieurs endroits, Émilie avait eu du mal à la reconnaître et pourtant c’était bien sa sœur Mathilde qui lui faisait face. 

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :