• Chapitre XI

     

      La jeune femme s’approcha d’Émilie qui ne put s’empêcher de serrer sa sœur dans ses bras une fois celle-ci assez proche pour le faire. La jeune fille avait une flopée d’émotions qui tourbillonnaient dans sa tête, elle était ravie de retrouver sa sœur mais également inquiète de la voir dans cet état-là, ce conflit sentimental ne put s’exprimer que par des larmes qui coulèrent sur les joues d’Émilie. Elle n’était pas la seule à pleurer, la jeune fille remarqua que sa sœur avait également les larmes aux yeux, toutes deux partageaient leurs sentiments en silence, comme si une connexion psychique se faisait entre elle et qu’elles se rassuraient l’une l’autre sans le savoir. Elles relâchèrent leur étreinte en même temps et Émilie se décala afin de laisser sa sœur s’asseoir tout en séchant ses larmes, Steve tenta d’apaiser l’ambiance en déclarant avec le sourire :
    « J’en déduis que vous êtes contente de vous retrouver… ou que vous aviez froid 
    -Mais tais-toi, toi ! On a bien compris que t’étais jaloux ! »
    La réponse d’Émilie avait réussi à faire rire un peu Mathilde, celle-ci observa sa jeune sœur et lui demanda :
    « Alors comme cela, tu fais comme ton frère a toujours prendre des risques ? »
    Émilie fut abasourdie par la faiblesse de la voix de sa sœur, comme si cette dernière avait subi une extinction de voix récemment et qu’elle était forcée de chuchoter, néanmoins Émilie fit son possible pour ne pas laisser paraître sa stupéfaction afin de ne pas vexer sa sœur. Pour autant, elle ignorait quoi répondre, ne sachant pas si sa sœur lui faisait un reproche ou si elle lui posait une simple question, elle finit par déclarer :
    « J’essaie de l’éviter, mais je crois que j’ai ça dans le sang. »
    Pendant quelques secondes elle avait cru voir Steve faire des gestes avec ses mains, mais celui-ci s’était arrêté au moment où sa femme se retourna pour l’observer, Mathilde se tourna de nouveau vers Émilie, cette dernière avait la sensation que sa sœur se retenait de pleurer, de plus, la jeune fille remarqua que désormais sa sœur lui portait un regard plus sombre comme si elle était en colère contre elle. Mathilde ferma les yeux et serra le poing, comme si elle tentait de se contrôler avant de répondre d’un ton amer :
    « Ça… c’est sûr que tu ne dois pas avoir le même sang que ta sœur, tu n’es pas stupide comme elle, à rester en sécurité bien tranquille pour finir par être abandonnée de tout le monde. 
    -Ma chérie tu…
    -Fermes là ! Je suis venue pour parler avec ma sœur, non ? Alors laisse-moi parler avec ma sœur et n’intervient pas. »
    Steve avait tenté de calmer Mathilde, mais s’était fait taire sèchement, Émilie se sentait très mal à l’aise, il fallait qu’elle s’explique, ce qu’elle fit en gardant un ton calme :
    « Je ne t’ai pas abandonnée, ce n’est pas comme ça que je l’envisageais, je n’ai jamais voulu…
    -Tu n’as jamais voulu quoi ? Tu n’as jamais voulu me faire de mal ? Tu n’as jamais… voulu m’abandonner ? Regarde-moi dans les yeux et ose me dire que tu ne rêvais pas de partir depuis longtemps déjà.
    -Bon Mathilde maintenant ça…
    -Steve s’il-te-plait, sors.
    -Quoi ? »
    Bien que Mathilde ait formulé sa demande de manière polie, sa façon de le dire sonnait plus comme un ordre, celle-ci se répéta :
    « J’aimerais que tu sortes et que tu nous laisses, moi et ma sœur, discuter entre nous deux sans devoir subir tes interventions régulières.
    -Vous ne discutez pas, tu ne fais que l’engueuler et lui balancer des reproches à la figure, Émilie n’a jamais voulu t’abandonner, elle voulait juste vivre libre plutôt que de vivre enfermée et elle n’est pas responsable des conséquences qui ont coulé sur toi. »
    Mathilde semblait ne pas avoir écouté, elle se leva et fit face à Steve avant de lui proposer d’un ton malsain :
    « Faut-il que je balance notre petit secret à tes collègues ou alors tu vas sortir gentiment ? »
    Émilie fut scandalisé, ce n’était pas dans les habitudes de sa sœur de faire du chantage, surtout pas de cette manière. Steve s’offensa tout autant déclarant :
    « Tu oserais aller jusque-là, vraiment ? T’as perdu les pédales ma vieille, il faut vraiment aller consulter…
    -C’est ça, insultes-moi, ça me convint beaucoup.
    -Tu sais quoi tu peux aller te…
    -STEVE ! »
    Émilie était intervenue avant que cela ne parte plus loin, elle ne voulait pas attirer de problèmes à Steve et lui indiqua :
    « C’est bon, tu ne peux nous laisser à deux, ça va aller, ne t’en fais pas.
    -Tu vois, elle, elle prend ses responsabilités au moins, aller du vent. »
    Steve, bien qu’énervé, finit par sortir en claquant la porte, Mathilde revint s’asseoir sur le lit, Émilie prit la parole avant que sa sœur ne puisse le faire :
    « Néanmoins, il a raison, je n’ai jamais voulu tout ça Mathilde, crois-moi, je le regrette mais… je n’en pouvais plus d’être enfermée dans cet hôpital, il fallait que j’en sorte, je t’en supplie, pardonne-moi.
    -Et tu crois que ça m’a plu à moi ? De rester enfermée dans la même pièce nuit et jour, d’être interrogé telle la pire des criminels toutes les heures, tu crois que ça m’a plu ? Que l’on m’empêche de voir mon propre fils plus de dix minutes par jour, tu crois que ça m’a plu ? Tu crois que ÇA M’A PLU À MOI ? 
    -Je suis désolée, Mathilde, je n’ai pas vou…
    -Regarde ce que tu m’as fait Émilie, regarde ce que je suis devenu, tu crois que moi je l’ai voulu ? TU CROIS QUE J’AI VOULU DEVENIR COMME ÇA ? REGARDE CE QUE TU M’AS FAIT !! POURQUOI T’AS FAIT ÇA ? POURQUOI ? »
    Émilie n’avait pas pu retenir ses larmes se disant que Mathilde avait entièrement raison, tout cela était de sa faute, si elle n’était pas partie sa sœur n’aurait jamais subi cela. Elle était responsable de l’état dans lequel se trouvait Mathilde. C’est alors que la voix de Steve se fit entendre, demandant inquiet :
    « Qu’est-ce que t’as fait Mathilde ? »
    Cette dernière s’était retournée vers le jeune homme avant d’observer sa sœur, en la voyant dans quel état celle-ci était, la jeune femme sembla prendre conscience de ce qu’elle venait de faire et se mit à pleurer à son tour en s’excusant :
    « Pardon Émilie, je ne voulais pas… pardon. »
    Mathilde s’était approchée de sa sœur pour la rassurer, mais Steve l’en empêcha lui proposant :
    « Je pense que l’on est mieux à la laisser seule pour l’instant ma chérie, tu t’excuseras la prochaine fois, je suis sûr qu’elle ne t’en veux pas. On va rentrer, s’occuper de Thomas et se reposer d’accord ? »
    Mathilde hocha la tête tout en continuant de pleurer, Steve l’accompagna jusqu’à la porte, avant de sortir la jeune femme jeta un dernier coup d’œil :
    « Pardon…
    -Ne t’en fais pas mon cœur, je vais lui parler un peu, attends-moi dans le camion. »
    Steve retourna auprès d’Émilie qui pleurait encore, celle-ci déclara :
    « C’est de ma faute si elle est comme ça…
    -Mais non ma puce, tu n’y es pour rien, c’est pas toi la responsable, ce sont ceux qui lui ont fait subir ça et ils ont payé.
    -Elle… Elle a…
    -Elle a craqué, je sais… Ne t’en fais pas, elle s’est bien rendu compte de ce qu’elle a fait, elle va sûrement s’en vouloir toute la soirée. Je pense que malheureusement te revoir lui a fait remonter plein de remords à la surface et il fallait que cela explose pour qu’elle passe à autre chose. T’en fais pas, je suis sûr qu’elle ne t’en veut pas… ça va aller ? »
    Émilie hocha la tête, tandis que Steve lui passait la main dans les cheveux pour la rassurer, il l’embrassa sur le front avant de lui dire :
    « Aller va, reposes-toi, ne penses plus à tout cela, ça ira mieux demain, j’essayerai de passer. »
    Steve se leva et sortit de la chambre laissant Émilie seule. La jeune fille resta allongée à réfléchir tout en fixant le plafond, elle se sentait toujours autant responsable de ce qui était arrivé à sa sœur peu importe ce que disait Steve, pour elle, si elle n’était pas partie, Mathilde serait resté la même. Pour autant, Émilie se souvint qu’avant même qu’elle s’en aille, sa sœur maigrissait déjà à vue d’œil et était constamment fatiguée, elle se demanda alors si Mathilde ne sombrait pas depuis longtemps déjà et que, sans le vouloir, Émilie avait accéléré sa chute.

    Ses pensées finirent par se mélanger tandis qu’Émilie s’endormait doucement, plus par ennui que par fatigue. La jeune fille rêva que son frère Jordan passait la porte et s’approchait d’elle pour la serrer dans ses bras, elle était heureuse de le revoir, il n’avait pas changé d’un pouce. Le jeune homme lui demanda :
    « Comment vas-tu sœurette ?
    -Ça ne va pas très bien… »
    La jeune fille avait répondu en baissant les yeux et lorsqu’elle les releva pour voir son frère, celui-ci avait disparu. Ce n’était pas le seul changement, il faisait plus sombre qu’auparavant et le plancher craquait comme si quelqu’un marchait dessus sans qu’Émilie puisse le voir. D’un coup sa sœur se tenait au-dessus d’elle, ces yeux étaient vides et son visage était figé sans aucune expression. Sans prévenir sa sœur l’étrangla en hurlant d’une voix fantomatique :
    « REGARDE CE QUE TU M’AS FAIT ! REGARDE-MOI ! REGARDE-MOI ! »
    Émilie tentait de se débattre tandis qu’elle suffoquait, elle frappait la créature, celle-ci avait désormais la bouche ouverte comme si la mâchoire s’était cassé montrant un vide béant qui semblait vouloir avaler la jeune fille. Celle-ci parvint à se défaire de ce monstre qui avait pris le visage de sa sœur, elle reprit son souffle tout en continuant de se débattre pour se libérer et finit par hurler :
    « LACHES-MOI ! »
    La créature avait disparu laissant la jeune fille tranquille mais Émilie vue de nouveau sa sœur, cette fois-ci debout à côté du lit. Elle avait toujours les yeux sombres, mais cette fois-ci des larmes noires en coulait, désormais, elle parlait avec sa voix habituelle, expliquant calmement :
    « Tu m’as tué Émilie.
    -Non, c’est faux !
    « Tu m’as tué.
    -NON »
    Mathilde cessa de parler et tomba sur le sol sans vie, Émilie observa le corps de sa sœur et tout en pleurant lui supplia :
    « Non, non soit pas morte, je ne t’ai pas tué, tu n’es pas MORTE ! »
    C’est alors que Steve s’était approché du corps pour y déposer un bouquet de fleurs, Émilie ne voyait pas ses yeux cachés par une longue mèche, celui-ci lui demanda :
    « Pourquoi t’as fait ça Émilie ? Pourquoi ?
    -C’est pas moi, je…
    -C’est une honte de faire ça à sa propre sœur. »
    Tom était apparu aux côtés de Steve et avait reproché cela avec colère, il baissa la tête vers le sol, observant le corps. Émilie n’eut pas le temps de répondre que Jordan apparu à son tour, agenouillé auprès de Mathilde, il questionna à son tour :
    « Pourquoi Émilie ? Pourquoi ? Tu n’es plus ma sœur… 
    -Pitié… Jordan je… »
    Les trois garçons étaient désormais debout face au lit d’Émilie et l’observaient, la jeune fille se rendit compte qu’à la place de leurs yeux, ils avaient une sorte de grande lumière blanche qui l’aveuglait, ils demandèrent tous trois d’un même écho :
    « Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? »
    Émilie tenta de s’expliquer bien qu’elle pleurer toujours mais leur écho fût de plus en plus fort finissant par couvrir sa voix, elle dut se cacher sous son oreiller, leurs cris devenant assourdissant. Le silence tomba subitement, lorsque la jeune fille sortit de sa cachette elle s’aperçut que les trois fantômes des garçons avaient disparu et que la pièce avait repris une luminosité plus naturelle. Elle s’allongea en séchant ses larmes, elle remarqua soudainement que Camille était allongé à côté d’elle, lui souriant. Avant qu’Émilie ne puisse lui demander quoi que ce soit, Camille posa son doigt sur sa bouche comme pour l’inciter à garder le silence puis elle passa sa main dans les cheveux de la jeune fille tout en la conseillant d’une voix rassurante :
    « Calme-toi, c’est terminé. »
    Camille passa son bras autour de la taille d’Émilie qui lui rendit la chose, la jeune fille se sentait effectivement mieux, elle ne troubla pas le silence, se contentant d’observer son amie lui sourire. Le fait d’être allongée en compagnie de Camille dans son lit fut la dernière partie du rêve dont se souvint Émilie lorsqu’elle se réveilla.

    La jeune fille remarqua qu’étrangement Camille se trouvait bien dans la pièce, celle-ci s’était endormie sur une chaise à côté de la petite table de chevet sur laquelle un bol de soupe se trouvait, sans doute, ramené par la jeune demoiselle.  Émilie trempa son doigt dans la soupe, comme elle s’en était douté, celle-ci était froide, c’était une soupe de carotte, mais froide ce n’était pas fort appétissant. La jeune fille conclut que si son amie lui avait déjà rapporté le dîner depuis un bon moment. Devinant qu’il n’allait pas tarder à faire nuit, elle décida donc de réveiller Camille avant qu’elle ne passe la sienne sur la chaise. Émilie observa son amie, même endormie, elle restait jolie et avait un visage amical, afin de ne pas la brusquer, elle prit une voix douce tout en bousculant légèrement la belle endormie :
    « Ohé, Camille… réveille-toi, Camille…
    -Hein… pardon quoi ? »
    La jeune adolescente se réveilla tout en baillant et en étirant ses bras, elle passa sa main dans ses longs cheveux bouclés pour les remettre légèrement en état tout en expliquant amusé :
    « Dire que j’étais venue pour veiller sur toi, c’est un peu raté
    -Pas grave… »
    Émilie pensa amusée que celle-ci l’avait fait dans son rêve, mais elle n’osa pas le dire. Camille se redressa et observa le bol de soupe, elle déplora :
    « Mince c’est froid maintenant…
    -Ce n’est pas grave, je n’ai pas faim, laisse-le là.
    -Comme tu veux, alors ça va toi ? »
    Émilie ne savait pas trop quoi répondre, elle n’avait pas envie de lui parler de ce qui s’était passé en début d’après-midi ou de son rêve, mais elle se disait que Camille avait été si honnête avec elle que ce ne serait pas juste de lui mentir ouvertement, d’autant plus que se confier pourrait sans doute la soulager. Camille, gênée, avoua timidement :
    « Je ne vais pas te le cacher, on entendait facilement que ça a crié ici cet après-midi, même si on ne comprenait pas ce qui s’est dit, c’était assez fort pour qu’on le remarque. De plus on a vu la femme repartir en larmes, donc, on se doute qu’il s’est passé quelque chose. Je ne dis pas ça pour te forcer la main, je comprendrais tout à fait que tu ne désires pas parler de ce qui s’est passé, saches juste que plusieurs personnes ont conscience qu’il s’est passé quelque chose… »
    Émilie comprit que son amie souhaitait la mettre en garde, car on lui poserait régulièrement la question pour savoir ce qui s’était passé dans la journée. Elle décida de remercier la jeune adolescente et de se confier auprès d’elle en espérant ne pas le regretter par la suite. Émilie lui expliqua rapidement qu’auparavant elle se trouvait dans l’ancien hôpital qui servait désormais d’accueil, mais que, ne supportant plus d’être enfermé, elle s’était enfuie en douce et que Daniel l’avait suivie bien qu’elle ne le voulait pas. Elle raconta alors ce qui était arrivée à sa sœur due à cela, comment elle avait été interrogée et maltraitée et que c’est ce que sa sœur lui avait reproché aujourd’hui de manière agressive. Pour terminer elle lui décrit le cauchemar qu’elle avait fait, du moins la partie avec sa sœur, Émilie préféra ne pas raconter à son amie le moment où elle avait rêvé d’elle. La jeune fille avait de nouveau les larmes aux yeux en racontant tout cela, elle ajouta :
    « Mais moi je n’ai jamais voulu cela pour ma sœur, tout ce que je voulais, c’était… »
    Elle s’était arrêtée, surprise par Camille qui s’était approché subitement pour la serrer dans ses bras. Celle-ci chuchota à l’oreille d’Émilie :
    « T’en fais pas, tu n’as pas à te justifier, j’ai très bien compris tes raisons. Ce n’est pas toi la responsable dans cette histoire, ce n’est pas toi qui as fait tout ça à ta sœur. Elle s’en rendra compte et elle finira par te pardonner, j’en suis persuadée…
    -Je l’espère… aussi… 
    -Ça va aller ne t’inquiètes pas »
    Émilie resserra quelque peu son étreinte tout en posant sa tête sur l’épaule de la jeune adolescente, elle se sentait légère et ses problèmes semblaient s’évaporer d’eux-mêmes. Elle ferma les yeux profitant pleinement de ce moment de douceur qui lui donnait l’illusion que le temps venait de s’arrêter. C’était comme avoir une peluche dans ses bras, sauf que là, elle était vivante et elle vous comprenez parfaitement, pendant une flopée de secondes, Émilie voulu l’embrassait, mais elle ouvrit les yeux et se rappela que ce n’était pas une peluche mais Camille qu’elle tenait dans ses bras, elle chassa immédiatement cette envie et relâcha directement son étreinte. Camille relâcha également son étreinte, se releva et prit le bol de soupe froide dans ses mains tout en indiquant :
    « Il va commencer à se faire tard, je vais te laisser, on reparlera demain si tu veux. Essaye de dormir et ne pense plus à tout ça, bonne nuit. »
    La jeune adolescente sortit de la pièce et referma la porte, Émilie remarqua qu’elle était partie de manière précipitée comme si quelque chose l’avait bousculée, la jeune fille espéra ne pas avoir gêné son amie avec ce long câlin.
    Émilie n’arriva pas à s’endormir tout de suite, elle espéra qu’elle pourrait bientôt sortir de ce lit, il n’y avait rien à faire, même pas un livre à lire ou de quoi dessiner, elle restait là à s’ennuyer en attendant que le temps passe. Cet ennui eut raison d’elle et elle finit par dormir n’ayant pas d’autre choix d’activités. La jeune fille ne fit aucun cauchemar durant la nuit, elle se réveilla au matin sans même se souvenir de ses rêves. Ayant envie d’aller aux toilettes, elle décida d’y aller par elle-même plutôt qu’attendre Camille afin de se faire accompagner pour marcher. Elle se leva, c’était toujours aussi déstabilisant de marcher au début après être resté longtemps allongé, elle mit ses chaussures ainsi que sa veste et sortit à l’extérieur. Il faisait très froid avec un léger brouillard, le ciel était encore fort sombre, il devait sans doute être encore tôt, c’était une chance pour la jeune fille qui n’avait pas trop envie de croiser du monde. Elle ne croisa effectivement personne sur l’aller, dans un bâillement, elle pria pour avoir la même chose au retour. Tout en marchant, elle vit quelqu’un au loin dans les jardins travaillant avec une pelle, il semblait s’agir de Christophe. Émilie fit tout pour ne pas se faire remarquer et arriva à rentrer dans sa chambre de fortune sans être vue. Elle retourna rapidement sous sa couette, la jeune fille tremblait avec ce froid et ce fut un bonheur de pouvoir retourner au chaud. Malheureusement, elle ne savait de nouveau pas quoi faire, même une fenêtre aurait été suffisante, elle aurait pu au moins observer ce qui se passait dans le camp.  Bien qu’à l’intérieur, elle entendît encore les coups de pelle que donnait Christophe dans la terre jusqu’à ce qu’elle se rendormît pour quelques heures.

    Lorsqu’elle se réveilla, deux personnes se trouvaient devant son lit, Benoît et Camille étaient venus lui rendre une visite matinale, ils étaient occupés de discuter entre eux n’ayant pas remarqués qu’Émilie était réveillée. Benoît était occupé d’expliquer :
    « J’ai surtout peur que l’on commence à se soupçonner entre nous alors que ça peut être quelqu’un de l’extérieur.
    -Oui, je suis d’accord, surtout que ce n’est pas très surveillé, cela devait arriver un jour. Mais heureusement, ce n’est pas très grave, ça aurait pu être bien pire…
    -Christophe ne le prends pas de manière aussi légère que toi. Il…
    -De quoi vous parlez, vous deux ? »
    Émilie avait interrompu la conversation de ses amis qui s’étaient tournés vers elle, la jeune fille remarqua brusquement que Camille n’était pas comme hier soir, elle semblait moins pétillante et souriante que la veille, beaucoup plus en retrait. Benoît quant à lui était comme d’habitude, souriant sans être rempli de joie de vivre, il scrutait Émilie des yeux comme s’il cherchait à mettre le doigt sur un détail particulier, lorsqu’il s’aperçut que la jeune fille avait remarqué sa façon de l’observer, il se justifia :
    « Oh Euh… Je veux juste voir si t’es en pleine forme et visiblement oui, tant mieux !
    -Euh… ben oui… pourquoi tu te demandes ça ? »
    Émilie espéra que Camille n’avait pas raconté à Benoît tout ce qu’elle lui avait avoué la veille pour qu’il l’observe à ce point. Ce dernier répondit de manière ironique :
    « Peut-être parce que t’es dans un lit depuis plusieurs jours dû à ton évanouissement… ça peut avoir un rapport avec mon inquiétude. »
    La jeune fille se sentit un peu stupide, il était vrai que cela était une raison valable. Benoît remarqua que Camille n’avait pas encore parlé et qu’elle gardait le regard quelque peu baissé comme si elle était perdue dans ses pensées, sentant qu’il y avait un malaise, il annonça :
    « Bon, je vais vous laisser, j’ai… plusieurs trucs à faire. On se voit plus tard. »

    Au moment où il sortit de la pièce, Camille sembla se réveiller, elle redressa la tête et déclara avec son sourire angélique :
    « Désolé pour cette mise en scène, je voulais venir te parler seule, mais il a voulu m’accompagner. Heureusement, je sais que le silence le gêne, voilà pourquoi j’agis comme une morte depuis tout à l’heure, mais ne t’en fais pas, je suis bel et bien vivante !
    -J’admets que c’était très perturbant, je même cru que tu m’en voulais pendant un moment…
    -Bah non pourquoi, je t’en voudrais ?
    -Je ne sais pas… c’est idiot, je sais »
    Émilie eut un petit rire forcé, mais en vérité elle fut ravie de voir qu’il n’y avait aucun soucis avec Camille, celle-ci tremblait de froid et demanda :
    « Ça ne t’ennuie pas de me faire une petite place sous ta couverture, je ne sais pas ce que j’ai, depuis ce matin, j’ai horriblement froid.
    -Non, non, tu peux venir. »
    Émilie se décala laissant Camille s’allonger à côté d’elle, la jeune fille pensa avec amusement que c’était presque comme dans son rêve de l’autre nuit à quelques détails près. La jeune fille questionna :
    « Alors de quoi vous parliez toi et Ben ?
    -Des légumes ont été volés dans le jardin cette nuit, Christophe s’inquiète car il n’a aucune idée de qui ça peut être. Depuis ce matin, il essaye de récupérer le maximum des légumes déjà comestibles.
    -C’est pour ça que Ben disait qu’il avait peur que cela commence à se soupçonner entre nous.
    -Oui, il est fort probable que ce soit quelqu’un de l’extérieur, mais on sait toutes les deux que la peur engendre facilement la paranoïa. »
    Les deux filles continuèrent à discuter du camp, de la guerre, de ce qu’elles aimeraient faire par la suite. Émilie apprit que Camille aimerait pouvoir voyager par la suite, tout comme elle-même le souhaitait. La jeune fille n’aurait pas su faire la liste de tous les sujets de leur conversation, ni de comment elles en étaient arrivées là. Tout ce qu’Émilie savait, c’est qu’en cet instant, elle et Camille étaient seules sur terre, que la guerre et ses problèmes avait disparu, que le temps ne se comptait plus et qu’elle se sentait plus vivante que jamais. Elle et Camille étaient occupés de s’embrasser.

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